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07/07/2022 | FRANCE | N°22MA00311

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 07 juillet 2022, 22MA00311


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet l'a placé en rétention.

Par un jugement n° 2106272 du 8 décembre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nic

e a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire, en...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel le préfet l'a placé en rétention.

Par un jugement n° 2106272 du 8 décembre 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 22MA00316 le 24 janvier 2022 et le 24 février 2022, M. A..., représenté par Me Parravicini, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 29 novembre 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour ou, à tout le moins, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le premier juge a omis de répondre à l'ensemble des moyens ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur sur sa situation personnelle et d'erreurs de fait, notamment concernant sa situation familiale ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire viole les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

- le caractère tardif de la notification du jugement avec ses motifs a méconnu le droit à un procès équitable et le droit à un accès effectif au juge garantis par les articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour d'une durée de deux ans est disproportionnée.

La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 22MA00311, le 24 janvier 2022, M. A..., représenté par Me Parravicini, demande à la Cour :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'arrêté du 29 novembre 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'erreur sur sa situation personnelle et d'erreurs de fait, notamment concernant sa situation familiale ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire viole les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

- le caractère tardif de la notification du jugement avec ses motifs a méconnu le droit à un procès équitable et le droit à un accès effectif au juge garantis par les articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans est disproportionnée.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 avril 2022, le préfet des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. d'Izarn de Villefort a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant arménien alors placé en rétention, a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler, en particulier, l'arrêté du 29 novembre 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans. Il relève appel du jugement du 8 décembre 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

2. Les requêtes susvisées n° 22MA00311 et n° 22MA00316 présentées par M. A... portent sur la légalité d'un même arrêté. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la régularité de la procédure :

3. Aux termes de l'article R. 776-27 du code de justice administrative : " Le jugement est prononcé à l'audience si l'étranger est retenu, au jour de celle-ci, par l'autorité administrative. (...) Le dispositif du jugement assorti de la formule exécutoire prévue à l'article R. 751-1 est communiqué sur place aux parties présentes à l'audience, qui en accusent aussitôt réception. (...) ". Aux termes de l'article R. 811-14 du même code : " Sauf dispositions particulières, le recours en appel n'a pas d'effet suspensif s'il n'en est autrement ordonné par le juge d'appel dans les conditions prévues par le présent titre. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que, conformément à ces dispositions, qui visent à permettre tant à l'étranger concerné par la mesure contestée qu'à l'administration d'avoir connaissance sans délai du sens du jugement rendu sur la contestation introduite par l'intéressé, que M. A... a reçu notification du dispositif du jugement attaqué à la suite de l'audience tenue le 8 décembre 2021. Si le jugement complet avec ses motifs ne lui a été notifié que le 24 janvier 2022, au moment où l'arrêté du 29 novembre 2021 a été exécuté, le caractère tardif de cette notification du jugement est sans incidence sur l'exercice de son droit à relever appel du jugement, le délai d'appel ayant couru à compter de cette date. Alors même que l'appel n'a pas d'effet suspensif, le requérant a eu la possibilité, qu'il a d'ailleurs mise en œuvre, de présenter devant le juge des référés du tribunal administratif de Nice, qui devait se prononcer dans un délai de quarante-huit heures, une requête tendant à la suspension de l'exécution de l'arrêté du 29 novembre 2021, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit à un procès équitable et du droit à un accès effectif au juge garantis, respectivement, par les articles 6-1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la régularité du jugement :

5. Le jugement attaqué a répondu aux moyens qu'il a visés, y compris à ceux que le requérant a soulevés à l'audience. En se bornant à soutenir que le premier juge a omis de répondre à l'ensemble des moyens, M. A... ne met pas la cour en mesure d'apprécier le bien-fondé de ce moyen.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., né le 12 décembre 1989, entré en France en 2014 avec ses parents, a demandé l'asile qui lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 11 décembre 2014. Consécutivement, il a été destinataire d'une obligation de quitter le territoire par un arrêté du 24 février 2016, puis, alors qu'il s'était maintenu sur le territoire français, de la même mesure d'éloignement, par un arrêté du 28 février 2019. Ses recours dirigés contre ces arrêtés ont été rejetés par le tribunal administratif de Nice, respectivement, le 23 juin 2016 et le 12 mars 2019. Il est célibataire et il n'établit ni même n'allègue que ses parents, qui ont également été déboutés du droit d'asile et qui se maintiennent en France, y sont désormais en situation régulière. S'il soutient que sa sœur, qui a été déboutée du droit d'asile dans les mêmes conditions, est restée en France et qu'elle a épousé un ressortissant arménien en situation régulière, il n'apporte aucun élément relatif à ces allégations. Il ne justifie d'aucune insertion professionnelle. Par suite, l'arrêté attaqué n'est pas entaché d'erreurs sur sa situation personnelle et d'erreurs de fait sur ce point. Il n'est pas davantage fondé à soutenir, eu égard à la durée et aux conditions de son séjour en France, que l'arrêté attaqué, en ce qu'il l'oblige à quitter le territoire français, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

7. M. A... se borne à reprendre à l'identique les moyens de fait et de droit qu'il avait soulevés devant le premier juge, lequel a constaté à bon droit que les craintes pour sa vie n'étaient étayées par aucun élément et qu'ainsi la décision fixant l'Arménie comme pays de renvoi, ne méconnaissait pas les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans :

8. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) III. L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) ".

9. La situation de M. A... entrait dans le champ d'application de ces dispositions. Le fait que ses parents, voire sa sœur, demeurent en France ne peut être regardé comme des circonstances humanitaires justifiant qu'il ne fasse pas l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les conclusions à fin de suspension :

11. Par le présent arrêt, il est statué au fond sur la requête d'appel tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 29 novembre 2021. Par conséquent, les conclusions à fin de suspension de l'exécution de cet arrêté présentées par M. A... dans la requête n° 22MA00311 sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 22MA00311 de M. A....

Article 2 : La requête n° 22MA00316 de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.

N° 22MA00311, 22MA00316 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00311
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : PARRAVICINI;PARRAVICINI;PARRAVICINI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-07-07;22ma00311 ?
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