La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/07/2022 | FRANCE | N°22MA00230

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 07 juillet 2022, 22MA00230


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL AIC Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés des 4 juin 2020, 22 octobre 2020 et 18 février 2021 par lesquels le maire de la commune de Marseille a refusé de lui délivrer des permis de construire portant sur la réalisation d'un ensemble immobilier de vingt-six logements.

Par un jugement n° 2008858 2008862 2103230 du 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requ

te enregistrée le 18 janvier 2022, la commune de Marseille, représentée par Me Beauvillard...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL AIC Provence a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler les arrêtés des 4 juin 2020, 22 octobre 2020 et 18 février 2021 par lesquels le maire de la commune de Marseille a refusé de lui délivrer des permis de construire portant sur la réalisation d'un ensemble immobilier de vingt-six logements.

Par un jugement n° 2008858 2008862 2103230 du 22 novembre 2021, le tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2022, la commune de Marseille, représentée par Me Beauvillard, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 novembre 2021 ;

2°) de mettre à la charge de la SARL AIC Provence la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Marseille soutient que :

- les motifs de refus fondés sur la méconnaissance des article R. 111-27 du code de l'urbanisme et UC3-9 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal, et sur l'incompatibilité avec les prescriptions de l'OAP multi-sites sont légalement fondés ;

- le motif de refus fondé sur l'insuffisance du dispositif de rétention est légalement fondé ;

- le projet n'a pas été présenté de manière sincère.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 février 2022, la SARL AIC Provence, représentée par Me Szepetowski, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Marseille la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens d'appel sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Seisson substituant Me Beauvillard représentant la commune de Marseille.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Marseille relève appel du jugement du 22 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a annulé les arrêtés des 4 juin 2020, 22 octobre 2020 et 18 février 2021 par lesquels le maire de la commune de Marseille a refusé de délivrer à la SARL AIC Provence des permis de construire portant sur la réalisation d'un ensemble immobilier de vingt-six logements.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Aux termes de l'article UC3-9 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal : " Peuvent être interdits ou admis sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales, les constructions ou ouvrages à édifier ou à modifier qui, par leur situation, leur architecture, leur dimensions ou leur aspect extérieur, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains, à la valorisation du patrimoine ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel au sens de cet article, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

3. D'autre part, aux termes des orientations relatives aux zones Uc de l'OAP multi sites K1 " Qualité d'aménagement et des formes urbaines " : " Volumétrie et implantation des constructions. Composition volumétrique contextualisée. Cette orientation complète notamment les articles 5, 6, 7 et 8 du règlement des zones UC. Le travail de définition des implantations et volumétries doit viser une bonne insertion du projet dans son environnement. Il ne faut pas se contenter d'une application mathématique des règles de hauteur et d'implantation : il faut adapter la composition volumétrique à l'expression d'un parti architectural en réponse au contexte. Définir les implantions et hauteurs de façades des constructions de façon à : insérer le projet dans son environnement urbain et paysager (préservation des composantes végétales, épanelages en articulation avec le voisinage etc), s'adapter aux données climatiques (prise en compte de l'ensoleillement et des vents dominants), définir une expression architecturale de qualité (au lieu de rechercher la volumétrie maximale) ".

4. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le projet de la société AIC Provence est localisé traverse Pourrière, dans le 8e arrondissement de Marseille, dans un secteur constitué d'une part de villas individuelles et d'autre part d'immeubles collectifs jusqu'en R+7, de hauteurs, formes et architectures très diverses, qui ne présentent aucune homogénéité ni qualité architecturale ou intérêt particulier. L'environnement immédiat est constitué notamment en arrière-plan d'immeubles imposants et sans aucune qualité, et un peu plus loin de collectifs plus soignés mais restant assez imposants. Dans ce site d'implantation dépourvu de tout intérêt ou qualité, le projet de la société AIC, en R+5, de composition sobre avec des teintes claires, s'insère bien dans le paysage, et garde une composition végétale adaptée et une expression architecturale de qualité. La commune ne saurait soutenir que la hauteur, l'ordonnancement ou les épanelages ne correspondraient pas à l'environnant " constitué de maisons individuelles " alors que, ainsi qu'il a été dit, celui-ci est constitué de constructions de volumes et hauteurs très variées notamment sur l'îlot auquel il appartient. Ainsi, le projet, qui s'inscrit parfaitement dans le cadre urbain de cette zone de périphérie, ne porte pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants et n'est pas incompatible avec les orientations de l'OAP multi site K1. La commune de Marseille n'est donc pas fondée à soutenir que ces motifs justifiaient légalement les refus opposés les 4 juin 2020, 22 octobre 2020 et 18 février 2021.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article UC3-13 du règlement du plan local d'urbanisme intercommunal : " Eaux pluviales. Le règlement graphique identifie une " Zone 1 " et une " Zone 2 " dans lesquelles les dispositions précisées dans le tableau suivant sont applicables à toutes nouvelles imperméabilisations générées par l'édification de constructions nouvelles (...) Zone 2 : Rejet par infiltration (...) volume (...) au moins 500 m3 /hectare soit au moins 50 litres/m², ouvrage d'infiltration : dimensionné de manière à se vidanger en moins de 48 heures. Rejet dans un milieu naturel superficiel ou dans le réseau pluvial : volume de rétention (...) au moins 500 m3 /hectare soit au moins 50 litres/m², débit de fuite : au moins 10 litres/seconde/ha. Rejet au caniveau : volume (...) au moins 750 m3/hectare, débit de fuite (...) au moins 10 litres/seconde/hectare, sans dépasser 5 litres/seconde/rejet. Rejet dans le réseau unitaire (...) volume (...) au moins 900 m3 / hectare, débit (...) au moins 5 litres/seconde/hectare ".

6. En l'espèce, la commune de Marseille a refusé de délivrer le permis de construire sollicité le 23 décembre 2019 au motif que " le terrain d'assiette est concerné par des prescriptions relatives à la zone dans laquelle des dispositions sont à appliquer pour toute nouvelle imperméabilisation. Le projet qui prévoit un ouvrage de rétention des eaux pluviales d'un volume utile de 18 m3 avec un débit de suite maximal de 1,3 litres par seconde dans le réseau pluvial existant ne respecte pas les prescriptions de l'article 13 de la zone UC du PLUi comme indiqué dans l'avis défavorable rendu par la direction de l'eau et de l'assainissement ". Toutefois, la commune n'établit pas que le projet ne pourrait être accepté sous réserve d'une prescription concernant le volume ou le débit de fuite du dispositif prévu, alors qu'il ressort des pièces du dossier que la direction de l'eau et de l'assainissement a indiqué que son avis pourrait être favorable sous réserve de la production d'une étude complémentaire sur la perméabilité réalisée avant le début des travaux. Dans ces conditions, la commune de Marseille n'est pas fondée à soutenir que ce motif justifiait légalement le refus opposé le 4 juin 2020.

7. En troisième lieu, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

8. Aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. ".

9. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

10. En l'espèce, il ressort des pièces des trois dossiers de demande de permis de construire que la société AIC Provence a fait apparaitre l'état initial de l'environnement immédiat, comportant notamment des terrains vagues ou en friches sur lesquels est prévu un projet Nexity de bâtiments collectifs. Si certains documents mentionnent " PC Nexity " au lieu de " projet Nexity ", la lecture combinée des documents permet bien de comprendre que ce projet, situé derrière l'opération en litige, n'est pas encore réalisé et est à l'état de projet, la notice indiquant d'ailleurs que le permis de construire a été accordé. La commune de Marseille, saisie de ce projet, ne saurait ainsi sérieusement soutenir que la présentation de l'insertion du projet par rapport aux lieux avoisinants n'aurait pas été sincère ou que son appréciation aurait été faussée du fait de la représentation de cet immeuble à l'état de projet. La demande de substitution de motif ne peut donc qu'être rejetée.

11. Il résulte de celui précède que la commune de Marseille n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 novembre 2021.

Sur les frais liés au litige :

12. La SARL AIC Provence n'étant pas partie perdante à la présente instance, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par la commune de Marseille sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros à verser à la SARL AIC Provence sur le fondement des mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Marseille est rejetée.

Article 2 : La commune de Marseille versera à la SARL AIC Provence la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Marseille et à la SARL AIC Provence.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022 où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- Mme Baizet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.

2

N° 22MA00230

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00230
Date de la décision : 07/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : BEAUVILLARD

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-07-07;22ma00230 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award