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07/07/2022 | FRANCE | N°20MA00290

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 07 juillet 2022, 20MA00290


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée TDF a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2018 par lequel le maire de Canet-en-Roussillon s'est opposé à la déclaration préalable déposée en vue de l'édification d'une station relais de téléphonie mobile sur un terrain situé au lieu-dit " C... ", ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1902863 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit

sa demande et a enjoint au maire de Canet-en-Roussillon d'édicter une décision de non-...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée TDF a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2018 par lequel le maire de Canet-en-Roussillon s'est opposé à la déclaration préalable déposée en vue de l'édification d'une station relais de téléphonie mobile sur un terrain situé au lieu-dit " C... ", ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1902863 du 26 novembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à sa demande et a enjoint au maire de Canet-en-Roussillon d'édicter une décision de non-opposition à cette déclaration préalable de travaux.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 janvier, 20 mai et 19 octobre 2020, puis le 18 juin 2021, la commune de Canet-en-Roussillon, représentée par la SCP HGetC Avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 novembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la société TDF ;

3°) de mettre à la charge de la société TDF la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le motif d'opposition fondé sur les articles R. 111-27 du code de l'urbanisme et A - 11 du règlement du plan local d'urbanisme n'est pas illégal, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;

- le motif d'opposition fondé sur l'article A - 6 du règlement du plan local d'urbanisme n'est pas illégal, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal ;

- le motif d'opposition fondé sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme pourra être neutralisé s'il est jugé illégal ;

- elle sollicite une substitution de motifs, l'arrêté contesté pouvant être fondé sur les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense enregistrés les 6 avril, 25 septembre et 3 novembre 2020, ainsi qu'un mémoire non communiqué enregistré le 17 juin 2022, la société TDF, représentée par Me Bon-Julien, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement attaqué et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la commune de Canet-en-Roussillon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens invoqués par la commune de Canet-en-Roussillon ne sont pas fondés ;

- la demande de substitution de motifs présentée par la commune doit être rejetée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bon-Julien, représentant la société TDF.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 28 décembre 2018, le maire de Canet-en-Roussillon s'est opposé à la déclaration préalable déposée par la société TDF en vue de l'édification d'une station relais de téléphonie mobile sur un terrain situé au lieu-dit " C... " et classé en zone A du plan local d'urbanisme de cette commune littorale. La commune de Canet-en-Roussillon relève appel du jugement du 26 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montpellier, faisant droit à la demande de la société TDF, a annulé cet arrêté, ainsi que la décision implicite rejetant le recours gracieux formé à son encontre, et a enjoint à son maire d'édicter une décision de non-opposition à cette déclaration préalable de travaux.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les motifs d'opposition à déclaration retenus dans l'arrêté attaqué :

2. Pour annuler l'arrêté litigieux du 28 décembre 2018, les premiers juges ont censuré les trois motifs d'opposition retenus par le maire de Canet-en-Roussillon, tirés de ce que le projet litigieux, d'une part, méconnaît l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, d'autre part, porte atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants et, enfin, ne respecte pas l'article A - 6 du règlement du plan local d'urbanisme.

3. En premier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier, et il n'est d'ailleurs plus soutenu par la commune en appel, que le pylône projeté, d'une hauteur de trente mètres, pourrait constituer, ainsi que l'a relevé le maire de Canet-en-Roussillon dans l'arrêté contesté, un " obstacle visuel " susceptible de porter atteinte à la sécurité des usagers de la route départementale n° 617 située à proximité du terrain d'assiette. Par suite, cette autorité a fait une inexacte application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en retenant un tel motif pour s'opposer à la déclaration préalable de la société TDF.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ". L'article A - 11 du règlement du plan local d'urbanisme de Canet-en-Roussillon prévoit, à son point 1 intitulé " Principes généraux ", que : " Les constructions ne doivent pas, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions et leur aspect extérieur, porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, des paysages naturels ou urbains, ainsi qu'à la conservation de perspectives monumentales ".

6. D'une part, les dispositions citées ci-dessus de l'article A - 11 du règlement du plan local d'urbanisme de Canet-en-Roussillon ont un objet analogue à celles de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres que celles résultant de ce dernier article. Dès lors, c'est par rapport aux dispositions du règlement du plan local d'urbanisme que doit être appréciée la légalité de l'arrêté contesté.

7. D'autre part, pour apprécier si un projet de construction porte atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

8. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de l'étude paysagère établie par l'agence d'urbanisme catalane, que le terrain d'assiette du projet, qui est situé sur un plateau viticole et est classé en zone agricole du plan local d'urbanisme de Canet-en-Roussillon, est bordé par une voie publique elle-même située à proximité immédiate de la route départementale n° 617. Le terrain en cause s'inscrit dans un secteur à dominante agricole et très faiblement bâti, caractérisé notamment par la présence de mas anciens, et offrant une vue lointaine sur le massif des Albères, notamment. En admettant même que le secteur d'implantation du projet, qui ne fait au demeurant l'objet d'aucune mesure de protection particulière, puisse être regardé comme présentant un intérêt paysager, il ne ressort pas des pièces du dossier que la station relais de téléphonie mobile, comportant notamment un pylône d'une hauteur de trente mètres dont la conception en treillis permet d'en limiter l'impact visuel, serait, au regard de ses caractéristiques et du choix d'implantation retenu par la société pétitionnaire, de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux et paysages avoisinants. Il suit de là que le motif d'opposition tiré de l'existence d'une telle atteinte retenu par le maire de Canet-en-Roussillon procède d'une inexacte application des dispositions citées au point 5.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article A - 6 du règlement du plan local d'urbanisme de Canet-en-Roussillon : " 1. Les constructions et installations doivent être édifiées en arrière de l'alignement des voies publiques ou privées à usage public existantes, modifiées ou à créer, à une distance ne pouvant être inférieure à : / a. 100 mètres de l'axe de la RD 617 en dehors des secteurs urbanisés et 35 mètres dans les secteurs urbanisés (...). / 2. Toutefois, les règles de calcul ci-avant peuvent être réduites : / a. pour les constructions ou installations liées aux réseaux d'intérêt public, aux services publics exigeant la proximité immédiate des infrastructures routières ou encore pour les équipements et bâtiments publics (...) ".

10. Le dernier motif d'opposition retenu par le maire de Canet-en-Roussillon, fondé sur les dispositions citées ci-dessus du a. du 1. de l'article A - 6 du règlement du plan local d'urbanisme, est tiré de ce que le projet litigieux doit être implanté, sur un terrain situé en dehors des secteurs urbanisés, à moins de cent mètres de l'axe de la route départementale n° 617. Toutefois, la station relais de téléphonie mobile projetée, qui participe à la couverture du territoire national par le réseau de téléphonie mobile, doit être regardée comme étant au nombre des " constructions ou installations liées aux réseaux d'intérêt public " au sens et pour l'application des dispositions du a. du 2. du même article A - 6. Par suite, c'est à tort que le maire de Canet-en-Roussillon a retenu ce dernier motif pour s'opposer à la déclaration préalable déposée par la société TDF.

11. Il résulte de ce qui précède que le maire de Canet-en-Roussillon ne pouvait s'opposer à la déclaration préalable de travaux de la société TDF en se fondant sur les motifs énoncés dans l'arrêté contesté.

En ce qui concerne la demande de substitution de motifs :

12. L'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

13. La commune de Canet-en-Roussillon soutient, dans son dernier mémoire enregistré le 18 juin 2021 qui a été communiqué à la société TDF après la clôture de l'instruction, que l'arrêté d'opposition à déclaration préalable en litige était légalement justifié par le motif tiré de ce que le projet litigieux méconnaît les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, en se prévalant à cet égard de l'avis du Conseil d'Etat n° 449840 du 11 juin 2021.

14. En premier lieu, la société TDF soutient que le mémoire contenant la demande de substitution de motifs de la commune doit être écarté des débats dès lors qu'il a été produit postérieurement à la clôture de l'instruction fixée, en vertu d'une ordonnance du 20 octobre 2020, au 9 novembre suivant.

15. D'une part, aux termes de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close (...) ". Selon l'article R. 613-2 de ce code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience (...) ". Son article R. 613-3 dispose que : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication, sauf réouverture de l'instruction ". Il résulte de ces dispositions que l'instruction écrite est normalement close dans les conditions fixées par l'article R. 613-1 ou bien, à défaut d'ordonnance de clôture, dans les conditions fixées par l'article R. 613-2. Toutefois, lorsque, postérieurement à cette clôture, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de le viser sans l'analyser. Dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit alors en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.

16. D'autre part, aux termes de l'article R. 613-4 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire une production de l'une des parties après la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction, sans qu'il lui soit besoin de prendre une décision expresse en ce sens.

17. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qui est soutenu, la communication à la société TDF, le 1er juin 2022, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, du dernier mémoire de la commune de Canet-en-Roussillon enregistré le 18 juin 2021, a eu pour effet de rouvrir l'instruction. Il en va ainsi alors même qu'aucune ordonnance de réouverture de l'instruction n'est intervenue. Par suite, il y a lieu de se prononcer sur la demande de substitution de motifs présentée dans ce mémoire de la commune soumis au débat contradictoire.

18. En deuxième lieu, la société TDF soutient que la demande de substitution de motifs de la commune de Canet-en-Roussillon, fondée sur la méconnaissance de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, doit être rejetée dès lors que ces dispositions ne sont pas applicables au projet litigieux qui entre, selon elle, dans le champ d'application de l'article L. 121-4 du même code.

19. Aux termes de l'article L. 121-4 du code de l'urbanisme : " Les installations, constructions, aménagements de nouvelles routes et ouvrages nécessaires à la sécurité maritime et aérienne, à la défense nationale, à la sécurité civile et ceux nécessaires au fonctionnement des aérodromes et des services publics portuaires autres que les ports de plaisance ne sont pas soumis aux dispositions du présent chapitre lorsque leur localisation répond à une nécessité technique impérative ".

20. Il ne ressort pas des pièces du dossier, alors même que le territoire de la commune de Canet-en-Roussillon est notamment couvert par un plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation et de mouvement de terrain, que l'infrastructure de téléphonie mobile projetée serait au nombre des ouvrages nécessaires à la sécurité civile au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 121-4 du code de l'urbanisme, ni que la localisation de cette infrastructure répondrait à une nécessité technique impérative. Il suit de là que, les dispositions citées au point précédent n'étant pas applicables en l'espèce, la société TDF n'est pas fondée à soutenir que le projet litigieux ne serait pas soumis aux dispositions citées ci-dessous de l'article L. 121-8 du même code dont la commune de Canet-en-Roussillon invoque la méconnaissance.

21. En troisième lieu, la société TDF fait également valoir que la solution dégagée par l'avis du Conseil d'Etat n° 449840 du 11 juin 2021, dont le contenu est repris au point 25 ci-dessous, ne peut être appliquée en l'espèce en se prévalant du contexte dans lequel cet avis contentieux a été rendu, ainsi que des exigences résultant du principe de sécurité juridique et des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui imposent selon elle une modulation dans le temps des effets de cet avis apportant une précision relative à l'application de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

22. D'une part, un requérant ne peut se prévaloir, devant le juge de l'excès de pouvoir, d'un " principe de sécurité juridique " résultant de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour soutenir que la légalité d'une décision administrative devrait être appréciée au regard de la jurisprudence établie à la date à laquelle cette décision a été prise. Il suit de là que la société requérante, qui a été mise en mesure de présenter ses observations relatives à la demande de substitution de motifs qui se réfère à l'avis rendu le 11 juin 2021 par le Conseil d'Etat, soit au cours de la présente instance d'appel, n'est, en tout état de cause, pas fondée à invoquer la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

23. D'autre part, la société TDF relève que la commune de Canet-en-Roussillon ne s'est prévalue de l'avis du Conseil d'Etat du 11 juin 2021 que postérieurement à la clôture de l'instruction de la présente instance d'appel. Toutefois, et alors que l'instruction a été implicitement rouverte ainsi qu'il a été dit, ni cette circonstance, ni celle que le Conseil d'Etat a, pour la première fois dans cet avis contentieux rendu plusieurs décennies après l'entrée en vigueur de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, précisé expressément que l'implantation d'une station relais de téléphonie mobile doit être regardée comme constituant une extension de l'urbanisation soumise au principe de continuité avec les agglomérations et villages existants au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme issu de cette loi, ne suffisent, en tout état de cause, à caractériser une atteinte au principe de sécurité juridique de nature à justifier la " modulation des effets de la règle de droit nouvelle " sollicitée par la société requérante. A cet égard, si la société TDF relève qu'antérieurement à la production du dernier mémoire de la commune dont elle a reçu communication le 1er juin 2022, elle a pu " avoir confiance dans la légalité de son projet et le construire ", il lui était loisible de ne pas mettre en œuvre l'autorisation d'urbanisme qui lui a été délivrée en exécution du jugement d'annulation attaqué, cette autorisation n'étant pas définitive.

24. En quatrième et dernier lieu, l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme dispose que : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants ". Selon l'article L. 121-10 du même code : " Par dérogation à l'article L. 121-8, les constructions ou installations nécessaires aux activités agricoles ou forestières ou aux cultures marines peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. / Ces opérations ne peuvent être autorisées qu'en dehors des espaces proches du rivage, à l'exception des constructions ou installations nécessaires aux cultures marines (...) ". L'article L. 121-11 du même code précise que : " Les dispositions de l'article L. 121-8 ne font pas obstacle à la réalisation de travaux de mise aux normes des exploitations agricoles, à condition que les effluents d'origine animale ne soient pas accrus ". Enfin, aux termes du premier alinéa de l'article L. 121-12 du même code : " Les ouvrages nécessaires à la production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent ne sont pas soumis aux dispositions de l'article L. 121-8, lorsqu'ils sont incompatibles avec le voisinage des zones habitées ".

25. D'une part, il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu ne permettre l'extension de l'urbanisation dans les communes littorales qu'en continuité avec les agglomérations et villages existants et a limitativement énuméré les constructions, travaux, installations ou ouvrages pouvant néanmoins y être implantés sans respecter cette règle de continuité. L'implantation d'une infrastructure de téléphonie mobile comprenant une antenne-relais et ses systèmes d'accroche ainsi que, le cas échéant, les locaux ou installations techniques nécessaires à son fonctionnement n'est pas mentionnée au nombre de ces constructions. Par suite, elle doit être regardée comme constituant une extension de l'urbanisation soumise au principe de continuité avec les agglomérations et villages existants au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

26. D'autre part, il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, notamment celles de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme qui prévoient que l'extension de l'urbanisation ne peut se réaliser qu'en continuité avec les agglomérations et villages existants. A ce titre, l'autorité administrative s'assure de la conformité d'une autorisation d'urbanisme avec l'article L. 121-8 de ce code compte tenu des dispositions du schéma de cohérence territoriale applicable, déterminant les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et définissant leur localisation, dès lors qu'elles sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives particulières au littoral.

27. Enfin, il résulte des dispositions de L. 121-8 du code de l'urbanisme que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages. Le respect du principe de continuité posé par ces dispositions s'apprécie en resituant le terrain d'assiette du projet dans l'ensemble de son environnement, sans s'en tenir aux constructions situées sur les seules parcelles limitrophes de ce terrain.

28. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des extraits de plans cadastraux ainsi que de la photographie aérienne des lieux joints au dossier de déclaration préalable de la société TDF, que le terrain d'assiette du projet est situé à proximité immédiate d'une voie de circulation ainsi que d'une route départementale et qu'il s'inscrit dans un environnement à dominante agricole, caractérisé par la présence de constructions éparses. Au regard de la configuration du secteur en cause, qui est d'ailleurs inclus dans une coupure d'urbanisation identifiée par le schéma de cohérence territoriale en vigueur selon les termes de l'arrêté attaqué, l'infrastructure de téléphonie mobile projetée, qui constitue une extension de l'urbanisation ainsi qu'il a été dit au point 25, n'est pas située dans la continuité d'une agglomération ou d'un village existants au sens des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Il résulte de l'instruction que le maire de Canet-en-Roussillon aurait pris la même décision en se fondant initialement sur ce motif. Dès lors, il y a lieu de procéder à la substitution de motifs sollicitée par la commune de Canet-en-Roussillon, laquelle ne prive la société TDF d'aucune garantie procédurale.

29. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par la société TDF.

En ce qui concerne les autres moyens invoqués par la société TDF :

30. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 30 mars 2018, le maire de Canet-en-Roussillon a délégué à M. B..., adjoint signataire de l'arrêté contesté, ses fonctions en matière d'urbanisme et lui a en outre accordé une délégation à l'effet notamment de signer les décisions relatives à l'occupation et à l'utilisation des sols. Les mentions non contestées de cet arrêté de délégation font apparaître qu'il a été transmis au contrôle de légalité le jour de son édiction. Par ailleurs, la commune de Canet-en-Roussillon a produit une attestation de son maire, laquelle n'est pas davantage contestée, faisant état de l'affichage régulier en mairie de cet arrêté de délégation à compter du 30 mars 2018. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.

31. En deuxième lieu, l'arrêté contesté vise notamment l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et précise les raisons pour lesquelles le maire de Canet-en-Roussillon a estimé que le projet litigieux était susceptible de porter atteinte à la sécurité des usagers de la route départementale située à proximité du terrain d'assiette. Par suite, et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que le motif tiré de l'atteinte à la sécurité publique ne serait pas motivé en droit ne peut qu'être écarté.

32. En troisième et dernier lieu, si le maire de Canet-en-Roussillon s'est référé, dans l'arrêté attaqué, au schéma de cohérence territoriale en vigueur ainsi qu'au plan local d'urbanisme intercommunal en cours d'élaboration, il ne ressort pas des termes de cet arrêté qu'il aurait entendu s'opposer à la déclaration préalable de travaux de la société TDF en se fondant sur ces documents d'urbanisme. Il suit de là que la société TDF ne peut utilement soutenir que les prétendus motifs fondés sur ce schéma et sur ce plan en cours d'élaboration seraient entachés d'erreur de droit.

33. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Canet-en-Roussillon est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a fait droit à la demande d'annulation de la société TDF et a enjoint à son maire d'édicter un arrêté de non-opposition à la déclaration préalable de travaux déposée par cette société.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

34. Le présent arrêt, qui annule le jugement attaqué et rejette la demande présentée par la société TDF devant le tribunal administratif de Montpellier, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la société TDF ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

35. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Canet-en-Roussillon, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société TDF demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société TDF la somme que demande la commune de Canet-en-Roussillon au même titre.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 26 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société TDF devant le tribunal administratif de Montpellier, ainsi que le surplus de ses conclusions d'appel, sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Canet-en-Roussillon au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Canet-en-Roussillon et à la société par actions simplifiée TDF.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022.

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N° 20MA00290

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