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04/07/2022 | FRANCE | N°21MA01193

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 04 juillet 2022, 21MA01193


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 26 septembre 2018 par laquelle a été prononcée une sanction de déplacement d'office à son encontre, ensemble l'arrêté du 9 octobre 2018 par lequel elle a été affectée au collège Lou Garlaban à Aubagne, décisions prises par le recteur de l'académie d'Aix-Marseille, et de condamner le rectorat à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n°1809566 et 1810020 du

25 janvier 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces requêtes.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 26 septembre 2018 par laquelle a été prononcée une sanction de déplacement d'office à son encontre, ensemble l'arrêté du 9 octobre 2018 par lequel elle a été affectée au collège Lou Garlaban à Aubagne, décisions prises par le recteur de l'académie d'Aix-Marseille, et de condamner le rectorat à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par un jugement n°1809566 et 1810020 du 25 janvier 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces requêtes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 23 mars 2021, Mme C..., représentée par Me Roll, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 janvier 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 26 septembre 2018 par laquelle a été prononcé une sanction de déplacement d'office à son encontre, ensemble l'arrêté du 9 octobre 2018 par lequel elle a été affectée au collège Lou Garlaban à Aubagne, décisions prises par le recteur de l'académie d'Aix-Marseille ;

3°) de condamner le rectorat à lui verser une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

1°) s'agissant de la sanction disciplinaire prononcée par décision du 26 septembre 2018 :

- aucune faute disciplinaire n'est démontrée par l'administration ; les attestations produites, anonymes et non conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, sont irrecevables ;

- avec la sanction de déplacement d'office prononcée, douze années de service ont été supprimées sans aucune explication ; ce retrait de points constitue bien une double peine parfaitement illégale en l'espèce ;

- les droits de la défense ont été méconnus ;

- la décision de sanction se borne à reprendre les termes de la commission administrative paritaire sans procéder à une appréciation des faits reprochés à la requérante ;

- la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline était irrégulièrement composée ;

- la sanction prononcée est pour le moins disproportionnée ;

2°) s'agissant de la décision d'affectation au collège Lou Garlaban à Aubagne par arrêté du 9 octobre 2018 :

- ce changement d'affectation est intervenu en conséquence d'une sanction illégale ;

- sa nouvelle affectation ne tient pas compte de son état de santé.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 mai 2022, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a conclu au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions indemnitaires sont irrecevables, faute de demande préalable ;

- les conclusions à fin de restitution de points de carrière sont irrecevables, s'agissant de conclusions nouvelles en appel ;

- la requête qui ne comporte sur le fond, aucun moyen nouveau par rapport à la procédure de première instance, n'est pas davantage fondée en appel.

Par ordonnance du 25 mai 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 10 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires ;

- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a décidé, par décision du 23 mai 2022, de désigner M. Philippe Portail, président assesseur, pour présider par intérim la 6éme chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gilles Taormina, rapporteur,

- et les conclusions de M. Renaud Thielé, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., professeur certifiée d'anglais, a fait l'objet, alors qu'elle était en poste au lycée général et technologique Vauvenargues d'Aix-en-Provence, de la part du recteur de l'académie d'Aix-Marseille, d'une sanction disciplinaire de déplacement d'office par décision du 26 septembre 2018, et d'une affectation au collège Lou Garlaban à Aubagne par arrêté du 9 octobre 2018. Ayant demandé l'annulation de ces deux décisions et la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de ces décisions, elle relève appel du jugement n° 1809566 et 1810020 rendu le 25 janvier 2021, par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces requêtes.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité de la décision de déplacement d'office :

S'agissant de la légalité externe :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " ...Le rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou par un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance./... ".

3. Si Mme C... soutient que les droits de la défense ont été méconnus, du fait de l'établissement d'un rapport à charge par l'autorité administrative devant la commission administrative paritaire siégeant en conseil de discipline, l'établissement d'un rapport de saisine du conseil de discipline, prévu par le texte précité au point 2, concluant à l'existence d'une faute disciplinaire, ne constitue pas une méconnaissance des droits de la défense.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " ...Le fonctionnaire et, le cas échéant, son ou ses défenseurs peuvent, à tout moment de la procédure devant le conseil de discipline, demander au président l'autorisation d'intervenir afin de présenter des observations orales. Ils doivent être invités à présenter d'ultimes observations avant que le conseil ne commence à délibérer ".

5. Si Mme C... soutient que ses droits de la défense ont été méconnus, du fait de l'absence de prise de parole par son conseil en dernier lors de la séance, il ressort du procès-verbal de la séance de la commission administrative paritaire du 22 octobre 2018 que le conseil de Mme C..., Me Roll, a pu prendre la parole en dernier pour présenter d'ultimes observations.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 14 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Dans chaque corps de fonctionnaires existent une ou plusieurs commissions administratives paritaires comprenant, en nombre égal, des représentants de l'administration et des représentants du personnel... ". Selon l'article 5 du décret n° 82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires, ces commissions " comprennent en nombre égal des représentants de l'administration et des représentants du personnel. Elles ont des membres titulaires et un nombre égal de membres suppléants ". Aux termes de l'article 34 du même décret, dans sa version applicable : " Les commissions administratives siègent en formation restreinte lorsqu'elles sont saisies de questions résultant de l'application des articles... 67 ...de la loi du 11 janvier 1984... Dans les autres cas, elles siègent en assemblée plénière ". Selon son article 35 : " Lorsque les commissions administratives paritaires siègent en formation restreinte, seuls les membres titulaires et, éventuellement, leurs suppléants représentant le grade auquel appartient le fonctionnaire intéressé et les membres titulaires ou suppléants représentant le grade immédiatement supérieur ainsi qu'un nombre égal de représentants de l'administration sont appelés à délibérer ". Enfin, l'article 41 de ce décret dispose que : " Les commissions administratives ne délibèrent valablement qu'à la condition d'observer les règles de constitution et de fonctionnement édictées par la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat et par le présent décret, ainsi que par le règlement intérieur. / En outre, les trois quarts au moins de leurs membres doivent être présents lors de l'ouverture de la réunion. Lorsque ce quorum n'est pas atteint, une nouvelle convocation est envoyée dans le délai de huit jours aux membres de la commission qui siège alors valablement si la moitié de ses membres sont présents ".

7. Si Mme C... soutient que la commission administrative paritaire était irrégulièrement composée dès lors qu'étaient présents huit représentants de l'administration et quatre représentants du personnel lors de la séance du 22 octobre 2018, il résulte des dispositions précitées au point 6 que si la règle de la parité s'impose pour la composition de cette commission, en revanche, la présence effective en séance d'un nombre égal de représentants du personnel et de représentants de l'administration n'est requise par aucun texte, ni par aucun principe général du droit, la seule obligation prévue par les textes étant que les membres devant composer la commission de manière paritaire aient tous été régulièrement convoqués. En l'occurrence, Mme C... se borne à souligner que l'administration n'a pas produit les convocations, sans soutenir que celles-ci n'auraient pas respecté la parité.

8. En quatrième lieu, si Mme C... soutient que les témoignages produits par l'administration ne sont pas conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, il peut en être tenu compte alors même qu'ils ne répondent pas au formalisme requis par ces dispositions.

9. En cinquième lieu, si Mme C... soutient que le principe du contradictoire et les droits de la défense n'ont pas été respectés, dès lors que certains des témoignages recueillis à son encontre ont été anonymisés, cette seule circonstance, alors que cette anonymisation de certaines attestations ne traduit nullement une falsification des pièces mais simplement une volonté d'éviter d'exposer les témoins, n'est pas de nature à porter atteinte aux droits de la défense et au principe du contradictoire dès lors que l'intéressée a pu en prendre connaissance et contester utilement les faits qui lui étaient reprochés.

S'agissant de la légalité interne :

10. Aux termes de l'article 29 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. ...Deuxième groupe : .../ - le déplacement d'office... ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

11. En premier lieu, Il ressort des pièces du dossier, notamment des rapports établis les 14 janvier 2015 et 26 mars 2018 sur la manière de servir établis par le proviseur du lycée général et technologique Vauvenargues, du procès-verbal concernant les débats qui ont eu lieu devant la commission administrative paritaire du 22 octobre 2018, du témoignage de M. A..., chef d'établissement du lycée Vauvenargues, des courriers anonymisés provenant de parents d'élèves, ainsi que du rapport d'incident du 18 mai 2017 établi par l'une des enseignantes de ce lycée, que Mme C... a tenu publiquement des propos insultants particulièrement grossiers envers une de ses collègues et a proféré des insultes envers ses élèves au cours de l'exercice de ses missions pédagogiques. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les faits qui lui sont reprochés ne seraient pas établis.

12. En deuxième lieu, comme l'ont exactement retenu les premiers juges, un tel comportement constitue une faute disciplinaire de nature à justifier une sanction, nonobstant la production par la requérante de nombreux témoignages d'élèves faisant état d'une amélioration de l'ambiance générale de la classe, du comportement de Mme C... et tenant des propos élogieux à son égard.

13. Enfin, et en troisième lieu, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a pu, compte tenu de la gravité des faits commis par Mme C... et de la nécessité de mettre fin aux désordres causés par son comportement au lycée Vauvenargues d'Aix-en-Provence, et sans faire le choix d'une sanction disproportionnée, prononcer à son encontre la sanction du déplacement d'office.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 9 octobre 2018 portant affectation au lycée Lou Garlaban à Aubagne :

14. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 13 du présent arrêt que la sanction de déplacement d'office n'est pas illégale. Dès lors, Mme C... ne peut se prévaloir de son illégalité pour contester la légalité de l'arrêté du 9 octobre 2018.

15. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'état de santé de Mme C... était incompatible avec son affectation au lycée Lou Garlaban à Aubagne, nonobstant la circonstance que la requérante réside dans la commune de Pourcieux.

16. Il résulte de tout ce qui précède, que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 26 septembre 2018 de sanctions disciplinaires de déplacement d'office et de l'arrêté du 9 octobre 2018 d'affectation au collège Lou Garlaban à Aubagne pris à son encontre par le recteur de l'académie d'Aix-Marseille.

Sur les conclusions indemnitaires :

17. Mme C... ne conteste pas l'irrecevabilité opposée par le tribunal administratif de Marseille à sa demande indemnitaire en application de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, cette demande n'ayant pas été précédée d'une réclamation préalable adressée à l'administration. Ses conclusions indemnitaires ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au recteur de l'académie d'Aix-Marseille.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2022, où siégeaient :

- M. Philippe Portail président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Gilles Taormina, président assesseur,

- M. François Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 juillet 2022.

N° 21MA01193 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA01193
Date de la décision : 04/07/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-03 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Gilles TAORMINA
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : SELARL CABINET D'AVOCATS ROLL

Origine de la décision
Date de l'import : 12/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-07-04;21ma01193 ?
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