La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2022 | FRANCE | N°21MA05011

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 30 juin 2022, 21MA05011


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2102231 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregist

rée le 29 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Decaux, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 15 octobre 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2102231 du 13 juillet 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 décembre 2021, M. B..., représenté par Me Decaux, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 juillet 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 15 octobre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de la situation et de lui délivrer pendant cet examen, une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois lui permettant de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation à la contribution à la mission d'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

Sur le jugement :

- le tribunal administratif n'a pas pris en considération ses attaches familiales sur le territoire national et a commis une erreur sur la date de validité d'un récépissé de demande de titre de séjour délivrée à la mère de ses enfants ;

Sur le refus de séjour :

- cette décision a été prise sans examen particulier de sa situation personnelle ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation de la durée de sa présence en France ainsi que de l'ancienneté et la stabilité de ses liens personnels et familiaux ;

- elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du même code ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle viole l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle viole l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

- elle doit être annulée par voie de conséquence.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations en défense.

Par une décision du 29 octobre 2021, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant comorien né le 25 décembre 1994, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de la vie privée et familiale. Par un arrêté du 15 octobre 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. L'intéressé relève appel du jugement du 13 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité.

Sur la régularité du jugement :

2. Si M. B... soutient que le tribunal administratif n'a pas pris en considération ses attaches familiales et a commis une erreur sur la date de validité d'un récépissé de demande de titre de séjour délivré à la mère de ses deux enfants, ces moyens qui relèvent de la critique du bien-fondé du jugement, sont sans incidence sur sa régularité.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, il ressort des termes de la décision attaquée, qui n'avait pas à reprendre expressément et de manière exhaustive la situation personnelle du requérant, que le préfet des Bouches-du-Rhône a analysé la situation personnelle et familiale de M. B.... Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté en litige serait entaché d'un défaut d'examen particulier de la situation du requérant doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

5. Si M. B... soutient qu'il est entré en France le 27 juillet 2013 et qu'il n'a pas quitté le territoire français depuis, il ne l'établit pas par les pièces produites au dossier, qui sont peu diversifiées et insuffisamment probantes pour attester d'une présence habituelle sur le territoire national avant l'année 2018. Si l'intéressé était, par ailleurs, à la date de la décision attaquée, père d'un enfant né en France le 6 mai 2019, de nationalité comorienne, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mère de l'enfant, Mme A..., compatriote, aurait été titulaire à la date de cette décision d'un titre de séjour, le requérant ayant seulement versé aux débats un récépissé de demande de titre de séjour en cours de validité. Il n'est pas davantage démontré une vie commune significative, eu égard au contrat de location d'un appartement conclu le 24 mars 2020 entre Mme A... et le requérant, qui produit lui-même en outre plusieurs attestations d'hébergement, dont celle de son oncle datée du 11 juillet 2019 indiquant qu'il l'hébergeait et le prenait en charge financièrement, et renouvelée le 4 mars 2020. Il n'est pas non plus établi que Mme A... aurait un enfant de nationalité française, né d'une précédente relation. Si M. B... produit un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 octobre 2020 en qualité d'employé polyvalent, ce dernier, qui en son article 1er précise que l'engagement de l'intéressé est subordonné à la réception de l'autorisation de travail délivrée par les services préfectoraux, ne suffit pas à caractériser une insertion socioprofessionnelle notable. Le requérant a en outre fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français le 12 février 2016 prise par le préfet des Bouches-du-Rhône, et d'une ordonnance pénale le 13 février 2017 pour conduite d'un véhicule sans permis et sous l'emprise d'un état alcoolique. Enfin, s'il se prévaut de la présence en France de membres de sa famille, dont certains disposent de la nationalité française, il n'établit pas être isolé dans son pays d'origine. Dans ces conditions, l'arrêté litigieux ne peut être regardé comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée emportant une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, cette décision ne peut davantage être regardée comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".

7. Les éléments relatifs à la vie personnelle et familiale du requérant exposés ci-dessus ne peuvent être regardés comme présentant le caractère de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires au sens des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, estimer qu'à la date de sa décision, les circonstances dont il était fait état devant lui ne justifiaient pas une mesure de régularisation prise sur le fondement de cet article.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. La décision contestée n'implique pas par elle-même la séparation de la famille ni la rupture des liens entre le requérant et son enfant. A la date de cette décision, la mère de l'enfant de M. B..., qui est de même nationalité que le requérant, ne disposait pas d'un titre séjour pour résider en France. Ainsi qu'il a été exposé au point 5, la communauté de vie avec Mme A... était très récente à la date de la décision attaquée et il n'est pas établi que cette dernière serait mère d'un enfant de nationalité française, né d'une précédente union. La circonstance que M. B... a eu un autre enfant avec Mme A..., postérieurement à la date de la décision attaquée, est sans incidence sur la légalité de cette décision. L'appelant ne justifie ainsi d'aucun élément faisant obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstruire aux Comores, pays dont les membres de la famille ont la nationalité. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. Il résulte de ce qui a été exposé précédemment que la décision de refus de titre de séjour n'est pas illégale. Par suite, le moyen tiré de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté.

11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés respectivement aux points 5 et 9, le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. Il résulte de tout ce qui précède que les décisions portant refus d'admission au séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant entachées d'aucune illégalité, M. B... n'est pas fondé à exciper de leur illégalité à l'appui de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, doivent être également rejetées ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'allocation à son conseil de frais liés au litige.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Me Decaux et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2022 où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Carotenuto, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.

2

N° 21MA05011

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA05011
Date de la décision : 30/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : DECAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/08/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-30;21ma05011 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award