Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2016, à concurrence de la réduction en base d'un montant de 350 666 euros, ainsi que le sursis de paiement sur le fondement de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales.
Par un jugement n° 1901313 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 novembre 2020, M. C..., représenté par la SCP BBLM Avocats agissant par Me Strella, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 29 septembre 2020 ;
2°) de prononcer, à titre principal, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti pour un montant total de 370 544 euros au titre de l'année 2016 ou, à titre subsidiaire, la décharge des impositions en litige à concurrence de la réduction en base d'un montant de 350 666 euros ;
3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à la charge de ce dernier la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'y pas eu de transfert de propriété des produits stupéfiants au profit de M. C... qui n'en a pas eu seul la libre disposition ;
- l'administration fiscale aurait dû faire application du dernier alinéa du 1 de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, dès lors qu'il n'était pas le seul détenteur des produits stupéfiants illicites au titre desquels il a fait l'objet d'un rehaussement, deux autres prévenus ayant été condamnés par le tribunal correctionnel.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la Cour de rejeter la requête de M. C....
Il fait valoir que les moyens invoqués par l'appelant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... a été interpellé, le 21 avril 2016 par les services de police à bord d'un camion de marque Iveco, appartenant à la société F... dont il est associé, alors qu'il était en possession de 131,5 kilogrammes d'herbe de cannabis. Informée des poursuites par le tribunal de grande instance de Marseille, l'administration fiscale lui a notifié ainsi qu'à son épouse, par proposition de rectification du 31 octobre 2017, des rectifications en matière d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2016, résultant de la réintégration au revenu global de M. C..., en application de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, de la somme de 526 000 euros, correspondant à la valeur vénale, telle qu'évaluée par les services fiscaux, des stupéfiants détenus. M. C... relève appel du jugement du 29 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2016, à concurrence de la réduction en base du montant de 350 666 euros. Il sollicite devant la Cour, à titre principal, la décharge totale de ces impositions à hauteur du montant de 370 544 euros ou, à titre subsidiaire, la réduction précitée.
2. Aux termes de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " 1. Lorsqu'il résulte des constatations de fait opérées dans le cadre d'une des procédures prévues aux articles 53, 75 et 79 du code de procédure pénale et que l'administration fiscale est informée dans les conditions prévues aux articles L. 82 C, L. 101 ou L. 135 L du livre des procédures fiscales qu'une personne a eu la libre disposition d'un bien objet d'une des infractions mentionnées au 2, cette personne est présumée, sauf preuve contraire appréciée dans le cadre des procédures prévues aux articles L. 10 et L. 12 de ce même livre, avoir perçu un revenu imposable équivalent à la valeur vénale de ce bien au titre de l'année au cours de laquelle cette disposition a été constatée. / La présomption peut être combattue par tout moyen et procéder notamment de l'absence de libre disposition des biens mentionnés au premier alinéa, de la déclaration des revenus ayant permis leur acquisition ou de l'acquisition desdits biens à crédit. / Il en est de même des biens meubles qui ont servi à les commettre ou étaient destinés à les commettre. (...) Lorsque plusieurs personnes ont la libre disposition des biens ou de la somme mentionnés respectivement au premier et au quatrième alinéas, la base du revenu imposable est, sauf preuve contraire, répartie proportionnellement entre ces personnes. / 2. Le 1 s'applique aux infractions suivantes : / a. crimes et délits de trafic de stupéfiants prévus par les articles 222-34 à 222-39 du code pénal ; (...) ". Aux termes de l'article L. 76 AA du livre des procédures fiscales : " 1. Lorsque les agents des impôts sont informés pour un contribuable de la situation de fait mentionnée à l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts, ils peuvent modifier la base d'imposition sur le fondement des présomptions établies par cet article (...) ".
3. Le régime d'imposition prévu par les dispositions de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts ne vise pas à imposer les profits issus de la revente ou du transport de produits illicites, mais à taxer le revenu imposable qui, correspondant à la valeur vénale des biens visés par ces dispositions, est présumé avoir été perçu par les personnes qui les détiennent et sont coupables des infractions mentionnées par ces dispositions. Il appartient alors au contribuable de combattre cette présomption, en établissant par exemple qu'il n'a pas eu en réalité la disposition des biens ou des sommes d'argent en cause.
4. Il résulte en outre des dispositions du dernier alinéa du 1 de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts citées ci-dessus que, lorsque le contribuable établit que plusieurs personnes ont eu la libre disposition des biens ou de la somme, visés au premier et quatrième alinéas de cet article, la base du revenu imposable doit, en principe, être répartie par parts égales entre ces personnes. Le contribuable comme l'administration peuvent toutefois apporter par tout moyen la preuve que les circonstances de l'espèce imposent une répartition différente.
5. D'une part, M. C... soutient qu'il doit être considéré comme un simple convoyeur de marchandises illicites et non comme un acteur déterminant ayant eu, dans le cadre du trafic de stupéfiants incriminé, la libre disposition des produits transportés. Cependant, ainsi qu'il a été dit au point 1 du présent arrêt, l'intéressé a été condamné, par un jugement du tribunal correctionnel de Marseille du 30 mai 2018, pour des faits d'importation, transport, détention, acquisition et offre ou cession de stupéfiants à la suite de la saisie, le 21 avril 2016, de 131,5 kilogrammes de cannabis. A cet égard, il résulte clairement des éléments transmis par l'autorité judiciaire, et repris dans la proposition de rectification du 31 octobre 2017, que, lors de l'interpellation de M. C... la marchandise prohibée dont M. A... s'était auparavant dessaisi à son profit, était bien dans le véhicule conduit par l'intéressé, propriété de la société F... dont il est associé à 50 %. En l'absence de tout élément permettant de considérer qu'il ne pouvait librement disposer des biens trouvés en sa possession, il doit être regardé comme en ayant eu la libre disposition, au sens des dispositions de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts.
6. D'autre part, le requérant persiste à soutenir comme en première instance que, dès lors que deux autres prévenus intervenaient dans le trafic de stupéfiants, l'administration aurait dû, à tout le moins, répartir proportionnellement la base imposable entre les personnes impliquées dans ce trafic, c'est-à-dire MM. B... et C.. Cependant, dans son jugement correctionnel du 30 mai 2018, devenu définitif et revêtu de l'autorité absolue de la chose jugée, le tribunal de grande instance de Marseille a rappelé la détention par M. C... du capital, soit entièrement, soit de façon majoritaire, dans de nombreuses sociétés qu'il contrôlait en fait et dont les comptes étaient mouvementés par ses soins au moyen d'apports en espèces pour des montants très importants tirés des revenus illicites précités. Par ailleurs, il ressort des mentions de ce jugement que M. B... travaillait au sein de la société F..., dont M. C... était associé à 50 %, et qu'il avait reçu des ordres de ce dernier notamment pour rédiger une comptabilité à partir de feuilles de comptes que celui-ci lui avait remis, faisant état de sommes portant sur plusieurs centaines de milliers d'euros, et que le requérant était l'instigateur de plusieurs trajets aller-retour vers l'Espagne effectués pour son compte en vue d'importer des marchandises illicites. Au demeurant, les faits reprochés à M. B... ont été requalifiés en complicité de détention, acquisition, transport et offre ou cession de stupéfiants, et complicité d'importation de stupéfiants. En outre, selon le jugement précité, M. A... apparaît quant à lui comme un " logisticien agissant comme pourvoyeur de moyen, de prête-nom et d'intermédiaire dans la mise en place des importations " et " Il ressort (...) de l'ensemble des débats que M. A... a en toute connaissance de cause et à plusieurs reprises convoyé de la matière stupéfiante pour le compte de E... ". Il résulte ainsi des éléments de la procédure pénale que les deux autres prévenus n'apparaissaient qu'en position de subordonnés vis-à-vis de M. C..., qui détenait lui-même les feuilles de compte relatives à l'infrastructure d'un réseau de stupéfiants, ainsi que d'autres documents contenant des indications sur le poids et la variété du cannabis vendu. Par suite, la circonstance que les deux autres co-prévenus ont fait l'objet de condamnations, au demeurant moins importantes que celle infligée à M. C..., n'est pas de nature, en l'espèce, à démontrer que ce dernier n'avait pas seul la libre disposition de l'herbe de cannabis saisie dans le véhicule qu'il conduisait et objet du revenu imposé sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1649 quater-0 B bis du code général des impôts.
7. Il résulte de tout de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, ni à demander la décharge totale des impositions en litige, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ces dernières conclusions. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'allocation de frais liés à l'instance doivent également être rejetées, ainsi qu'en tout état de cause, celles afférentes aux entiers dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme Bernabeu, présidente assesseure,
- Mme Carotenuto, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.
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N° 20MA04263
nc