Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice de prononcer la restitution des prélèvements sociaux qu'il a acquittés au titre de l'année 2015 à raison d'une plus-value de cession d'un bien immobilier.
Par un jugement n° 1604199 du 14 mars 2019, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 juillet 2019, le 14 février 2020 et le 26 novembre 2020, M. C..., représenté par Me Deleu, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 14 mars 2019 ;
2°) de prononcer la restitution des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il existe une différence de traitement en ce qui concerne les prélèvements sociaux applicables aux plus-values de cession de biens immobiliers entre un ressortissant monégasque vivant à Monaco non fiscalement domicilié en France et un ressortissant français vivant à Monaco, relevant de l'article 7 de la convention franco-monégasque et non fiscalement domicilié en France ;
- cette différence de traitement constitue une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée par l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la différence de traitement entre un résident de Monaco et un résident de l'Union européenne vis-à-vis des prélèvements sociaux applicables aux plus-values de cession de biens immobiliers conduit à une rupture d'égalité devant les charges publiques ;
- cette différence de traitement est également contraire au principe de libre circulation des capitaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, notamment son article 61-1 ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la convention fiscale conclue le 18 mai 1963 entre la France et la Principauté de Monaco ;
- le code général des impôts ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant monégasque domicilié à Monaco, relève appel du jugement du 14 mars 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la restitution de la contribution sociale généralisée, de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, du prélèvement social, de la contribution additionnelle à ce prélèvement et du prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine dont il s'est acquitté à raison de la plus-value qu'il a réalisée lors de la cession d'un bien immobilier situé à Beausoleil, au cours de l'année 2015.
2. En premier lieu, d'une part, aux termes du 1 de l'article 4 B du code général des impôts : " Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 A : / a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; / b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; / c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques ". Aux termes du I de l'article 150 U du même code : " Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices agricoles et aux bénéfices non commerciaux, les plus-values réalisées par les personnes physiques ou les sociétés ou groupements qui relèvent des articles 8 à 8 ter, lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis ou non bâtis ou de droits relatifs à ces biens, sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH (...) ". Aux termes du I de l'article 244 bis A du même code : " 1. Sous réserve des conventions internationales, les plus-values, telles que définies aux e bis et e ter du I de l'article 164 B, réalisées par les personnes et organismes mentionnés au 2 du I lors de la cession des biens ou droits mentionnés au 3 sont soumises à un prélèvement (...) / 2. Sont soumis au prélèvement mentionné au 1 : / a) Les personnes physiques qui ne sont pas fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B ; / (...) 3. Le prélèvement mentionné au 1 s'applique aux plus-values résultant de la cession : / a) De biens immobiliers ou de droits portant sur ces biens (...) ". Aux termes de l'article 164 B de ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. Sont considérés comme revenus de source française : / (...) e bis) Les plus-values mentionnées aux articles 150 U, 150 UB et 150 UC, lorsqu'elles sont relatives : / 1° A des biens immobiliers situés en France ou à des droits relatifs à ces biens ; (...) ".
3. D'autre part, aux termes du premier alinéa du 1 de l'article 7 de la convention fiscale conclue le 18 mai 1963 entre la République française et la Principauté de Monaco : " Les personnes physiques de nationalité française qui transporteront à Monaco leur domicile ou leur résidence - ou qui ne peuvent pas justifier de cinq ans de résidence habituelle à Monaco à la date du 13 octobre 1962 - seront assujetties en France à l'impôt sur le revenu des personnes physiques et à la taxe complémentaire dans les mêmes conditions que si elles avaient leur domicile ou leur résidence en France ".
4. Il résulte des dispositions citées au point 2 et des stipulations citées au point 3 que les plus-values résultant de la cession de biens immobiliers situés en France sont soumises à l'impôt sur le revenu en France sur le fondement de l'article 150 U du code général des impôts lorsqu'elles sont réalisées par des ressortissants français ayant établi leur résidence à Monaco et non fiscalement domiciliés en France au sens de l'article 4 B du même code, et au prélèvement prévu par le I de l'article 244 bis A de ce code lorsqu'elles sont réalisées par des ressortissants monégasques résidant à Monaco et non fiscalement domiciliés en France au sens de l'article 4 B du code.
5. Aux termes de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale : " I. - Lorsqu'ils sont payés à des personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B du code général des impôts, les produits de placements (...) sont assujettis à une contribution (...). / Sont également assujettis à cette contribution : / (...) 2° Les plus-values mentionnées aux articles 150 U à 150 UC du code général des impôts ; (...) / I bis. - Sont également soumises à la contribution les plus-values imposées au prélèvement mentionné à l'article 244 bis A du code général des impôts lorsqu'elles sont réalisées, directement ou indirectement, par des personnes physiques. / (...) VI. - (...) / La contribution portant sur les plus-values mentionnées au I bis est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que le prélèvement mentionné à l'article 244 bis A du code général des impôts (...) ". En vertu des dispositions combinées de cet article et des articles 1600-0 D, 1600-0 H, 1600-0 F bis et 1600-0 S du code général des impôts, dans leur rédaction applicable en l'espèce, les plus-values mentionnées aux articles 150 U à 150 UC du même code et les plus-values imposées au prélèvement mentionné à l'article 244 bis A de ce code sont assujetties à la contribution sociale généralisée, à la contribution au remboursement de la dette sociale, au prélèvement social, à la contribution additionnelle au prélèvement social et à la contribution additionnelle au prélèvement de solidarité de 2 %.
6. Il résulte de ces dispositions que les plus-values résultant de la cession de biens immobiliers situés en France sont assujetties aux contributions sociales sur le fondement des dispositions du 2° du I de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale lorsqu'elles sont réalisées par des ressortissants français ayant établi leur résidence à Monaco et non fiscalement domiciliés en France au sens de l'article 4 B du même code, et sur le fondement du I bis de l'article L. 136-7 du code de la sécurité sociale lorsqu'elles sont réalisées par des ressortissants monégasques résidant à Monaco et non fiscalement domiciliés en France au sens de l'article 4 B du code. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il existerait une différence de traitement en ce qui concerne les contributions sociales applicables aux plus-values de cession de biens immobiliers entre les ressortissants français vivant à Monaco et non fiscalement domiciliés en France et les ressortissants monégasques vivant à Monaco et non fiscalement domiciliés en France. Par conséquent, doit également être écarté comme inopérant le moyen tiré de ce que cette différence de traitement constituerait une restriction à la libre circulation des capitaux prohibée par l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
7. En deuxième lieu, aux termes du 1 de l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites ". Aux termes du 1 de l'article 65 du même traité : " L'article 63 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis (...) ". Aux termes de l'article 18 de ce traité : " Dans le domaine d'application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu'ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité ".
8. Il résulte de l'arrêt C-45/17 rendu le 18 janvier 2018 par la Cour de justice de l'Union européenne, par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, qu'une législation telle que la législation française relative aux prélèvements sociaux, qui réserve un traitement plus favorable aux ressortissants de l'Union qui sont affiliés à un régime de sécurité sociale d'un autre Etat membre, d'un Etat membre de l'Espace économique européen ou de la Suisse qu'à ceux qui sont affiliés à un régime de sécurité sociale d'un Etat tiers, constitue une restriction à la libre circulation des capitaux entre un Etat membre et un Etat tiers, qui est, en principe, interdite par l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
9. La Cour de justice de l'Union européenne a toutefois retenu qu'une telle restriction à la libre circulation des capitaux entre un Etat membre et un Etat tiers était susceptible d'être justifiée, au regard des stipulations de l'article 65, paragraphe 1, sous a), du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, par la différence de situation objective qui existe entre une personne physique, ressortissant d'un Etat membre, mais résidant dans un Etat tiers à l'Union européenne autre qu'un Etat membre de l'Espace économique européen ou la Suisse et qui y est affiliée à un régime de sécurité sociale, et un ressortissant de l'Union résidant et affilié à un régime de sécurité sociale dans un autre Etat membre.
10. Il résulte de ce qu'a ainsi jugé la Cour de justice de l'Union européenne que l'assujettissement aux prélèvements sur les produits de placement des redevables affiliés à la sécurité sociale dans un Etat, tel que la principauté de Monaco, autre que la Suisse ou que ceux qui font partie de l'Union européenne ou de l'Espace économique européen ne porte pas atteinte au principe de liberté de circulation des capitaux garanti par l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Par suite, M. C..., qui réside à Monaco, qui est un Etat tiers à l'Union européenne autre qu'un Etat membre de l'Espace économique européen ou la Suisse, n'est pas fondé à soutenir que l'application des prélèvements sociaux à la plus-value de cession immobilière serait contraire à la liberté de circulation des capitaux. Il ne saurait à cet égard utilement se prévaloir de l'interdiction des discriminations exercées en raison de la nationalité résultant de l'article 18 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, dès lors qu'il résulte des termes mêmes de ses stipulations que l'interdiction n'a vocation à s'appliquer que dans des situations régies par le droit communautaire, pour lesquelles le traité instituant la Communauté européenne ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination.
11. En troisième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que la différence de traitement entre un résident de Monaco et un résident de l'Union européenne vis-à-vis des prélèvements sociaux applicables aux plus-values de cession de biens immobiliers conduirait à une rupture d'égalité devant les charges publiques, qui revient à contester devant la Cour la conformité à la Constitution des dispositions citées au point 5, ne peut, en tout état de cause, être utilement soulevé qu'à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée dans les formes prescrites par l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et l'article R. 771-13 du code de justice administrative. Faute d'être soulevé à l'appui d'une telle question présentée par mémoire distinct, ce moyen ne peut qu'être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, être accueillies.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 16 juin 2022, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme Bernabeu, présidente assesseure,
- Mme Carotenuto, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 juin 2022.
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N° 19MA03048
nc