Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. AG... Y... a demandé au tribunal administratif de Bastia de réformer le résultat des élections à la chambre des métiers et de l'artisanat de Corse.
Par un jugement nos 2101236, 2101247 du 22 décembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses protestations après les avoir jointes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés les 22 février, 24 mars et 21 avril 2022, M. Y..., représenté par la SELARL Cornet-Vincent-Ségurel, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 22 décembre 2021 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) à titre principal, d'annuler les opérations électorales ;
3°) à titre subsidiaire, de proclamer élus les membres de la liste " A voce di l'artisgiani " ;
4°) de mettre à la charge de M. AE... AB..., M. P... C..., M. D... U... et M. B... R... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- plusieurs électeurs n'ont pas été destinataires de leur matériel de vote après en avoir demandé la communication ;
- les signatures de plusieurs demandes de communication des matériels de vote ne correspondent pas à celles figurant sur les documents d'identité des électeurs concernés ;
- les enveloppes comportant la profession de foi d'un candidat doivent être comptabilisées parmi les bulletins nuls ;
- le vote électronique d'un nombre d'électeurs compris entre 80 et 120 depuis un ordinateur mis à leur disposition par la chambre des métiers et de l'artisanat de Haute-Corse constitue une manœuvre qui a altéré les résultats du scrutin ;
- le procès-verbal établi par la commission d'organisation des élections ne fait pas apparaître les raisons pour lesquelles dix-sept bulletins ont été considérés comme valides ;
- la contestation de la validité de plusieurs bulletins par trois scrutateurs constitue une manœuvre ayant altéré les résultats du scrutin ;
- ces griefs, qui sont d'ordre public, sont recevables.
Par des observations en défense, enregistré le 29 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- seuls trois électeurs n'ont pas voté après avoir demandé la transmission de leur matériel de vote ;
- trois électrices ont voté alors que la signature de leur demande de communication des matériels de vote ne correspond pas à celle figurant sur leur carte nationale d'identité ;
- les autres griefs soulevés par M. Y... sont infondés.
Par des observations en défense, enregistrées le 29 mars, le 15 avril et le 20 avril 2022, M. AE... AB..., M. P... C..., M. D... U..., M. B... R..., Mme W... X..., Mme T... AC..., Mme Q... F..., M. M... V..., Mme W... AI..., Mme H... AA..., M. A... L..., Mme G... J..., M. AF... E..., M. I... N..., Mme AD... AK..., Mme S... AJ... et M. AH... K..., représentés par Me Muscatelli, demandent à la cour :
1°) de rejeter la requête de M. Y... ;
2°) de mettre à la charge de M. Y... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les conclusions tendant à la réformation du résultat des élections sont irrecevables, dès lors que le juge administratif ne peut que retirer des bulletins ou annuler les opérations électorales ;
- le grief tiré de l'atteinte à la sincérité et au secret du vote électronique est irrecevable, dès lors qu'il n'est pas assorti des précisions permettant d'en appréciant le bien-fondé ;
- les griefs nouveaux invoqués après l'expiration du délai de recours sont irrecevables ;
- les premiers juges ont invalidé à tort deux bulletins comme comportant des signes de reconnaissance ;
- les griefs soulevés par M. Y... sont infondés.
La requête a été communiquée à la chambre des métiers et de l'artisanat de Corse, qui n'a pas produit d'observations.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des griefs nouveaux invoqués après l'expiration du délai de recours.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code électoral ;
- le décret n° 99-433 du 27 mai 1999 ;
- l'arrêté du 2 juillet 2021 fixant les conditions du vote par correspondance pour les élections des membres des chambres de métiers et de l'artisanat de région et de leurs chambres de niveau départemental ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. O...,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me Clément-Launay, représentant M. Y..., et de Me Giansily, représentant M. AB... et autres.
Considérant ce qui suit :
1. M. Y... fait appel du jugement du 22 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses protestations relatives aux opérations électorales qui se sont déroulées le 19 octobre 2021 pour l'élection des membres de la chambre des métiers et de l'artisanat de Corse.
Sur l'irrecevabilité des griefs présentés après l'expiration du délai de recours :
2. Il résulte de l'article 32 du décret du 27 mai 1999 relatif à la composition des établissements du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat et de leurs chambres de niveau départemental et de l'article R. 119 du code électoral que les élections aux chambres des métiers et de l'artisanat peuvent être contestées dans un délai de cinq jours suivant la proclamation des résultats. S'il découle de ces dispositions qu'un grief formulé après l'expiration du délai de recours qu'elles fixent n'est pas recevable, hormis le cas où il est d'ordre public, elles ne font pas obstacle à ce que l'auteur d'une protestation développe les griefs qu'il a soulevés dans ce délai après l'expiration de celui-ci.
3. Contrairement à ce que soutient M. Y..., les griefs tirés de ce que plusieurs électeurs n'ont pas été destinataires de leur matériel de vote après en avoir demandé la communication, d'une part, et de ce que les signatures de plusieurs demandes de communication des matériels de vote ne correspondent pas à celles figurant sur les documents d'identité des électeurs concernés, d'autre part, ne sont pas de nature à vicier radicalement un scrutin indépendamment de leur influence sur les résultats de ce dernier. Ces griefs ne sont pas d'ordre public. Présentés pour la première fois en appel, après l'expiration du délai de recours, ils sont irrecevables.
Sur les bulletins de vote accompagnés d'une profession de foi :
4. Le troisième alinéa du II de l'article 30 du décret du 27 mai 1999 prévoit qu' : " Est déclaré nul lors du dépouillement du scrutin tout bulletin différent du modèle fourni, portant des mentions manuscrites, des ratures, des noms autres que ceux des listes ou candidats enregistrés, une modification de l'ordre de présentation des candidats ou qui ne répond pas aux conditions du présent décret. "
5. M. Y... conteste la validité de huit bulletins au profit de la liste conduite par M. AB..., qui étaient accompagnés de la profession de foi de la même liste. Ainsi que l'a jugé le tribunal administratif, ces bulletins n'entrent dans aucun des cas de nullité énoncés par les dispositions citées ci-dessus. M. Y... ne peut davantage utilement invoquer la méconnaissance des dispositions de l'arrêté du 2 juillet 2021 fixant les conditions du vote par correspondance pour les élections des membres des chambres de métiers et de l'artisanat de région et de leurs chambres de niveau départemental ou des consignes données par une notice explicative, dès lors que la méconnaissance de leurs prescriptions n'entre pas davantage dans les cas de nullité énoncés par les dispositions de l'article 30 du décret.
6. Ainsi que le fait valoir M. Y..., une enveloppe contenant un bulletin et une profession de foi est plus épaisse qu'une enveloppe contenant un bulletin seul, et pèse, selon les mesures effectuées sous le contrôle d'un huissier de justice, douze grammes au lieu de sept grammes. Une telle circonstance ne suffit pas pour qu'un bulletin accompagné d'une profession de foi constitue par lui-même un signe de reconnaissance de l'électeur.
7. Ce grief doit donc être écarté.
Sur les autres griefs :
8. M. Y... reprend les autres griefs invoqués en première instance. Le tribunal administratif y a répondu par des motifs appropriés figurant aux points 4, 5, 7 ,8, 9, 15 et 16 du jugement attaqué, qu'il y a lieu d'adopter en appel.
9. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa protestation électorale.
10. Il n'est dès lors pas nécessaire de se prononcer sur les fins de non-recevoir invoquées par M. AB... et autres.
Sur les frais liés au litige :
11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par M. AB... et autres sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. AG... Y..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la chambre des métiers et de l'artisanat de Corse et à M. AE... AB... en tant que représentant unique.
Copie en sera adressée pour information au préfet de Corse et de Corse-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2022, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. O... et Mme Z..., premiers conseillers.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2022.
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No 22MA00689