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27/06/2022 | FRANCE | N°20MA02120

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 27 juin 2022, 20MA02120


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2018 par lequel le maire d'Eccica-Suarella a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la construction d'une maison individuelle sur un terrain cadastré section D n° 342 au lieu-dit " Migliacciola ", ainsi que la décision implicite née du silence gardé par le maire sur le recours gracieux qu'il a formé le 3 avril 2018.

Par un jugement n° 1800752 du 6 mars 2020, le tribunal administratif de Bastia a

rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2018 par lequel le maire d'Eccica-Suarella a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la construction d'une maison individuelle sur un terrain cadastré section D n° 342 au lieu-dit " Migliacciola ", ainsi que la décision implicite née du silence gardé par le maire sur le recours gracieux qu'il a formé le 3 avril 2018.

Par un jugement n° 1800752 du 6 mars 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 juin 2020, M. B... A..., représenté par Me Stuart, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 6 mars 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 30 janvier 2018 ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux du 3 avril 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Eccica-Suarella une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, faute d'avoir tenu compte du fait que le terrain d'assiette du projet est situé au sein d'un secteur identifié comme constructible par la carte communale d'Eccica-Suarella et en ce qu'il considère que le projet ne s'insère pas au sein d'un groupe d'habitations existant ;

- le tribunal n'a pas tenu compte, dans le jugement attaqué, du jugement n° 1800690 rendu le même jour, par lequel il a reconnu l'existence d'un permis de construire tacite délivré sur le lot A issu de la division de la parcelle cadastrée D n° 342 dont le lot B constitue le terrain d'assiette du projet litigieux ;

- le tribunal n'a pas fait application de l'ensemble des dispositions du PADDUC relatives à l'application de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme ; le projet litigieux ne correspond pas à une extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions ;

- le tribunal n'a pas tenu compte de l'acquiescement aux faits résultant de l'absence de réponse de la commune à la mise en demeure de produire qui lui avait été adressée ;

Sur le bien-fondé :

- l'arrêté du 30 janvier 2018 est insuffisamment motivé ;

- il fait une mauvaise application des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme.

La requête a été communiquée à la commune d'Eccica-Suarella, qui n'a pas produit d'observations en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience au cours de laquelle ont été entendus :

- le rapport de Mme C... ;

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... relève appel du jugement du 6 mars 2020 du tribunal administratif de Bastia rejetant sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 30 janvier 2018 par lequel le maire d'Eccica-Suarella a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison individuelle sur un terrain cadastré section D n° 342 au lieu-dit " Migliacciola ", ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'il a formé le 3 avril 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : " Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant ".

3. M. A... soutient qu'en s'abstenant de tirer les conséquences de l'acquiescement aux faits par la commune d'Eccica-Suarella, laquelle n'a pas produit de mémoire en défense avant la clôture de l'instruction, en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée le 13 septembre 2019, le tribunal administratif de Bastia aurait entaché son jugement d'irrégularité. Toutefois, la circonstance que le tribunal administratif de Bastia, qui avait mis la commune en demeure de produire ses observations par un courrier mentionnant les dispositions de l'article R. 612-6 du code de justice administrative, n'en aurait pas tiré toutes les conséquences de droit alors qu'il lui appartenait seulement, les dispositions précitées étant applicables, de vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans la requête ne ressortait d'aucune pièce du dossier, n'affecte pas la régularité du jugement attaqué mais relève du bien-fondé de celui-ci.

4. En deuxième lieu, l'ensemble des autres moyens invoqués à l'encontre du jugement attaqué et tirés des erreurs de droit et d'appréciation qu'aurait commises le tribunal administratif dans l'application des dispositions de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme et du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) ont également trait au bien-fondé et non à la régularité de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, l'arrêté attaqué, après avoir mentionné l'objet de la demande et cité l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme, indique qu'" il s'agit d'une zone naturelle qui ne se situe pas en continuité d'une agglomération ou d'un village, il contrevient à l'article susvisé ". Contrairement à ce que soutient le requérant, il comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et met à même ses destinataires de les comprendre et de les contester utilement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme : " Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers (...) " et aux termes de l'article L. 122-5 du même chapitre de ce code : " L'urbanisation est réalisée en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants, sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes, ainsi que de la construction d'annexes, de taille limitée, à ces constructions, et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées ".

7. Il résulte des dispositions précitées, d'une part, qu'il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol mentionnée à l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet aux dispositions du code de l'urbanisme particulières à la montagne et, d'autre part, que l'urbanisation en zone de montagne, sans être autorisée en zone d'urbanisation diffuse, peut être réalisée non seulement en continuité avec les bourgs, villages et hameaux existants, mais également en continuité avec les " groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants " et qu'est ainsi possible l'édification de constructions nouvelles en continuité d'un groupe de constructions traditionnelles ou d'un groupe d'habitations qui, ne s'inscrivant pas dans les traditions locales, ne pourrait être regardé comme un hameau. L'existence d'un tel groupe suppose plusieurs constructions qui, eu égard notamment à leurs caractéristiques, à leur implantation les unes par rapport aux autres et à l'existence de voies et de réseaux, peuvent être perçues comme appartenant à un même ensemble. Pour déterminer si un projet de construction réalise une urbanisation en continuité par rapport à un tel groupe, il convient de rechercher si, par les modalités de son implantation, notamment en termes de distance par rapport aux constructions existantes, ce projet sera perçu comme s'insérant dans l'ensemble existant (CE, 2 octobre 2019, N° 418666, aux T.)

8. Le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), qui peut préciser les modalités d'application de ces dispositions en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, adopté par la délibération n° 15/235 AC du 2 octobre 2015 de l'assemblée de Corse, prévoit qu'un bourg est un gros village présentant certains caractères urbains, qu'un village est plus important qu'un hameau et comprend ou a compris des équipements ou lieux collectifs administratifs, culturels ou commerciaux, et qu'un hameau est caractérisé par sa taille, le regroupement des constructions, la structuration de sa trame urbaine, la présence d'espaces publics, la destination des constructions et l'existence de voies et équipements structurants. Ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières à la montagne. En revanche, le PADDUC se borne à rappeler les critères mentionnés ci-dessus et permettant d'identifier un groupe de constructions traditionnelles ou d'habitations existants et d'apprécier si une construction est située en continuité des bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants.

9. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des nombreuses photographies aériennes versées au dossier par le requérant, que le terrain d'assiette du projet, actuellement en l'état naturel et partiellement boisé, est entouré de parcelles également demeurées à l'état naturel à la date du refus de permis litigieux. En outre, les quelques habitations situées à l'Ouest et à l'Est de l'ensemble boisé constitué du terrain d'assiette du projet et des parcelles qui lui sont contiguës ne peuvent être regardées, eu égard à leur faible nombre et à leur implantation éparse au milieu d'une vaste zone naturelle composée d'espaces boisés et de terres agricoles, comme appartenant à un même ensemble susceptible d'être assimilé à un groupe de constructions existant. Dans ces conditions, ainsi que l'a relevé le tribunal, le projet ne peut être regardé comme s'insérant en continuité d'un groupe de constructions existant. Les circonstances que des permis de construire ont été délivrés jusqu'à une date récente pour l'édification d'habitations à proximité du terrain d'assiette du projet et que celui-ci se situe en zone constructible de la carte communale d'Eccica-Suarella sont par elles-mêmes sans incidence sur l'appréciation de la continuité de l'urbanisation. Dès lors, le maire d'Eccica-Suarella était tenu, en application des dispositions précitées de l'article L. 122-5 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC, de refuser la délivrance du permis de construire sollicité.

10. Il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a refusé de faire droit à sa demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 30 janvier 2018 et de la décision implicite rejetant son recours gracieux du 3 avril 2018. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être accueillies.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et à la commune d'Eccica-Suarella.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2022, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Mérenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2022.

N°20MA02120 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02120
Date de la décision : 27/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-001-01-02-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Règles générales d'utilisation du sol. - Règles générales de l'urbanisme. - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme. - Régime issu de la loi du 9 janvier 1985 sur la montagne.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : STUART

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-27;20ma02120 ?
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