Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Institut Technique Privé et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille :
1°) à titre principal, d'annuler la décision du 13 décembre 2019 par laquelle le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a mis à la charge de la société Institut Technique Privé les sommes de 595 418,31 euros au titre de formations non réalisées au cours des années 2013 et 2014, 595 418,31 euros au titre de l'établissement et de l'utilisation de documents portant des mentions inexactes en vue d'obtenir indûment des paiements pour les mêmes années, 94 834,33 euros et 446 959,61 euros au titre des dépenses rejetées respectivement pour 2013 et 2014, et a déclaré M. C... et Mme B... E... épouse C... solidairement responsables du paiement des sommes dues au titre des manœuvres frauduleuses et des dépenses rejetées ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet a rejeté le recours administratif préalable formé par la société Institut Technique Privé le 5 février 2020 ;
3°) de les décharger du paiement des sommes ainsi mises à leur charge ;
4°) à titre subsidiaire, de réduire le montant des sommes dues à celles correspondant à la période du 13 au 31 décembre 2014 ;
5°) de leur verser une somme de 93 200 euros en réparation des préjudices subis en raison des fautes commises par l'administration lors des opérations de contrôle.
La société GT Formation et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Marseille :
1°) à titre principal, d'annuler la décision du 13 décembre 2019 par laquelle le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a mis à la charge de la société GT Formation les sommes de 529 922,50 euros au titre des formations non réalisées au cours des années 2013 et 2014, 529 922,50 euros au titre de l'établissement et de l'utilisation de documents portant des mentions inexactes en vue d'obtenir indûment des paiements pour les mêmes années, 82 175,11 euros et 158 567,65 euros au titre des dépenses rejetées respectivement pour 2013 et 2014, et a déclaré M. C... et Mme B... E... épouse C... solidairement responsables du paiement des sommes dues au titre des manœuvres frauduleuses et des dépenses rejetées ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet a rejeté le recours administratif préalable formé par la société GT Formation le 5 février 2020 ;
3°) de les décharger du paiement des sommes ainsi mises à leur charge ;
4°) à titre subsidiaire, de réduire le montant des sommes dues à celles correspondant à la période du 13 au 31 décembre 2014 ;
5°) de réparer les préjudices subis en raison des fautes commises par l'administration lors des opérations de contrôle.
Mme B... E... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a rejeté son recours administratif préalable obligatoire formé le 5 février 2020 contre la décision du 13 décembre 2019 mettant à la charge de la société Institut Technique Privé (ITP) les sommes de 595 418,31 euros au titre de formations non réalisées au cours des années 2013 et 2014, 595 418,31 euros au titre de l'établissement et de l'utilisation de documents portant des mentions inexactes en vue d'obtenir indûment des paiements pour les mêmes années, 94 834,33 euros et 446 959,61 euros au titre des dépenses rejetées respectivement pour 2013 et 2014, et la déclarant solidairement responsable avec M. C... du paiement des sommes dues au titre des manœuvres frauduleuses et des dépenses rejetées.
Par un jugement n° 2010072, 2010135, 2100818 du 8 octobre 2021, le tribunal administratif de Marseille a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions des requérants dirigées contre les décisions du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur du 13 décembre 2019, a annulé la décision implicite du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur née le 6 avril 2020 en tant qu'elle met à la charge de la société GT Formation une somme de 3 046,80 euros au titre d'actions réputées non réalisées les 21 juin 2013 et 12 janvier 2014, a déchargé la société GT Formation à concurrence de 3 046,80 euros de la somme à verser au Trésor public au titre des actions de formation réputées non réalisées et rejeté le surplus des conclusions des sociétés GT Formation et Institut Technique Privé et de M. et Mme C....
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 décembre 2021 et 8 avril 2022, sous le n° 21MA04707, la société Institut Technique Privé, la société GT Formation, M. et Mme C..., représentés par Me Parlant et Me Grandsaigne, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 octobre 2021 ;
2°) de prononcer la décharge des requérants du paiement de la somme de 119 165,71 euros au titre des dépenses ;
3°) de prononcer la décharge de la société ITP du paiement de la somme de 595 418,31 euros au titre de la réalisation des actions de formation ;
4°) de prononcer la décharge de la société ITP du paiement de la somme de 529 922,50 euros au titre des manœuvres frauduleuses ;
5°) de prononcer la décharge de la société GT Formation du paiement de la somme de 529 922,50 euros au titre de la réalisation des actions de formation ;
6°) de prononcer la décharge de la société GT Formation du paiement de la somme de 529 922,50 euros au titre des manœuvres frauduleuses ;
7°) de constater l'absence de qualité de gérante de fait de Mme B... C... au sein des sociétés ITP et GT Formation ;
8°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de la prescription dans la mesure où les décisions préfectorales du 13 décembre 2019 prises en application des articles L. 6362-7 et L. 6362-7-1 du code du travail ne pouvaient intervenir plus de 5 ans après la réalisation des formations ;
- les premiers juges ont ajouté à la loi en relevant que l'administration est fondée à relever le caractère imprécis de certaines factures ;
- l'obligation de verser au Trésor public les sommes mises à leur charge au titre des années 2013 et 2014, à l'exception de la période du 13 au 31 décembre 2014, est prescrite en application de l'article 2224 du code civil et les décisions préfectorales du 13 décembre 2019 prises en application des articles L. 6362-7 et L. 6362-7-1 du code du travail ne pouvaient intervenir plus de 5 ans après la réalisation des formations ;
- s'agissant de la réalité des actions de formation : l'administration n'a pas démontré, par des preuves contraires, que ces actions de formations recensées dans les bilans n'ont pas eu lieu et ne pouvait se contenter des incohérences dans les documents non probants ;
- la décision du 13 décembre 2019 a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ;
- elle fait état d'éléments nouveaux portant sur l'occupation des salles de formation qui n'ont pas été soumis au débat contradictoire ;
- l'obligation de verser au Trésor public les sommes mises à leur charge au titre des années 2013 et 2014, à l'exception de la période du 13 au 31 décembre 2014, est prescrite en application de l'article 2224 du code civil ;
- la méthode de contrôle utilisée par l'administration, consistant à vérifier la réalité des actions de formation par date et non par dossier, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision attaquée est entachée d'une série d'erreurs qui conduisent à remettre en cause les résultats du contrôle ;
- il existe des erreurs sur les dates des formations considérées comme non réalisées ;
- les agents de contrôle ont adopté une interprétation erronée des documents comptables fournis à l'appui de l'activité de formation ;
- les prétendues anomalies relevées par l'administration pour contester la réalisation des actions de formation, qui ne tiennent pas compte des pièces justificatives produites, s'expliquent par des considérations rationnelles ;
- en relevant une série d'anomalies ou d'incohérences dans les formations dispensées, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a commis une erreur d'appréciation ;
- aucune manœuvre frauduleuse pour obtenir des paiements indus n'est établie ;
- le contrôle fiscal opéré par l'administration n'a pas révélé d'absence de réalisation des actions de formation ;
- les dépenses ont été rejetées à tort dès lors qu'elles se rattachent à l'activité de formation de la société ;
- en tant que gérant personne physique de la société GT Formation, M. C... ne pouvait pas être tenu solidairement responsable du paiement des sommes mises à la charge de la personne morale, au titre des manœuvres frauduleuses et des dépenses rejetées ;
- les fautes commises par les agents de contrôle et leur hiérarchie lors des opérations de vérification, notamment la violation du secret professionnel et les assertions mensongères émises à l'égard des tiers, leur ont causé des préjudices.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2022, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.
Le mémoire enregistré le 12 avril 2022, présenté pour la société Institut Technique Privé, la société GT Formation, M. et Mme C... n'a pas été communiqué.
La clôture de l'instruction a été fixée au 12 avril 2022 par une ordonnance du 15 mars 2022 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Les pièces enregistrées après clôture le 13 avril 2022, présentées par la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion n'ont pas été communiquées.
II. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 décembre 2021, 11 février 2022 et 8 avril 2022, sous le n° 21MA04956, la société Institut Technique Privé, la société GT Formation, M. et Mme C..., représentés par Me Deschamps, demandent à la Cour de suspendre la procédure de recouvrement engagée par l'administration à leurs encontre.
Ils soutiennent que la condition d'urgence est remplie et qu'il existe des moyens propres à créer en l'état de l'instruction un doute sérieux quant à la légalité de l'imposition.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 janvier et 18 février 2022, la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les requérants n'établissent pas l'urgence qu'il y aurait à suspendre les décisions du 13 décembre 2019.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code civil ;
- le code du travail ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Deschamps et Me Parlant pour la société ITP et autres.
Une note en délibéré présentée pour la société ITP et autres a été enregistrée le 14 juin 2022 dans l'instance 21MA04707.
Considérant ce qui suit :
1. Les deux requêtes n° 21MA04707 et 21MA04956, qui sont présentées par les mêmes requérants, sont relatives aux mêmes décisions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
2. La société GT Formation et la société Institut Technique Privé (ITP), qui ont pour activité principale la dispensation de prestations de formation professionnelle, ont fait l'objet, entre le 6 mai 2015 et le 8 décembre 2016, d'un contrôle administratif et financier par les services de l'inspection du travail portant sur les exercices 2012 à 2014. A la suite du rapport de contrôle qui a été notifié aux sociétés le 16 décembre 2016, leur gérant a présenté des observations écrites les 13 janvier et 27 février 2017 et des observations orales lors d'un entretien le 10 mars 2017. Par deux décisions du 13 décembre 2019, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a mis à la charge respective de la société GT Formation et de la société ITP, pour partie solidairement avec leur gérant de droit, M. A... C... ainsi qu'avec Mme B... E... épouse C... qualifiée de gérante de fait, le versement de sommes dues au Trésor public en application des articles L. 6362-7-1, L. 6362-7 et L. 6362-7-2 du code du travail. Les recours administratifs préalables formés les 5 et 6 février 2020 par les deux sociétés et par Mme C... auprès du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur contre ces décisions sont demeurés sans réponse. La société GT Formation, la société ITP et M. et Mme C... ont demandé au tribunal l'annulation des décisions du préfet du 13 décembre 2019 et des décisions implicites de rejet des recours administratifs formés contre celles-ci, ainsi que la décharge du paiement des sommes dont ils sont redevables ou, subsidiairement, la réduction de leur montant. Les sociétés et leur gérant de droit ont également présenté en cours d'instance des conclusions tendant à la réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait du contrôle. La société GT Formation, la société ITP, et M. et Mme C... relèvent appel du jugement du 8 octobre 2021 du tribunal administratif de Marseille en tant que, après avoir prononcé le non-lieu à statuer sur les conclusions des requérants dirigées contre les décisions du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur du 13 décembre 2019, il s'est borné à annuler la décision implicite du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur née le 6 avril 2020 en tant qu'elle met à la charge de la société GT Formation une somme de 3 046,80 euros au titre d'actions réputées non réalisées les 21 juin 2013 et 12 janvier 2014, a déchargé la société GT Formation à concurrence de 3 046,80 euros de la somme à verser au Trésor public au titre des actions de formation réputées non réalisées et a rejeté le surplus des conclusions des sociétés GT Formation et Institut Technique Privé et de M. et Mme C....
Sur la requête n° 21MA04707 :
En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :
3. Il ressort du jugement attaqué et plus particulièrement de ses points 13 à 15 que le tribunal a suffisamment répondu au moyen tiré de la prescription des créances en litige.
4. Si les requérants soutiennent que les premiers juges auraient ajouté à la loi en relevant que l'administration est fondée à relever le caractère imprécis de certaines factures, ce moyen relève du fond du litige et n'est pas de nature à affecter la régularité du jugement.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :
S'agissant des conclusions à fin d'annulation :
Quant à la prescription des créances en litige :
5. Aux termes de l'article L. 6362-9 du code du travail : " Les résultats du contrôle sont notifiés à l'intéressé. / Cette notification interrompt la prescription courant à l'encontre du Trésor public, au regard des versements dus et des pénalités fiscales correspondantes ". Aux termes de l'article L. 6362-12 du même code : " Le recouvrement des versements exigibles au titre des contrôles réalisés en application des articles L. 6361-1 à L. 6361-3 est établi et poursuivi selon les modalités ainsi que sous les sûretés, garanties et sanctions applicables aux taxes sur le chiffre d'affaires ". Aux termes de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, dans sa version alors applicable : " Pour les taxes sur le chiffre d'affaires, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle au cours de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts. / (...) ". Aux termes de l'article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ".
6. Il résulte de ces dispositions que le champ de la prescription triennale de l'article L. 6362-12 du code du travail est strictement limité au recouvrement des versements exigibles. Cette prescription n'est par suite pas applicable à la procédure d'établissement de l'assiette du reversement et, en l'absence de prescription spécifique d'assiette, le délai de prescription applicable en l'espèce est celui de la prescription quinquennale de droit commun institué par les dispositions de l'article 2224 du code civil.
7. Toutefois, il résulte de l'instruction que les services de la DIRECCTE de Provence-Alpes-Côte d'Azur ont procédé, au cours des années 2015 et 2016, au contrôle administratif et financier de l'activité de formation professionnelle des sociétés GT Formation et ITP au titre des exercices comptables 2012 à 2014, correspondant à la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014. Les résultats du contrôle administratif et financier ont été notifiés aux sociétés par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur le 16 décembre 2016. Contrairement aux allégations des requérants, cette notification, par laquelle le préfet a informé les sociétés des irrégularités commises en présentant de manière précise et détaillé les anomalies constatées, a régulièrement interrompu le délai de prescription qui courait à l'encontre des créances détenues par l'Etat au titre du contrôle de l'activité de l'organisme de formation pour les années 2013 et 2014, fondant les décisions de versement prises par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur le 13 décembre 2019. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les créances dont le règlement est mis à leur charge par ces décisions, auxquelles se sont substituées les décisions implicites nées les 5 et 6 avril 2020 au titre des années 2013 et 2014, seraient prescrites.
Quant au versement de sommes pour actions de formation réputées non réalisées :
8. Aux termes de l'article L. 6362-6 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Les organismes prestataires d'actions de formation entrant dans le champ de la formation professionnelle continue au sens de l'article L. 6313-1 présentent tous documents et pièces établissant la réalité de ces actions. / A défaut, celles-ci sont réputées ne pas avoir été exécutées et donnent lieu à remboursement au cocontractant des sommes perçues conformément à l'article L. 6354-1 ". Aux termes de l'article L. 6362-7-1 du même code : " En cas de contrôle, les remboursements mentionnés aux articles L. 6362-4 et L. 6362-6 interviennent dans le délai fixé à l'intéressé pour faire valoir ses observations. / A défaut, l'intéressé verse au Trésor public, par décision de l'autorité administrative, une somme équivalente aux remboursements non effectués ". Aux termes de l'article R. 6332-25 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le paiement des frais de formation pris en charge par les organismes collecteurs paritaires agréés est réalisé après exécution des prestations de formation et sur transmission de pièces justificatives, dont les attestations de présence ou les éléments mentionnés à l'article R. 6332-26 contribuant à établir l'assiduité des stagiaires ". Aux termes de l'article R. 6332-26 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les employeurs ou les prestataires de formation adressent à l'organisme collecteur qui en fait la demande une copie des feuilles d'émargement à partir desquelles sont établies les attestations de présence ou des éléments mentionnés à l'article D. 6353-4 qui sont pris en compte pour établir l'assiduité du stagiaire qui suit une séquence de formation ouverte ou à distance. Ces feuilles d'émargement ou éléments font partie des documents que les organismes collecteurs sont tenus de produire aux agents chargés du contrôle prévu aux articles L. 6362-5 à L. 6362-7 ".
9. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'administration d'apprécier, au regard des pièces produites par l'organisme prestataire de formation sur lequel pèse la charge de la preuve, et sous le contrôle du juge, la réalité des activités conduites en matière de formation professionnelle continue. Il s'ensuit que l'autorité préfectorale est en droit de remettre en cause la fiabilité ou l'authenticité des pièces que l'organisme a fournies, en particulier les feuilles d'émargement signées par les stagiaires, et de se fonder sur les anomalies ou les incohérences existant entre les divers justificatifs pris en compte pour regarder des actions de formation comme n'étant pas réalisées.
10. La décision contestée, longuement motivée par des observations très détaillées et circonstanciées, est fondée sur l'existence de très nombreuses anomalies, toutes précisément décrites, concernant les moyens pédagogiques nécessaires, l'inconsistance inexpliquée des programmes de formation, des intitulés de formation faisant obstacle à l'identification précise de leur contenu, l'incohérence dans les obligations à l'égard des stagiaires, des incohérences matérielles relatives à l'intervention des formateurs, des incohérences des factures émises par les sous-traitants, l'absence de justification des déplacements des formateurs sous-traitants et l'absence de justifications des modalités d'intervention des formateurs salariés.
11. S'agissant de la concomitance d'actions de formations différentes, en se bornant à se référer au tableau " reprenant l'ensemble des griefs de l'administration " et à expliciter celui-ci en faisant référence à des " formations collectives " ou " inter-entreprises ", les appelants ne démontrent pas, par les pièces produites en appel, l'erreur d'appréciation du préfet sur la réalité de leurs actions de formation.
12. S'agissant des " modules de formation se rapportant à des intitulés de programmes différents ", de " l'absence de justificatif des horaires de formation ", des mentions inexactes sur les jours, les années ou les noms des formateurs, les pièces produites ne permettent d'établir ni que les agents de contrôle auraient confondus les années 2013 et 2014, ni que les incohérences sur les dates, jours ou durées de formation retenues par le préfet ne seraient pas établies alors même que les appelants se bornent à produire sur chacun de ces points quelques feuilles d'émargement ou factures en nombre très limité eu égard à l'ensemble des incohérences relevées. Si les requérants produisent en appel une feuille de présence pour une formation windows 7 et internet des 16 octobre et 22 novembre 2013 suivie par un salarié de la société CLCV, signée par la formatrice, cette seule pièce ne peut suffire à elle seule à établir que l'administration aurait retenu à tort " une absence de signature de la feuille d'émargement par la personne étant intervenue comme formatrice pour la facture 13/12/1538 ". Il ne ressort ni du rapport de contrôle notifié à la société ITP le 16 décembre 2016, ni des décisions contestées, que les agents de contrôle aient entendu ne prendre en considération, comme éléments probants de la réalisation des actions de formation, que les plans d'occupation des salles de formation et les emplois du temps des formateurs, à l'exclusion des autres documents produits par la société requérante, et notamment des feuilles d'émargement signées. Au contraire, il résulte de l'instruction que le préfet a estimé que les anomalies affectant les feuilles d'émargement et les incohérences entre ces documents et les autres pièces produites ne permettaient pas de tenir pour réalisées les actions de formation contestées. Par ailleurs, la circonstance que les services préfectoraux aient librement choisi de procéder à un contrôle de la matérialité des formations dispensées par date des actions de formation, et non par dossier de formation, est sans incidence sur l'administration de la preuve de la réalité des activités conduites par l'organisme de formation.
13. Si les sociétés requérantes allèguent, par ailleurs, avoir réalisé des formations afin d'individualiser leur parcours de formation, s'agissant notamment de la durée prévisible de celui-ci, elles reconnaissent ne pas être en mesure de produire ces documents pour les années 2013 et 2014. Elles ne démontrent pas davantage, par les seuls documents de " tests de positionnement " versés aux débats, non signés et à faible valeur probante, ou en se bornant à soutenir " qu'il était indiqué sur le site internet de la société que la durée des actions proposées pouvait varier en fonction des niveaux initiaux différents des stagiaires " que les formations proposées étaient généralement différenciées en fonction de prérequis clairement définis et mesurables. Dès lors, à défaut d'établir que les écarts constatés par l'administration dans la durée de formations identiques étaient objectivement justifiés par le niveau des stagiaires ou par des prérequis attachés à ces formations, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'autorité préfectorale aurait commis une erreur d'appréciation en relevant une incohérence sur ce point dans les programmes de formation.
14. Si les sociétés contestent le caractère imprécis de leurs factures, il ressort des factures émises par les formateurs sous-traitants, libellées au nom de l'enseigne commerciale " Soft Formation ", que celles-ci ne permettent pas d'identifier la personne morale débitrice, empêchant ainsi de les rattacher aux conventions de formation conclues par la société GT Formation ou à celles conclues par la société ITP.
15. Si les requérants font valoir par ailleurs que le taux d'occupation des salles et l'emploi du temps des formateurs ne sont pas des éléments imposées par la réglementation applicable, il ne ressort ni du rapport de contrôle notifié à la société ITP le 16 décembre 2016, ni des décisions contestées, que les agents de contrôle aient entendu ne prendre en considération, comme éléments probants de la réalisation des actions de formation, que les plans d'occupation des salles de formation et les emplois du temps des formateurs, à l'exclusion des autres documents produits par la société requérante, et notamment des feuilles d'émargement signées. Si le préfet a effectivement relevé que " le grand livre des comptes de la société ITP permet d'établir qu'elle utilisait, moyennant un système de compensation complexe et inexpliqué, les salles mises à sa disposition par la société GT Formation, laquelle exerçait parallèlement à son activité de dispensateur de formation une activité de sous location de ses salles de cours à des tiers, autres que la société ITP, via une plateforme ", il en a seulement déduit qu'en refusant de produire les états quotidiens d'occupation de ses salles de cours, la société ITP " a placé l'administration dans l'impossibilité de vérifier précisément l'adéquation entre le nombre de formation pouvant être réalisées quotidiennement simultanément dans les locaux de soft et le nombre de formation quotidiennement facturées ". Il résulte, par ailleurs de l'instruction que le préfet a estimé que les anomalies affectant les feuilles d'émargement et les incohérences entre ces documents et les autres pièces produites ne permettaient pas de tenir pour réalisées les actions de formation contestées.
16. S'agissant des frais de déplacement des formateurs, il résulte de l'instruction et notamment de l'entretien contradictoire de M. C... que la société indemnisait les sous-traitants de leur frais de déplacement sur la base d'un forfait. Par suite, c'est à bon droit que le préfet a relevé que ces déclarations ne correspondaient pas à certaines factures de sous-traitance lesquelles mentionnent des frais réels de déplacement. Les notes de frais produites en appel ne sont pas, par ailleurs, de nature à justifier la réalité des formations censées avoir été dispensées par ces formateurs.
17. Si la société fait valoir que les deux contrôles fiscaux effectués à la suite des contrôles de la DIRECCTE en 2017 ont conclu à l'absence d'anomalies s'agissant des notes de frais, les décisions contestées ayant été prises en application des dispositions du code du travail et non de celles du code général des impôts ou du code de commerce, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir ni des résultats du contrôle fiscal diligenté postérieurement au contrôle en litige, ni de la certification des comptes de la société GT Formation et de la société ITP pour les années 2013 et 2014 par un commissaire aux comptes indépendant pour critiquer le bien-fondé du reversement mis à leur charge à raison de formations non réalisées.
18. Pour contester l'analyse des données comptables et financières effectuée lors du contrôle, les sociétés invoquent une " erreur manifeste " de l'administration qui se traduirait par une surévaluation d'environ 30 % des sommes indûment perçues au titre des actions de formation. Toutefois, en se contentant d'alléguer que le préfet n'aurait pas tenu compte de leurs observations écrites du 13 janvier 2017 et des explications fournies lors de l'audition de M. C... le 10 mars 2017, les sociétés requérantes n'établissent pas en quoi les montants retenus par l'autorité préfectorale au titre des actions de formation réputées non réalisées seraient inexacts ou résulteraient d'une analyse erronée des grands livres comptables.
19. Il résulte de tout ce qui précède et des deux rapports de contrôle correspondant à chacune des sociétés, effectués dans les conditions légales et réglementaires, confrontés aux explications et pièces produites par les appelantes que le préfet a pu, sans entacher sa décision d'erreur d'appréciation, considérer que la preuve de la réalité des actions de formation n'était pas rapportée par les deux sociétés.
Quant au versement pour manœuvres frauduleuses :
20. Aux terme de l'article L. 6362-7-2 : " Tout employeur ou prestataire de formation qui établit ou utilise intentionnellement des documents de nature à obtenir indûment le versement d'une aide, le paiement ou la prise en charge de tout ou partie du prix des prestations de formation professionnelle est tenu, par décision de l'autorité administrative, solidairement avec ses dirigeants de fait ou de droit, de verser au Trésor public une somme égale aux montants indûment reçus. ".
21. Compte tenu des montants en cause, du caractère répété et systématique des incohérences relevées sur une période de deux ans et des liens existants entre les sociétés contrôlées, c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que l'administration a estimé que le caractère intentionnel des infractions, dans le but de percevoir indûment des fonds publics destinés au financement de la formation professionnelle, était établi. Par suite le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur n'a entaché sa décision ni d'inexactitude matérielle, ni d'erreur d'appréciation, en retenant le caractère intentionnel de l'utilisation de documents pour obtenir indûment une aide au sens des dispositions de l'article L. 6362-7-2 du code du travail. La sanction en litige n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, et ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, disproportionnée.
Quant au versement de sommes à raison du rejet des dépenses de l'organisme de formation :
22. En vertu des dispositions des articles L. 6362-5 et L. 6362-7 du code du travail, les organismes de formation sont tenus " de justifier le rattachement et le bien-fondé " des dépenses exposées pour l'exercice des activités conduites en matière de formation professionnelle continue et, à défaut, font l'objet d'une décision de rejet des dépenses considérées et versent au Trésor public une somme égale au montant des dépenses ainsi rejetées. En l'espèce, il résulte de l'instruction qu'ont été écartées par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur des dépenses exposées en 2013 et en 2014, dont le montant et la liste détaillée figurent dans les annexes 4 de ses décisions initiales du 13 décembre 2019, pour lesquelles l'organisme de formation constitué des sociétés ITP et GT Formation ne l'a pas mis en mesure, au regard de ses explications et des pièces justificatives, notamment comptables, qu'il a fournies, d'apprécier la nature exacte, l'objet, la destination et le bien-fondé, et, par suite, de vérifier le rattachement à l'exercice de son activité de formation professionnelle. En se bornant à soutenir que l'administration n'indique pas quelles factures n'auraient pas été produites, qu'ils ont produites, outre le grand livre comptable, les justificatifs correspondant aux dépenses " les plus aisément justifiables " et que toutes ses dépenses sont rattachables à l'activité de formation, les appelants n'établissent pas que la décision du préfet serait entachée d'une erreur de fait. Il en résulte que c'est à bon droit que l'administration a considéré, au terme de son contrôle, que la réalité des prestations de formation n'était pas établie et a rejeté le caractère rattachable des dépenses auxdites formations.
Quant à la solidarité prononcée à l'égard de Mme C... :
23. Pour regarder Mme C... comme gérante de fait au sein des sociétés GT Formation et ITP, le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur s'est fondé sur un faisceau d'éléments. La requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'erreurs de droit au motif qu'elle la regarderait comme gérante de fait du seul fait que, bien que formellement licenciée au 15 avril 2013, elle a continué à exercer ses fonctions au sein de " SOFT ", enseigne qui regroupe ITP et GT formation, qu'elle a signé des actes par lesquels la société ITP candidatait à des marchés publics et des attestations de présence d'une stagiaire et qu'elle était personnellement destinataire des factures de sous-traitants.
S'agissant des conclusions à fin de décharge :
24. Pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés, la société GT Formation, la société ITP et M. et Mme C... ne sont pas fondés à demander à être déchargés des sommes mises à leur charge par les décisions en litige.
25. Il résulte de tout ce qui précède que la société GT Formation, la société ITP et M. et Mme C... ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes.
Sur la requête n° 21MA04956 tendant à la suspension de " la procédure de recouvrement " :
26. La Cour statuant au fond dans la présente affaire, il n'y a plus lieu pour elle, en tout état de cause, de se prononcer sur la demande de suspension de " la procédure de recouvrement ", enregistrée sous le n° 21MA04956.
Sur les conclusions tendant à la suspension de l'exécution du jugement attaqué :
27. Dès lors qu'il est statué sur le fond du litige, les conclusions à fin " de suspension de l'exécution du jugement " se trouvent, en tout état de cause, privées d'objet. Il n'y a donc pas lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
28. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie principalement perdante, au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21MA04956.
Article 2 : La requête n° 21MA04707 de la société GT Formation, la société ITP et M. et Mme C... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée GT Formation, à la société à responsabilité limitée Institut Technique Privé, à M. A... C..., à Mme B... E... épouse C... et à la ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion.
Copie en sera adressée au préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2022, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- M. Prieto, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juin 2022.
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N° 21MA04707, 21MA04956
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