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24/06/2022 | FRANCE | N°20MA01429

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 24 juin 2022, 20MA01429


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Julien a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 février 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a approuvé le plan de prévention des risques inondation sur la commune de Tarascon, ensemble la décision du 8 août 2017 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de retrait de l'arrêté précité présentée le 19 mai 2017.

Par un jugement n° 1708662 du 22 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demand

e.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 25 mars 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Julien a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 9 février 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a approuvé le plan de prévention des risques inondation sur la commune de Tarascon, ensemble la décision du 8 août 2017 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de retrait de l'arrêté précité présentée le 19 mai 2017.

Par un jugement n° 1708662 du 22 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 25 mars 2020, le 28 mars 2022 et le 3 avril 2022 sous le n° 20MA01429, la SARL Julien, représenté par Me Fieloux, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 janvier 2020, ensemble l'arrêté préfectoral du 9 février 2017 approuvant le plan de prévention des risques inondation sur la commune de Tarascon ainsi que la décision du 8 août 2017 de rejet de son recours gracieux ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et renvoyer à la Cour de justice de l'Union Européenne les questions préjudicielles figurant dans les développements des différentes écritures de l'association requérante ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges n'ont pas visé un mémoire produit le 19 décembre 2019, après la clôture de l'instruction ;

- le jugement ne vise ni n'analyse avec une précision suffisante les conclusions et moyens invoqués par la requérante ;

- le moyen relatif à la procédure d'enquête a été dénaturé par le tribunal ;

- le moyen tiré de l'exception d'illégalité des circulaires invoquées par la SARL Julien n'a pas été analysé complètement ni visé ;

- le moyen tiré de la violation du principe de libre administration des collectivités territoriales n'a été ni visé, ni analysé ;

- le moyen tiré de ce que le PPRI méconnaîtrait le principe de juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de la sauvegarde des droits des individus n'a été, ni visé, ni analysé ;

- le moyen critiquant le recours par le représentant de l'Etat à une crue modélisée alors que le Conseil d'Etat n'a admis la légalité de la reconstitution d'une crue de référence par modélisation qu'uniquement en l'absence de crue de référence d'occurrence centennale n'a été ni visé, n analysé ;

- le moyen tiré de la rupture d'égalité n'a été ni visé, ni analysé ;

- le jugement a été rendu en méconnaissance du droit à un procès équitable ;

- le tribunal n'a pas communiqué à la SARL un mémoire du préfet, une lettre du 19 décembre 2019 et une note en délibéré du 23 décembre 2019 et a ainsi violé le principe d'égalité des armes. L'article R. 611-1 du code de justice administrative méconnaît l'article 47 de la Charte des droits et libertés fondamentaux de l'Union européenne et le droit au principe d'égalité des armes en permettant à la juridiction de décider de ne pas transmettre aux autres parties à l'instance l'intégralité des conclusions, mémoires et correspondances dont elle est destinataire en provenance d'une partie ou d'un intervenant ;

- l'enquête publique est irrégulière dès lors que le respect de l'exigence d'accessibilité au dossier est subordonné à la mise à disposition gratuite au public d'un poste informatique au lieu du déroulement de l'enquête pour permettre la consultation du dossier pendant toute la durée de l'enquête. En l'espèce, l'arrêté du 19 septembre 2016 n'indiquait pas que le dossier était consultable par voie électronique et l'article 4 disposait que seul l'avis d'enquête était diffusé sur le site internet de la préfecture ;

- des éléments importants pour l'enquête manquaient sur le CD-ROM ;

- le dossier d'enquête était incomplet ;

- les conclusions du commissaire-enquêteur sont insuffisantes ;

- une évaluation environnementale était nécessaire concernant l'impact hydraulique des aménagements réalisés et à venir ;

- le PPRI constitue une mesure d'application du schéma de gestion des inondations du Rhône aval alors que ce dernier, après sa publication, a fait l'objet de deux modifications significatives qui n'ont, elles-mêmes, pas été soumises à une évaluation environnementale ;

- le PPRI constitue une ingérence dans le droit des biens et le respect du domicile et méconnaît donc nécessairement l'article 1 du Protocole additionnel n° 1 et l'article 8 de la CEDH ;

- le PPRI a méconnu le droit de l'Union européenne en ce qu'il est une mesure d'application de plans et programmes élaborés sans évaluation environnementale ;

- l'instauration du PPRI constitue une ingérence dans des droits et libertés fondamentaux que ce soit dans le droit des biens, le respect du domicile, le principe de libre administration des collectivités territoriales ou encore le principe d'égalité devant les charges publiques ;

- en retenant comme crue de référence du plan des estimations scientifiquement reconnue comme obsolète, qui au surplus conduit à des exagérations manifestes, le PPRI constitue une ingérence non justifiée dans l'exercice de droits garantis et méconnaît le principe de juste équilibre entre l'intérêt général et la sauvegarde des droits administrés. En écartant ce moyen le tribunal a commis une erreur de droit ;

- la crue de référence choisie repose sur une inexactitude matérielle des faits et une erreur de qualification juridique des faits ;

- la non-mise en œuvre d'une servitude de sur-inondation constitue un détournement de procédure et une erreur de droit ;

- la décision contestée est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 28 mars 2022 et le 15 avril 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête de la SARL Julien.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Julien ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le code de l'environnement ;

- le décret du 27 février 2009 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales de l'environnement de l'aménagement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me Fieloux, représentant la SARL Julien.

Une note en délibéré produite pour la SARL Julien a été enregistrée le 10 juin 2022.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Julien relève appel du jugement du 22 janvier 2020 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 février 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a approuvé le plan de prévention des risques inondation sur la commune de Tarascon, ensemble la décision du 8 août 2017 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de retrait de l'arrêté précité présentée le 19 mai 2017.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires (...). "

3. La SARL Julien fait valoir que le jugement de première instance ne vise ni n'analyse avec une précision suffisante les conclusions et moyens qu'elle avait présentés. Il ressort toutefois de la lettre de ce jugement que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de viser et d'examiner individuellement chacun des arguments de droit et de fait développés par la société appelante, ont en tout état de cause répondu à chacun des moyens invoqués. S'agissant du moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête publique le tribunal y a répondu aux points 4 à 6 du jugement, s'agissant du moyen tiré de l' ingérence dans les droits garantis par l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 8 de cette convention, il y a été répondu aux points 11 à 14, s'agissant de la violation du principe de libre administration des collectivités locales et du principe de juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde des droits individuels et violation de l'article A1P1 au motif que la servitude de non constructibilité a été établie sur la base d'un état des connaissances obsolète, ces différents arguments ont été soulevés à l'appui du moyen tiré de ce que le zonage en litige et ses servitudes révèlent une exagération du risque inondation et il y a été suffisamment répondu au point 17, s'agissant du moyen tiré du recours à une crue modélisée plus forte qu'une crue centennale, il y a été répondu au point 11 et enfin s'agissant du moyen tiré de la rupture d'égalité devant les charges publiques il y a été également suffisamment répondu à ce même point 17. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative doit, dès lors, être écarté.

4. L'appelante soutient en outre que le mémoire du préfet des Bouches-du-Rhône enregistré le 16 décembre 2019, après clôture de l'instruction, n'aurait pas été visé, et qu'une correspondance du 19 décembre et la note en délibéré du 23 décembre ne lui aurait pas été communiquées. Le vice tenant au défaut de visa du mémoire de la partie adverse arrivé après clôture n'a toutefois pas pu léser les intérêts de l'appelante qui ne peut donc utilement l'invoquer et, en tout état de cause, il n'est pas établi que, pour rendre son jugement, le tribunal administratif se serait fondé sur des éléments du mémoire du préfet du 16 décembre 2019 ou de la note en délibéré qui n'auraient pas préalablement été communiqués aux parties. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité au seul motif que la note en délibéré visée dans le jugement, ainsi que le mémoire du 16 décembre 2019 ne lui ont pas été communiqués, ni que le jugement aurait été rendu public en méconnaissance des exigences du procès équitable prévues par les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aux termes desquelles " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. (...) ". Il résulte de ce qui précède que la SARL Julien n'est pas davantage fondée à soutenir qu'elle aurait été privée du droit à un recours juridictionnel garanti par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 47 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Enfin ni la garantie de ses droits, ni le principe de légalité n'ont été méconnus.

5. Le tribunal n'a pas omis de statuer sur le vice de procédure relatif à l'impossibilité de consulter les pièces du projet de plan et la circonstance alléguée qu'il n'aurait pas correctement repris, visé et analysé les arguments avancés à son soutien n'est pas de nature à entacher le jugement attaqué d'irrégularité.

6. Il résulte de ce qui précède que la SARL Julien n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué du tribunal administratif de Marseille serait irrégulier.

Sur la légalité externe :

7. Aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I. L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que (...) les incendies de forêt (...). / II. Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : / 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; / 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; / 4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs (...) ". Les plans de prévention des risques naturels prévisibles ainsi définis par le législateur ont pour finalité d'assurer la protection civile des populations contre les risques naturels.

8. En premier lieu, la société appelante soutient que l'enquête publique serait irrégulière au motif que certaines pièces du dossier soumis à enquête n'auraient pas été suffisamment rendues accessibles au public, notamment les cartes des enjeux, des enjeux ponctuels et des aléas ainsi que diverses études de références.

9. Aux termes de l'article L. 123-1 du code de l'environnement : " L'enquête publique a pour objet d'assurer l'information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l'élaboration des décisions susceptibles d'affecter l'environnement mentionnées à l'article L. 123-2. Les observations et propositions parvenues pendant le délai de l'enquête sont prises en considération par le maître d'ouvrage et par l'autorité compétente pour prendre la décision ". L'article L. 123-10 précise que l'avis d'ouverture d'enquête publique " précise : (...) l'adresse du ou des sites internet sur lequel le dossier peut être consulté ; le (ou les) lieu (x) ainsi que les horaires où le dossier de l'enquête peut être consulté sur support papier et le registre d'enquête accessible au public ; le ou les points et horaires d'accès où le dossier de l'enquête publique peut être consulté sur un poste informatique ". En l'espèce, l'article 3 de l'arrêté du 19 septembre 2016 d'ouverture de l'enquête publique dispose que " Les pièces du dossier soumis à enquête ainsi que le registre d'enquête (...) seront déposés auprès de la mairie de Tarascon pendant une durée de trente-deux jours consécutifs (...) afin que chacun puisse en prendre connaissance aux jours et heures habituels d'ouverture des bureaux (...) ".

10. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que ces documents essentiels à l'information du public ont été enregistrés sur un CD-ROM déposé dans la salle d'accueil, accompagné d'un bordereau mentionnant son contenu. Comme en atteste le procès-verbal de constat d'huissier, la salle d'accueil du public était dépourvue de poste informatique permettant de consulter ce CD-ROM, consultation qui n'a été rendue possible qu'à l'occasion des 5 jours de permanence tenue par le commissaire enquêteur sur les 32 jours d'enquête, sur son ordinateur personnel et sur demande. L'entier dossier soumis à enquête n'ayant pas été mis à la disposition du public pour sa consultation durant toute la durée de l'enquête publique, ce vice doit être regardé comme ayant entaché la procédure d'irrégularité. Il ressort toutefois de l'examen de ces pièces qu'il s'agissait de documents techniques et volumineux dont le contenu a été synthétisé dans le rapport de présentation consultable en format papier tandis que les cartes d'enjeux et d'aléas ont également été retranscrites en format papier. En outre, le public a été informé sur place de la possibilité de demander la consultation du contenu du CD-ROM les jours de permanence du commissaire. Dans ces conditions, le vice constaté n'a pas eu, dans les circonstances de l'espèce, pour effet de nuire à l'information du public ni été susceptible d'influencer le sens de la décision attaquée du préfet des Bouches-du-Rhône d'approuver le plan de prévention.

11. En deuxième lieu, le moyen relatif à l'insuffisance des conclusions du commissaire-enquêteur doit être écarté comme manquant en fait, ce dernier ayant clairement exposé par un avis motivé son appréciation sur le dossier qui lui était soumis.

12. En dernier lieu, la SARL Julien soutient que le projet n'aurait pas fait l'objet d'une évaluation environnementale alors qu'elle serait justifiée par son incidence possible sur l'environnement.

13. Si le V de l'article L. 122-4 du code de l'environnement, n'exige pas que les plans de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation dont la finalité est d'assurer la protection des populations contre les risques naturels fassent l'objet d'une évaluation de leurs incidences sur l'environnement, les dispositions du II de l'article R. 122-17 du code de l'environnement imposent en revanche qu'ils fassent l'objet d'un examen au cas par cas destiné à déterminer s'ils doivent faire l'objet d'une telle évaluation. Pour ces plans, l'examen au cas par cas est réalisé dans les conditions et formes prévues à l'article R. 122-18 du code de l'environnement, lequel dispose dans sa rédaction applicable au litige que : " I. - Pour les plans, schémas, programmes ou documents de planification faisant l'objet d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas en application du II, du second alinéa du IV ainsi que du V de l'article R. 122-17, l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement détermine, au regard des informations fournies par la personne publique responsable et des critères de l'annexe II de la directive n° 2001/42/ CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, si une évaluation environnementale doit être réalisée. / (...) III. L'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement dispose d'un délai de deux mois à compter de la réception des informations mentionnées au I pour informer, par décision motivée, la personne publique responsable de la nécessité ou non de réaliser une évaluation environnementale. (...) / Cette décision est publiée sur son site internet. Cette décision ou la mention de son caractère tacite figure également dans le dossier soumis à enquête publique ou mis à disposition du public (...) ".

14. Si l'avis sur l'évaluation environnementale des plans et programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement doit être rendu, avant leur approbation ou leur autorisation afin de permettre la prise en compte de ces incidences, par une autorité compétente et objective en matière d'environnement, cette autorité est distincte de celle chargée de procéder à la détermination de la nécessité d'une évaluation environnementale par un examen au cas par cas. Aucune règle ni aucun principe ne fait obstacle à ce que l'autorité chargée de procéder à cet examen au cas par cas soit celle compétente pour approuver le plan, sous réserve toutefois qu'elle ne soit pas chargée de son élaboration.

15. Il résulte de la combinaison de l'article L. 562-3 du code de l'environnement selon lequel le plan de prévention des risques naturels est approuvé par arrêté préfectoral et du tableau annexé à l'article R. 122-17 dans sa version issue de l'article 1er du décret du 2 mai 2012, que le préfet de département, par ailleurs compétent pour approuver le plan de prévention des risques naturels, était chargé d'effectuer l'examen au cas par cas propre à ce type de plans, destiné à déterminer s'ils devaient faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences sur l'environnement. Toutefois, par ses décisions n° 360212 du 26 juin 2015 et 3 novembre 2016, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé les dispositions du 2° du II de l'article R. 122-17 du code de l'environnement dans la mesure où ces dispositions confiaient à la même autorité administrative de l'État la compétence pour élaborer et approuver les plans de prévention des risques naturels et la compétence pour décider d'un examen au cas par cas sans prévoir de disposition de nature à garantir que cette dernière compétence en matière environnementale serait exercée, au sein de cette autorité, par une entité disposant d'une autonomie effective.

16. D'une part, il résulte de ce qui précède, qu'en l'absence de disposition législative ou réglementaire applicable prévoyant un dispositif propre à garantir que dans le cas où le projet de plan de prévention est élaboré sous l'autorité d'un préfet de département puis approuvé par ce même préfet, la compétence en matière environnementale chargé de l'examen au cas par cas soit exercée par une entité interne disposant d'une autonomie réelle à son égard, il appartient au juge du fond de rechercher si la décision de dispenser un plan de prévention des risques naturels prévisibles de la nécessité d'une évaluation environnementale a été prise dans des conditions répondant à des critères d'objectivité et d'impartialité.

17. D'autre part, aux termes de l'article 1er du décret du 27 février 2009 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales de l'environnement de l'aménagement : " La direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement exerce les missions définies à l'article 2, sous l'autorité du préfet de région et sous l'autorité fonctionnelle du préfet de département pour les missions relevant de sa compétence ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Dans la région, sous l'autorité du préfet de région, et sous réserve des compétences du préfet de département et des compétences attribuées à d'autres services ou établissements publics de l'Etat, la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement assure les missions suivantes : / 1° Elle est chargée d'élaborer et de mettre en œuvre les politiques de l'Etat en matière d'environnement, de développement et d'aménagement durables, notamment dans les domaines (...) de la connaissance et de l'évaluation environnementales (...) ".

18. En l'espèce, il n'est pas établi que le projet de plan de prévention aurait fait l'objet d'un examen au cas par cas s'agissant de la question de le soumettre ou non à une évaluation environnementale et, à supposer que le préfet aurait implicitement mais nécessairement procédé à cet examen et estimé qu'il ne devait pas y être soumis, cet examen par l'autorité en charge d'élaborer et d'approuver le plan n'aurait pas été effectué dans les conditions règlementaires et cette irrégularité entache l'arrêté préfectoral attaqué d'illégalité.

Sur la légalité interne :

19. En premier lieu, la SARL Julien soutient que l'instauration du PPR " inondation " porterait une atteinte au droit de propriété en violation de l'article 1 du protocole additionnel n° 1 et de l'article 8 de la CEDH mais aussi des principes de libre administration des collectivités territoriales et d'égalité devant les charges publiques.

20. La limitation à ces divers droits fondamentaux ou principes conventionnels et constitutionnels est possible dès lors qu'elle est justifiée par l'intérêt général. En l'espèce, l'invocation de ces conventions et principes n'est pas de nature à remettre en cause le bien-fondé des servitudes imposées par le plan de prévention des risques de Tarascon au regard des risques existants pesant sur la vie et les biens des personnes en cas de survenue de l'aléa, situation constitutive d'un risque manifestement excessif pour la sécurité publique, que l'autorité administrative doit toujours veiller à faire respecter en effectuant une balance des intérêts en présence. La SARL ne saurait en outre se prévaloir d'une rupture d'égalité devant les charges publiques dès lors que chaque propriétaire est soumis, dans des proportions justifiées par l'objectif d'intérêt général poursuivi, à des règles différentes du plan, édictées en fonction de la situation différente de sa propriété sur le territoire couvert par le plan et exposée de ce fait, à un aléa différent et à une possibilité différente à la fois de prévenir et de limiter les conséquences de la réalisation du risque.

21. En deuxième lieu, la SARL Julien soutient que la crue de référence retenue repose sur des faits matériellement inexacts, sur une erreur de qualification juridique des faits et sur une erreur manifeste. En outre, le PPRI constituerait une ingérence non justifiée dans l'exercice de droits garantis et méconnaîtrait le principe de juste équilibre entre l'intérêt général et la sauvegarde des droits des administrés.

22. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'estimation du débit et de la durée de la crue de référence sont conformes au consensus scientifique. Il ressort notamment du rapport de présentation que le risque d'inondation, en prévention duquel a été conçu le plan litigieux, est celui du retour de crues d'une ampleur comparable à celle de 1856 dont le débit est évalué à 12 500 m3/s. L'ampleur de cette crue, qui ne peut être déterminée avec une exacte précision, est admise par la plupart des études produites au dossier, même si certains documents retiennent un débit inférieur de 12 000 m3/s, voire de 11 640 m3/s, lequel en toute hypothèse reste plus important que celui de la crue de 2003. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet aurait entaché sa décision d'illégalité en retenant les inondations de 1856 comme crue de référence avec un débit de 12 500 m3/s, ne peut être accueilli dès lors qu'en 2003 est survenue une inondation d'un débit quasi-équivalent.

23. S'agissant des ouvrages de protection, les études produites au dossier établissent que, mis à part les secteurs du massif de la Montagnette, la totalité de la superficie de la commune est située en zone inondable. Il ressort également de ces études, en particulier du rapport du conseil général de l'environnement et du développement durable, que le territoire communal est exposé à d'autres débordements que ceux du Rhône, en provenance de la Durance et du bassin du Vigueirat. A supposer même que l'administration ait sous-estimé la capacité de la digue de la Montagnette à résister à un évènement comparable à la crue de référence, cet ouvrage, ainsi que la digue construite par la Compagnie Nationale du Rhône, sont situés au nord de la commune et n'offrent donc qu'une protection partielle du territoire communal. Par suite, le moyen invoqué tiré de la non-prise en compte des ouvrages de protection doit être écarté.

24. Ainsi qu'il a été dit au point 22 il ressort des pièces du dossier que le zonage réglementaire du PPRI de Tarascon se fonde sur les données acquises par consensus scientifique et vise, dans le cadre des dispositions législatives existantes, à prévenir un phénomène naturel de crue. Il ne ressort d'aucun élément du dossier que le PPRI en litige résulterait de la création d'un phénomène de crue annoncée de manière " alarmiste " par les pouvoirs publics sur le secteur considéré. En outre, il n'est pas établi que le PPRI anticiperait pour établir son zonage sur les conséquences des aménagements futurs envisagés par le Symadrem dans le cadre du Plan Rhône. Dans ces conditions, le moyen tiré d'une erreur de droit, d'une violation de la loi ou d'une erreur manifeste doit être écarté.

25. Enfin, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi.

26. Il résulte de tout ce qui précède que le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation de la commune de Tarascon approuvé par l'arrêté en litige du 9 février 2017 du préfet des Bouches-du-Rhône est seulement entaché du vice relatif au défaut d'examen au cas par cas s'agissant de la question de le soumettre ou non à une évaluation environnementale.

Sur la régularisation du vice de procédure entachant le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation :

27. Aux termes de l'article L. 191-1 du code de l'environnement issu de l'article 32 de la loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat : " Si le juge administratif, saisi de conclusions dirigées contre un plan ou programme mentionné au 1° de l'article L. 122-5, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'une illégalité entachant l'élaboration, la modification ou la révision de cet acte est susceptible d'être régularisée, il peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation et pendant lequel le plan ou programme reste applicable. Si la régularisation intervient dans le délai fixé, elle est notifiée au juge, qui statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ". Ces dispositions, qui instituent des règles de procédure concernant exclusivement les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux des plans ou programmes mentionnés au 1° de l'article L. 122-5 du code de l'environnement, sont, en l'absence de dispositions expresses contraires, d'application immédiate aux instances en cours.

28. Ces dispositions permettent au juge, même pour la première fois en appel, lorsqu'il constate un vice qui entache la légalité d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, mais qui peut être régularisé par un arrêté d'approbation modificatif, de rendre un jugement avant dire droit par lequel il fixe un délai pour cette régularisation et sursoit à statuer sur le recours dont il est saisi. Le juge peut préciser, par son jugement avant dire droit, les modalités de cette régularisation, qui implique l'intervention d'une décision corrigeant le vice dont est entachée l'arrêté attaqué. Un vice de procédure, dont l'existence et la consistance sont appréciées au regard des règles applicables à la date de l'arrêté attaqué, doit en principe être réparé selon les modalités prévues à cette même date. Si ces modalités ne sont pas légalement applicables, notamment du fait de l'illégalité des dispositions qui les définissent, il appartient au juge de rechercher si la régularisation peut être effectuée selon d'autres modalités, qu'il lui revient de définir en prenant en compte les finalités poursuivies par les règles qui les ont instituées et en se référant, le cas échéant, aux dispositions en vigueur à la date à laquelle il statue.

29. En l'espèce, le vice consistant en l'absence d'examen au cas par cas du projet en vue de le soumettre éventuellement à une évaluation environnementale qui affecte la décision en litige peut être réparé par la consultation, à titre de régularisation, d'une autorité présentant les garanties d'objectivité requises.

30. Aux termes du 2° du II de l'article R. 122-17 du code de l'environnement dans sa version en vigueur à la date du présent arrêt, les plans de prévention des risques naturels prévisibles prévus par l'article L. 562-1 du code de l'environnement sont au nombre des plans et programmes susceptibles de faire l'objet d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas. Selon le 1° du IV du même article, pour les plans et programmes soumis à évaluation environnementale en application du II, l'autorité environnementale est la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable pour les plans et programmes mentionnés au 2° du II. Enfin, l'article R. 122-18 du code de l'environnement prévoit désormais que : " Pour les plans, schémas, programmes ou documents de planification faisant l'objet d'une évaluation environnementale après un examen au cas par cas en application du II ( ...) de l'article R. 122-17, l'autorité environnementale détermine, au regard des informations fournies par la personne publique responsable et des critères de l'annexe II de la directive n° 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 relative à l'évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l'environnement, si une évaluation environnementale doit être réalisée (...) ".

31. Il résulte des dispositions énoncées au point précédent que l'autorité administrative de l'Etat compétente pour procéder à l'examen au cas par cas des plans de prévention des risques naturels prévisibles est donc désormais la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable. Cette formation constitue une entité administrative de l'Etat, séparée de l'autorité compétente pour approuver les plans de prévention des risques naturels prévisibles, disposant d'une autonomie réelle la mettant en mesure de décider objectivement si une évaluation environnementale des incidences de ces plans doit être réalisée. Dans la mesure où les modalités prévues à la date de l'arrêté attaqué ne sont pas applicables compte tenu de leur illégalité, le vice de procédure peut ainsi être réparé par une décision de la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable sur la nécessité d'une telle évaluation.

32. Si, au regard des informations fournies par le préfet des Bouches-du-Rhône et des critères de l'annexe II de la directive n° 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable décide que le plan en litige doit faire l'objet d'une évaluation environnementale, celle-ci devra être réalisée et portée à la connaissance du public et faire l'objet d'une enquête publique comme l'imposait à la date de l'arrêté en litige les dispositions de l'article L. 562-3 du code de l'environnement ainsi que d'une consultation des conseils municipaux et organismes intéressés. Au vu des résultats de cette nouvelle enquête et de ces consultations, le préfet des Bouches-du-Rhône pourra décider de procéder à l'édiction d'un arrêté modificatif régularisant le vice entachant la procédure initiale.

33. Si la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable décide de dispenser d'évaluation environnementale le plan en litige, l'information du public et des organismes précédemment cités sur la nouvelle décision de l'autorité environnementale prendra la forme d'une mise en ligne sur le site internet de la préfecture des Bouches-du-Rhône ou, à défaut, sur celui de l'autorité environnementale saisie à cet effet. Le préfet des Bouches-du-Rhône pourra décider de procéder à l'édiction d'un arrêté modificatif régularisant le vice initial lié à l'irrégularité retenue par la Cour.

34. Dans l'hypothèse où, comme rappelé au point précédent, le préfet devrait organiser une simple procédure d'information de la décision prise par la formation d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable avant de décider de prendre un arrêté de régularisation, il sera sursis à statuer sur la présente requête, pendant un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu'à ce que le préfet des Bouches-du-Rhône ait transmis à la Cour l'arrêté de régularisation pris à la suite de cette procédure.

35. Dans l'hypothèse où, comme rappelé au point 32, le préfet devrait organiser de nouvelles consultations et une nouvelle enquête publique, il sera sursis à statuer sur la présente requête, pendant un délai de douze mois à compter de la notification du présent arrêt, jusqu'à ce que le préfet des Bouches-du-Rhône ait transmis à la Cour l'arrêté de régularisation pris à la suite de cette procédure d'instruction et d'enquête publique.

D É C I D E :

Article 1er : En application de l'article L. 191-1 du code de l'environnement, il est sursis à statuer sur la requête de la SARL Julien jusqu'à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ou de douze mois en cas de reprise des consultations, en vue de l'édiction des mesures de régularisation prises selon les modalités mentionnées aux points 31 à 35.

Article 2 : Le préfet des Bouches-du-Rhône fournira à la Cour (greffe de la 7ème chambre), au fur et à mesure de leur accomplissement, les actes entrepris en vue de la régularisation prévue à l'article précédent.

Article 3 : Tous droits et conclusions des parties, sur lesquels il n'a pas été statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Julien et à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2022, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Prieto, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juin 2022.

N° 20MA01429 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01429
Date de la décision : 24/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement.

Nature et environnement - Divers régimes protecteurs de l`environnement - Prévention des crues - des risques majeurs et des risques sismiques.

Procédure - Pouvoirs et devoirs du juge - Questions générales - Sursis à statuer.

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : FIELOUX

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-24;20ma01429 ?
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