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23/06/2022 | FRANCE | N°20MA01343

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 23 juin 2022, 20MA01343


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Allauch à lui verser la somme de 1 357 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité du retrait des permis de construire qui lui avaient été délivrés le 19 août 2009 et le 5 février 2010.

Par un jugement n° 1702966 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 mar

s 2020 et le 14 septembre 2020, M. A..., représenté par la SCP Bérenger, Blanc, Burtez-Doucède et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune d'Allauch à lui verser la somme de 1 357 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité du retrait des permis de construire qui lui avaient été délivrés le 19 août 2009 et le 5 février 2010.

Par un jugement n° 1702966 du 23 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 mars 2020 et le 14 septembre 2020, M. A..., représenté par la SCP Bérenger, Blanc, Burtez-Doucède et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner la commune d'Allauch à lui verser la somme de 1 357 000 euros, à titre subsidiaire, de 500 000 euros, en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité du retrait des permis de construire qui lui avaient été délivrés le 19 août 2009 et le 5 février 2010, avec intérêts à compter de la demande préalable et capitalisation ;

3°) en tout état de cause, de condamner la commune d'Allauch à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Allauch la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- le choix de déposer une nouvelle demande de permis de construire en 2015 ne constitue pas une faute de sa part ;

- il justifie d'engagements souscrits par de futurs acquéreurs de nature à établir le caractère certain de son préjudice ;

- l'impossibilité de financer le projet initial est due à la faute de la commune ;

- la faute de la commune est à l'origine d'un manque à gagner qui s'élève à 1 357 000 euros ;

- le préjudice lié à l'immobilisation du terrain acquis s'élève à 500 000 euros ;

- le préjudice moral doit être réparé à hauteur de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 juillet 2020, la commune d'Allauch, représentée par Me Xoual, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... de la somme de 1 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Izarn de Villefort,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Claveau de la SCP Berenger-Blanc-Burtez-Doucede et Associés, représentant M. A..., et de Me Garnier substituant Me Xoual, représentant la commune d'Allauch.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 19 août 2009, rectifié le 7 avril 2010, le maire d'Allauch a délivré à M. A... un permis de construire en vue de la réalisation, sur un terrain cadastré AH n° 407, 425 et 475 situé chemin de Saint-Euphémie, d'un immeuble composé de 6 logements d'une surface hors œuvre nette de 192 m². Par arrêté du 5 février 2010, rectifié le 7 avril 2010, il a accordé à M. A... un second permis de construire l'autorisant à édifier deux villas mitoyennes d'une surface hors œuvre nette de 198 m² sur le même terrain, duquel avait été détaché une parcelle de 225 m² supportant la construction autorisée par le permis de construire accordé le 19 août 2009. Par deux arrêtés du 7 juillet 2010, il a cependant prononcé le retrait de ces deux permis de construire. Sur la demande de M. A..., le tribunal administratif a, par deux jugements du 4 octobre 2012, confirmés par la Cour par deux arrêts du 16 décembre 2014, annulé ces arrêtés du 7 juillet 2010 au motif qu'ils étaient intervenus au-delà du délai de trois mois prévu par l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, sans qu'aucune fraude ne puisse être imputée au pétitionnaire. A la suite d'une nouvelle demande déposée par M. A... le 9 octobre 2014, le maire d'Allauch a, par un arrêté du 10 février 2015, délivré à ce dernier un permis de construire valant division pour la construction de six villas sur le terrain précité. M. A... relève appel du jugement du 23 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Allauch à lui verser la somme de 1 357 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'illégalité des deux arrêtés de retrait du 7 juillet 2010.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué comporte toutes les signatures requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Ainsi, le jugement n'est pas entaché de l'irrégularité alléguée par M. A....

Sur les conclusions indemnitaires :

3. En retirant illégalement les permis de construire délivrés à M. A... le 19 août 2009 et le 5 février 2010, le maire d'Allauch a commis des fautes qui sont de nature à engager la responsabilité de la commune envers l'intéressé.

4. En premier lieu, M. A... demande à titre principal réparation du préjudice financier correspondant au manque à gagner évalué à 1 357 000 euros correspondant à la différence entre le produit de la vente des six maisons faisant l'objet du permis de construire délivré le 10 février 2015, soit après déduction des dépenses engendrées par l'opération, 257 000 euros, et le produit de l'opération qu'il avait envisagée à l'origine, soit 1 612 000 euros, qu'il n'a pu mener à bien par suite, selon lui, des fautes commises par la commune d'Allauch. Il expose qu'il comptait initialement vendre les deux terrains à bâtir concernés par le permis de construire du 5 février 2010, puis demander et obtenir un nouveau permis de construire quatre maisons individuelles sur le même terrain, après majoration prévue du coefficient d'occupation des sols fixée dans la zone par le plan local d'urbanisme, le produit de la vente de ces maisons permettant alors de financer la construction de l'immeuble de six logements autorisé par le permis délivré le 19 août 2009 puis de vendre ces derniers.

5. M. A... produit copie d'une offre d'acquisition de l'un des deux terrains à bâtir formulée par des particuliers au prix de 173 000 euros le 28 mai 2010 et d'un courrier de l'agent immobilier titulaire d'un mandat de vente depuis le début du mois de mai 2010 mentionnant que la demande était très forte pour ce type de produit. En revanche, s'il produit copie d'un contrat d'architecte et d'un contrat de construction conclus en avril 2009 et en juillet 2009 pour l'édification de l'immeuble de six logements autorisé par le permis délivré le 19 août 2009, il ne justifie ni même n'allègue avoir cherché à exécuter ce permis dans la mesure où, ainsi qu'il a été exposé au point précédent, cette construction ne devait, selon ses dires, intervenir et être financée qu'après l'obtention d'un permis de construire quatre maisons individuelles, l'exécution de celui-ci et la vente de ces maisons. En outre, postérieurement aux jugements du tribunal administratif de Marseille du 4 octobre 2012 annulant les arrêtés du 7 juillet 2010 retirant les permis du 19 août 2009 et du 5 février 2010, le requérant n'a ni cherché à vendre à nouveau les deux terrains précités, ni à mettre en œuvre le permis du 19 août 2009 mais a opté pour un nouveau projet en déposant une demande de permis de construire le 9 octobre 2014, soit deux ans plus tard. Eu égard aux délais écoulés, il ne peut justifier ce changement par la péremption des deux permis de construire rétablis par l'effet des jugements précités. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que, déjà propriétaire des parcelles cadastrées AH n° 407 et n° 425, M. A... avait acquis, le 24 mars 2010, par l'intermédiaire de la société civile de construction-vente qu'il avait constituée, la parcelle contigüe cadastrée AH n° 475 au prix de 310 000 euros. Il avait financé cette acquisition au moyen d'un apport en compte courant d'associé souscrit au nom de cette société auprès de la société Transinvest SC, le 23 mars 2010, et avait à ce titre bénéficié d'une avance de fonds à rembourser dans un délai de quatre mois seulement. Il avait également emprunté la somme de 171 260 euros à ses parents. Comme il l'indique lui-même, son activité professionnelle ne lui avait procuré qu'un revenu de 12 000 euros en 2008 et il était débiteur à l'égard de son épouse divorcée d'une soulte d'un montant de 138 807 euros avec intérêts à la suite d'un jugement du 22 octobre 2009. Il évalue à 416 000 euros et à 240 000 euros le coût de la construction, respectivement, des quatre maisons envisagées et de l'immeuble de six logements autorisé par le permis délivré le 19 août 2009, s'ajoutant à des dépenses diverses de 211 000 euros au total. M. A..., qui dès l'engagement de l'opération immobilière envisagée, ne disposait pas des fonds nécessaires à sa réalisation, n'est donc pas fondé à soutenir que l'illégalité des arrêtés du 7 juillet 2010 est à l'origine de la réduction de ses capacités financières et de la majoration des coûts de toute nature liés à l'écoulement du temps et au changement de circonstances qui expliqueraient selon lui la présentation d'un projet réduit dans son ampleur. Par suite, le préjudice financier décrit au point 4, qui ne trouve pas sa cause directe dans l'illégalité des arrêtés du 7 juillet 2010 n'est pas indemnisable.

6. En deuxième lieu, M. A... n'établit, ni même n'allègue que le prêt parental de 171 260 euros évoqué au point 8 a donné lieu à des frais financiers. S'il résulte de l'instruction que l'absence de remboursement dans le délai imparti de l'avance de fonds consentie par la société Transinvest emportait l'application d'un taux d'intérêt annuel de 6 % par an, ne sont justifiés ni le remboursement de la somme avancée, ni le paiement de ces intérêts, alors d'ailleurs que seule la société civile de construction-vente qu'il avait constituée en était redevable. En outre, il n'est pas établi que la caution personnelle du requérant ait été engagée. Dans ces conditions, le préjudice lié à l'immobilisation du terrain acquis en 2010, dont il demande réparation à titre subsidiaire à hauteur de 500 000 euros, est dépourvu du caractère certain qui est requis pour qu'il soit indemnisable.

7. En troisième lieu néanmoins, M. A... a éprouvé un préjudice moral consécutivement aux divers tracas résultant du retrait illégal des permis de construire qui lui avaient été délivrés. Ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 2 000 euros tous intérêts compris.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la commune d'Allauch demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Allauch une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 23 janvier 2020 est annulé.

Article 2 : La commune d'Allauch est condamnée à verser à M. A... la somme de 2 000 euros tous intérêts compris.

Article 3 : La commune d'Allauch versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... et les conclusions de la commune d'Allauch au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la commune d'Allauch.

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2022.

N° 20MA01343 2

nb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01343
Date de la décision : 23/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

60-02-05-01 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Services de l'urbanisme. - Permis de construire.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Philippe D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : XOUAL

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-23;20ma01343 ?
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