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23/06/2022 | FRANCE | N°20MA00350

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 23 juin 2022, 20MA00350


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 18 avril 2017 par lequel le maire de Roquevaire a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de l'édification d'une maison d'habitation et d'un garage sur un terrain situé impasse des Cigales, ainsi que la décision rejetant le recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer le permis de construire sollicité, d'autre part, de condamner la commu

ne de Roquevaire à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des préju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 18 avril 2017 par lequel le maire de Roquevaire a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de l'édification d'une maison d'habitation et d'un garage sur un terrain situé impasse des Cigales, ainsi que la décision rejetant le recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté, et d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer le permis de construire sollicité, d'autre part, de condamner la commune de Roquevaire à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis.

Par un jugement n° 1706170 du 25 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé les décisions contestées et enjoint au maire de Roquevaire de délivrer à M. C... le permis de construire sollicité, avant de rejeter les conclusions indemnitaires de l'intéressé.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 28 janvier 2020, la commune de Roquevaire, représentée par Me Vaillant, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 25 novembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de M. C... ;

3°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande d'annulation présentée en première instance était tardive ;

- le motif de refus fondé sur les articles R. 111-2 du code de l'urbanisme et UD 3 du règlement du plan d'occupation des sols est fondé, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal ;

- le permis de construire sollicité ne pouvait être délivré sous réserve du respect de prescriptions spéciales dès lors que de telles prescriptions ne présenteraient pas un caractère limité.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 janvier 2022, M. C..., représenté par Me Coque, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Roquevaire au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- sa demande d'annulation de première instance n'était pas tardive ;

- les moyens invoqués par la commune de Roquevaire ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- et les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de Roquevaire ne s'est pas opposé, le 5 octobre 2010, à la déclaration préalable de division parcellaire déposée par M. C... en vue de la création de quatre lots à bâtir sur une parcelle alors cadastrée section AH n° 208 et située dans le quartier de la Roumiguière. Par un arrêté du 18 avril 2017, le maire de Roquevaire a refusé de délivrer le permis de construire sollicité par M. C... en vue de l'édification d'une maison d'habitation et d'un garage sur la parcelle cadastrée section AH n° 487, issue de cette division. Par un jugement n° 1706170 du 25 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a annulé cet arrêté, ainsi que la décision rejetant le recours gracieux formé à son encontre, et enjoint au maire de Roquevaire de délivrer à M. C... le permis de construire ainsi sollicité, avant de rejeter les conclusions indemnitaires de l'intéressé. La commune de Roquevaire doit être regardée comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a fait droit aux conclusions à fin d'annulation et d'injonction présentées par M. C....

Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation présentées en première instance :

2. Aux termes de l'article L. 110-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent code les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées à l'administration ". L'article L. 112-3 du même code prévoit que : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception (...) ". Son article L. 112-6 dispose que : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. / Le défaut de délivrance d'un accusé de réception n'emporte pas l'inopposabilité des délais de recours à l'encontre de l'auteur de la demande lorsqu'une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l'expiration du délai au terme duquel est susceptible de naître une décision implicite ". Selon le premier alinéa de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

3. Il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les délais de recours de droit commun contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, soit dans sa notification si la décision est expresse, soit dans l'accusé de réception de la demande l'ayant fait naître si elle est implicite. Il en va ainsi, y compris lorsque la décision, prise à la suite de l'exercice d'un recours gracieux qui n'est pas un préalable obligatoire au recours contentieux, ne se substitue pas à la décision qui a fait l'objet de ce recours.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a successivement formé, au cours du mois de mai 2017, deux recours gracieux à l'encontre notamment de l'arrêté du 18 avril 2017 contesté dans la présente instance, lequel comportait les mentions prévues par l'article R. 421-5 du code de justice administrative. Ces recours gracieux, qui ont été présentés avant l'expiration du délai de recours contentieux, ont été expressément rejetés par des décisions des 8 et 26 juin 2017, lesquelles ne mentionnent pas les voies et délais de recours et dont la commune de Roquevaire n'établit pas la date de notification. Dans ces conditions, le délai de recours contentieux de droit commun de deux mois n'est pas opposable à la demande de M. C... enregistrée le 1er septembre 2017 au greffe du tribunal administratif de Marseille. Par suite, la commune de Roquevaire, qui se prévaut vainement du caractère prétendument confirmatif de la décision du 26 juin 2017, n'est pas fondée à soutenir que la demande de première instance de M. C... était tardive.

Sur la légalité de l'arrêté de refus de permis de construire en litige :

5. Pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité par M. C... sur le fondement des dispositions de l'article UD 3 du règlement du plan d'occupation des sols de Roquevaire et de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, le maire de de Roquevaire a d'abord estimé que le projet litigieux " est de nature à augmenter de manière significative la circulation " dans le quartier de la Roumiguière " alors que la voie de desserte supporte déjà le trafic généré par les riverains sur un parcours étroit dont la largeur est en maints endroits insuffisante pour permettre à des véhicules de se croiser dans des conditions de sécurité suffisante ". Il a ensuite précisé que cette voie d'une " largeur utilisable " de 3,5 mètres en moyenne " se réduit considérablement à l'angle de l'impasse de la Dime du fait de la présence d'une construction située en bordure de la voie ", que " ce rétrécissement portant la voie à 3 mètres est de nature à limiter le rayon de braquage des véhicules de secours " et qu'il ne permet pas le passage de ces véhicules. Il a enfin relevé que " les aménagements prévus au droit de la parcelle restent insuffisants pour répondre de manière satisfaisante au problème circulatoire ".

6. D'une part, aux termes de l'article UD 3 du règlement du plan d'occupation des sols de Roquevaire, document d'urbanisme applicable au projet litigieux compte tenu de la délivrance d'un certificat d'urbanisme opérationnel au pétitionnaire le 6 décembre 2016 : " Les accès et voiries doivent présenter les caractéristiques permettant de satisfaire les exigences de sécurité de défense contre l'incendie, de sécurité civile et de ramassage des ordures ménagères. / Les dimensions, formes, caractéristiques techniques des accès, voiries publiques ou privées doivent être adaptées aux usages qu'ils supportent ou aux opérations qu'ils desservent. / Les voies privées se terminant en impasse doivent être aménagées de telle sorte qu'une aire de retournement puisse être aménagée et que les véhicules puissent faire demi-tour (...) ". Ces dispositions, en tant qu'elles concernent la voirie, sont relatives à l'aménagement des voies nouvelles et n'ont pas pour objet de définir les conditions de constructibilité des terrains situés dans la zone concernée. Elles ne font dès lors pas obstacle à la délivrance d'un permis de construire en vue de l'édification d'une maison d'habitation desservie par des voies construites avant leur adoption.

7. D'autre part, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". En vertu de ces dispositions, lorsqu'un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l'autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu'il n'est pas légalement possible, au vu du dossier et de l'instruction de la demande de permis, d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, permettraient d'assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l'administration est chargée d'assurer le respect.

8. La commune de Roquevaire fait valoir que la parcelle d'assiette du projet avait vocation, à la date de l'arrêté attaqué, à être classée en zone bleue B1 du plan de prévention des risques d'incendie de forêt, zone identifiée par ce plan alors en cours d'élaboration comme exposée à un aléa moyen à fort, et que la voie de desserte du terrain ne répond pas aux exigences de sécurité adaptées au risque prévisible d'incendie. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier, en dépit du risque ainsi identifié, que l'impasse des Cigales, voie desservant directement le terrain d'assiette, rejoignant à l'ouest le chemin de la Roumiguière et s'inscrivant dans un secteur urbanisé de la commune de Roquevaire, présenterait des caractéristiques insuffisantes pour assurer la desserte de la construction projetée dans des conditions de sécurité satisfaisantes. A cet égard, si le document intitulé " Fiche de contrôle pompier et service technique " établi au mois d'avril 2017 fait état du resserrement du chemin de la Roumiguière au niveau de son croisement avec l'impasse de la Dime, il ressort des mentions, non contredites, du constat d'huissier produit par M. C..., ainsi d'ailleurs que des termes mêmes de l'arrêté attaqué, que la largeur de ce chemin n'est pas inférieure à trois mètres à cet endroit. Dans ces conditions, il n'apparaît pas que le rétrécissement ponctuel de la voie en cause serait susceptible de faire obstacle au passage des véhicules de secours et de lutte contre l'incendie ou de réduire l'efficacité de leur intervention en direction de l'impasse des Cigales. Il n'est pas établi que cette voie de desserte existante, d'une largeur minimale de trois mètres, serait insuffisante au regard de la circulation actuelle et de celle induite par l'édification de la maison d'habitation projetée. Par ailleurs, un refus de permis de construire ne peut être fondé sur les conditions générales de la circulation dans le secteur d'implantation d'un projet de construction, dès lors que les conditions dans lesquelles la construction envisagée est directement desservie apparaissent, comme en l'espèce, suffisantes. Enfin, à supposer même que le projet litigieux rende nécessaire la réalisation d'aménagements, et notamment d'une aire de croisement des véhicules empiétant sur la parcelle cadastrée section AH n° 209, laquelle aire de croisement est envisagée par le pétitionnaire au vu du dossier de demande de permis de construire, il était loisible au maire de Roquevaire, le cas échéant, d'assortir le permis de construire sollicité par M. C... d'une ou plusieurs prescriptions relatives aux aménagements en cause, en tenant compte des éléments relatifs au risque d'incendie dont il avait connaissance à la date de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, en refusant de délivrer le permis de construire sollicité pour les raisons exposées aux points 5, le maire de Roquevaire a fait une inexacte application des dispositions citées ci-dessus.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Roquevaire n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé l'arrêté de refus de permis de construire en litige du 18 avril 2017, ainsi que la décision rejetant le recours gracieux formé à son encontre, et a enjoint à son maire de délivrer le permis de construire sollicité par M. C....

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune de Roquevaire, partie perdante dans la présente instance, tendant au remboursement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Roquevaire la somme de 1 000 euros à verser à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Roquevaire est rejetée.

Article 2 : La commune de Roquevaire versera une somme de 1 000 euros à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Roquevaire et à M. A... C....

Délibéré après l'audience du 9 juin 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 juin 2022.

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N° 20MA00350

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00350
Date de la décision : 23/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Nature de la décision. - Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: M. Raphaël MOURET
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : VAILLANT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-23;20ma00350 ?
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