La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/2022 | FRANCE | N°18MA01903

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 23 juin 2022, 18MA01903


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1501051 du 20 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, réduit la base de l'impôt sur le revenu assigné à M. et Mme B... au titre de l'année 2008 d'une somme de 810 996

euros et de la somme résultant de la remise en cause par l'administration fiscale d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1501051 du 20 décembre 2017, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, réduit la base de l'impôt sur le revenu assigné à M. et Mme B... au titre de l'année 2008 d'une somme de 810 996 euros et de la somme résultant de la remise en cause par l'administration fiscale de l'imputation de la moins-value d'un montant de 813 974 euros constatée lors de la cession de 2 142 parts sociales par M. B... à la SA Bergerat Monnoyeur Location sur les plus-values de même nature réalisées au cours de l'année 2008, d'autre part, déchargé, en droits et pénalités, en conséquence les intéressés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à cette réduction, et, enfin, rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 avril 2018, 23 juillet 2018 et 6 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2017 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme B... les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2018, ainsi que les pénalités y afférentes, à hauteur du montant total de 448 289 euros.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les 2 142 actions de la société par actions simplifiée (SAS) Entreprise B... cédées par M. B... étaient celles qu'il avait reçues en donation de son frère C... ;

- la cession portée sur le registre de comptes de titres de la société Entreprise B..., n'a pas de date certaine dès lors que la copie produite ne comporte pas le cachet du tribunal de commerce ;

- M. B... ne peut justifier avoir fait don de 2 142 actions acquises à l'origine au prix de 2,81 euros à son épouse et son fils, alors que la donation de 2 142 actions par son frère d'une valeur de 1 400 euros chacune est concomitante ;

- il renonce à la procédure de répression de l'abus de droit, s'agissant des 893 actions données par M. B... à son épouse puis, cédées à la société anonyme (SA) Bergerat Monnoyeur Location, et demande à la Cour d'y substituer la procédure contradictoire, pour recalculer la plus-value totale en appliquant la méthode du prix moyen pondéré au prix d'acquisition des actions cédées ;

- une erreur a été commise dans le calcul du prix moyen d'acquisition car seules les 2 425 actions acquises à l'origine par M. B... ont été prises en compte au lieu des 7 425 qu'il a effectivement acquises avant de les céder à la SA Bergerat Monnoyeur Location ;

- ainsi, le prix d'acquisition unitaire moyen des actions de la SAS Entreprise B... détenues par M. A... B... doit être calculé en prenant en compte les 7 425 actions détenues depuis l'origine, pour une valeur de 2,81 euros et les 2 142 actions reçues de G...pour une valeur de 1 400 euros, ce qui aboutit à la valeur moyenne d'acquisition pondérée de 389,77 euros ;

- M. B... a réalisé une plus-value totale de 2 846 853 euros tandis que Mme B... justifie d'une moins-value de 521 573 euros, ce qui aboutit à une plus-value imposable du foyer fiscal de 2 325 280 euros ; cependant, l'administration est tenue par les montants indiqués dans la dernière pièce de procédure et mis en recouvrement, soit 448 289 euros ;

- les époux B... ont omis de déclarer la plus-value précitée et, par suite, la majoration de 40 % pour manquement délibéré est justifiée ; elle entend substituer cette pénalité à celle de 80 % pour abus de droit ;

- le dégrèvement du 29 mai 2018 qui a été prononcé en exécution du jugement contesté ne saurait être regardé comme une prise de position formelle de l'administration au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- si la Cour devait rejeter la substitution de base légale sollicitée, elle requiert le bénéfice de la compensation au titre de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, dans la limite des montants mis en recouvrement.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 juin 2018 et 27 février 2019, M. et Mme B... concluent au rejet de la requête et à la réformation du jugement contesté, en ce qui concerne l'erreur de droit commise par les premiers juges, s'agissant de la méthode du prix moyen pondéré appliquée pour le calcul du prix d'acquisition des actions cédées, ainsi qu'à la mise à la charge de l'Etat du versement de la somme de 15 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- l'administration fiscale n'est pas recevable à remettre en cause le calcul de la plus-value déclarée par M. B... au titre des 2 142 actions de la société Entreprise B... ; elle excède ainsi le quantum fixé par la réclamation formulée par les contribuables par courrier du 29 janvier 2014 ; il en est de même de la majoration pour manquement délibéré, laquelle ne figurait pas sur les avis de mise en recouvrement ni dans leur réclamation ;

- en tout état de cause, les premiers juges ont pu à bon droit juger que la donation des 2 142 parts de G...à son frère est intervenue le 21 juillet 2007, postérieurement à la donation, intervenue le 15 juillet 2007, de 2 142 parts par M. A... B... à ses enfants et à son épouse ;

- le dégrèvement du 29 mai 2018, qui a été prononcé en exécution du jugement contesté, constitue une prise de position formelle de l'administration au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;

- c'est à tort que les premiers juges ont retenu la méthode du prix moyen pondéré pour le calcul du prix d'acquisition des actions cédées ;

- pour le surplus, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par courrier du 25 septembre 2020, des pièces complémentaires ont été demandées aux parties pour compléter l'instruction, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative. Les pièces ont été produites le 29 septembre 2020 par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, et ont été communiquées le 1er octobre suivant.

Le 20 mai 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions, présentées par la voie de l'appel incident, par les époux B... dès lors qu'ils ont obtenu entière satisfaction par le jugement attaqué par le ministre.

Le 24 mai 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a produit un mémoire, en réponse à ce moyen d'ordre public, qui a été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Bernabeu, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en cas d'absence ou d'empêchement du président de la 3ème chambre, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique,

- et les observations de Me Fornet, représentant les époux B....

Une note en délibéré, présentée pour M. et Mme B..., et enregistrée le 2 juin 2022, n'a pas été communiquée.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme B... ont fait l'objet d'un contrôle sur pièces, à l'issue duquel des rectifications en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales leur ont été adressées par l'envoi de deux propositions de rectification le 15 décembre 2011. Aux termes de la première proposition de rectification, établie après mise en œuvre de la procédure de répression de l'abus de droit prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, le service vérificateur a remis en cause comme fictive la donation opérée par M. B... des 893 parts qu'il détenait dans la société par actions simplifiée (SAS) Entreprise B... au profit de son épouse et, abstraction étant faite par le service de cette donation, a réintégré dans les revenus du foyer la plus-value résultant de la cession de ces 893 parts à la société anonyme (SA) Bergerat Monnoyeur Location par Mme B.... Aux termes de la seconde proposition de rectification, notifiée selon la procédure contradictoire, le service vérificateur a, d'une part, remis en cause la moins-value constatée par M. B... à l'occasion de la cession de 2 142 de ses parts sociales détenues dans la SAS Entreprise B... au profit de la SA Bergerat Monnoyeur Location, d'autre part, rectifié les montants des plus et moins-values constatées par M. et Mme B... à l'occasion de la cession de, respectivement, 819 et 1 657 de leurs parts sociales de la société SAS Entreprise B... au profit également de la SA Bergerat Monnoyeur Location et, enfin, réintégré dans les revenus de l'année 2008 des époux B... des plus-values de cession de valeurs mobilières réalisées par l'intermédiaire de la banque Martin Maurel. Le tribunal administratif de Marseille, par un jugement du 20 décembre 2017, a déchargé les intéressés, en droits et pénalités, des impositions résultant, d'une part, de l'intégration dans la base imposable de la somme de 810 996 euros, qui correspond à la plus-value de cession des 893 parts dont M. B... a fait don à son épouse, d'autre part, de la remise en cause de l'imputation de la moins-value d'un montant de 813 974 euros constatée lors de la cession de 2 142 parts sociales par M. B... à la SA Bergerat Monnoyeur Location sur les plus-values de même nature réalisées au cours de l'année 2008, et a rejeté le surplus de leur demande en décharge. Le ministre de l'action et des comptes publics relève appel de ce jugement en tant qu'il lui est défavorable. Les époux B... demandent, dans leur mémoire du 26 juin 2018, enregistré après l'expiration du délai d'appel, de réformer le jugement attaqué, s'agissant de l'application de la méthode du prix moyen pondéré pour le calcul du prix d'acquisition des titres cédés.

I. Sur la recevabilité de l'appel incident des époux B... :

2. Les époux B... doivent être regardés comme présentant, par la voie de l'appel incident, des conclusions tendant à la réformation du jugement attaqué en ce qu'il a validé l'application de la méthode du prix moyen pondéré pour le calcul du prix d'acquisition des titres cédés. En exécution de ce jugement, l'administration a, toutefois et ainsi qu'elle le fait valoir sans être contestée, prononcé le dégrèvement de la totalité des impositions réclamées aux époux B... par décision du 29 mai 2018. Même si le dispositif du jugement se présente comme une décharge partielle, il a en effet abouti à une décharge totale des impositions supplémentaires mises à la charge des époux B... au titre de l'année 2008, eu égard d'une part, à l'ampleur des réductions en base prononcées, d'autre part, à leurs conséquences dans la détermination de la plus-value finalement imposable entre les mains des contribuables à raison du mécanisme de compensation entre plus et moins-values et enfin à l'application des dispositions de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans leur rédaction applicable, selon lesquelles seules les plus-values de cession de titres excédant par foyer fiscal la somme 25 000 euros au titre de l'année 2008 étaient soumises à l'impôt sur le revenu. Par suite, les époux B... ayant obtenu entière satisfaction, les conclusions qu'ils ont présentées, par la voie de l'appel incident, doivent, ainsi que la Cour en a informé les parties par lettre du 20 mai 2022, être rejetées comme irrecevables.

II. Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la moins-value constatée par M. A... B... à l'occasion de la cession des 2 142 parts qu'il détenait dans la SAS Entreprise B... à la SA Bergerat Monnoyeur Location :

S'agissant du moyen retenu par le tribunal administratif :

3. Aux termes du 1 du I de l'article 150-0 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition en litige : " (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement ou par personne interposée, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu lorsque le montant de ces cessions excède, par foyer fiscal, (...) 25 000 euros pour l'imposition des revenus de l'année 2008 ". Aux termes du 1 de l'article 150-0 D de ce code : " Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation " et aux termes du 3 de ce même article : " En cas de cession d'un ou plusieurs titres appartenant à une série de titres de même nature acquis pour des prix différents, le prix d'acquisition à retenir est la valeur moyenne pondérée d'acquisition de ces titres " et aux termes du 11 de ce même article : " Les moins-values subies au cours d'une année sont imputables exclusivement sur les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année ou des dix années suivantes ". Il en résulte que le prix d'acquisition à retenir pour le calcul de la plus-value de cession de titres d'une société détenus en pleine propriété doit être égal à la moyenne pondérée du prix d'acquisition de l'ensemble des titres de cette même société détenus en pleine propriété à la date de la cession.

4. Aux termes de l'article 1328 du code civil dans sa rédaction en vigueur à la date du litige, dont la substance est aujourd'hui reprise à l'article 1377 du même code : " Les actes sous seing privé n'ont de date contre les tiers que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l'un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans les actes dressés par des officiers publics, tels que procès-verbaux de scellé ou d'inventaire ".

5. L'administration a remis en cause la moins-value constatée par M. A... B... à l'occasion de la cession, le 15 janvier 2008, des 2 142 parts qu'il détenait dans la SAS Entreprise B... à la SA Bergerat Monnoyeur Location, au motif que ces parts ne pouvaient correspondre à celles dont son frère, M. C... B..., lui avait fait don et comprenant, pour le calcul de leur prix effectif d'acquisition, des frais de donation à hauteur de 709 252 euros, ces parts ayant été données par M. A... B... à son épouse et ses enfants avant la cession. Au point 6 du jugement attaqué, les premiers juges ont toutefois considéré, en s'appuyant sur les registres des comptes de la SAS Entreprise B..., société émettrice des titres, que la donation des 2 142 parts de C... B... à son frère est intervenue le 21 juillet 2007, postérieurement à la donation, intervenue le 15 juillet 2007, de 2 142 parts par M. B... à ses enfants et à son épouse, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'acte de reconnaissance du don manuel réalisé par M. C... B... au profit de son frère et l'acte de reconnaissance du don manuel réalisé par M. A... B... au profit de ses enfants et de son épouse, aient été enregistrés le même jour au service des impôts des entreprises du centre des finances publiques de Marseille, le 27 décembre 2007. Ils en ont conclu que l'administration n'était pas fondée à remettre en cause la moins-value constatée par M. B... à l'occasion de la cession de ses 2 142 parts sociales et qu'elle aurait dû, pour le calcul des gains nets retirés des cessions réalisées par les époux B..., tenir compte de cette moins-value, imputable sur les plus-values réalisées par ailleurs.

6. En appel, le ministre fait valoir qu'en vertu des dispositions, précitées au point 4, de l'article 1328 du code civil, les actes sous seing privé n'ont date certaine à l'égard des tiers, qu'au jour de leur enregistrement, soit en l'occurrence le 27 décembre 2007. Cependant, l'administration, dans l'exercice de ses missions, n'est pas un tiers au sens de cet article et celui-ci ne saurait dès lors faire obstacle à ce que le contribuable prouve par tous moyens l'existence et la date d'un acte. En l'espèce, pour apporter cette preuve, les époux B... ont produit tant en première instance qu'en appel l'extrait du " registre des comptes de la SAS Entreprise B... " - qui correspond en pratique au registre de mouvements de titres régi par les articles R. 228-8 et R. 228-9 du code de commerce -, lequel fait mention de la donation de 2 142 actions effectuée le 21 juillet 2007 par M. C... B... à M. A... B... et, à la date du 15 juillet 2007, les donations faites par M. A... B... à ses enfants et son épouse. Ce registre, qui répertorie notamment tous les transferts d'actions intervenus en application de l'article L. 228-1 du code de commerce, n'est toutefois revêtu d'aucun cachet du tribunal de commerce, ni d'aucune pièce attestant de son enregistrement auprès de ce tribunal afin qu'il soit dûment côté et paraphé. Outre ce registre des mouvements de titres, les époux B... produisent uniquement les actes de reconnaissance de dons, qui ont été établis chacun a posteriori le 25 novembre 2007 et enregistrés encore après, à la même date, soit le 27 décembre 2007. Or, ces actes établis sous seing privé ne l'ont pas été à la date alléguée des opérations de donation et le seul justificatif de la date de ces opérations est un registre qui n'est pas lui-même établi dans les formes requises. Ces seuls éléments de preuve apportés par M. et Mme B... sont ainsi insuffisants pour démontrer que la donation des titres par M. C... B... à son frère est postérieure à celle de la donation du même nombre de titres par M. A... B... à son épouse et deux de ses enfants.

7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille s'est fondé sur la circonstance que l'administration n'avait pu à bon droit considérer que les 2 142 parts cédées par M. B... à la société Bergerat Monnoyeur Location n'étaient pas celles dont son frère lui avait fait don et qu'il en a déduit, pour prononcer la réduction en base des impositions supplémentaires des époux B..., que le service aurait dû, pour le calcul des gains nets retirés des cessions réalisées par les époux B... au cours de l'année 2008 et imposables à l'impôt sur le revenu, tenir compte de cette moins-value imputable sur les plus-values réalisées par ailleurs.

8. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme B... à l'encontre de la remise en cause de cette moins-value, devant le tribunal administratif.

S'agissant des autres moyens invoqués par les époux B... :

9. Si les époux B... se prévalent des instructions administratives référencées BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-40, § 10, du 6 mai 2013 et BOI-RPPM-PVBMI-20-20-30-40, § 20, du 12 septembre 2012, celles-ci sont postérieures à la date d'expiration du délai de déclaration de la plus-value en litige.

En ce qui concerne le calcul de la plus-value globale des époux B... lors de la cession de leurs parts à la SA Bergerat Monnoyeur Location :

10. En ce qui concerne les 893 actions cédées par Mme B... à la SA Bergerat Monnoyeur Location, dont la plus-value de cession a donné lieu à une réduction en base prononcée par le tribunal au point 4 du jugement attaqué, le ministre fait valoir qu'il renonce à la procédure de l'abus de droit pour recalculer la plus-value en appliquant, selon la procédure contradictoire, la méthode du prix moyen pondéré pour déterminer le prix effectif de revient des actions cédées, en corrigeant une erreur commise dans le calcul du prix moyen, déterminé à partir de 2 425 actions acquises à l'origine par M. B..., au lieu de 7 425.

11. Au préalable, les époux B... opposent l'irrecevabilité de ces moyens, qui sont selon eux, nouveaux en appel, en se prévalant de l'article L. 199 C du livre des procédures fiscales, aux termes duquel " l'administration, ainsi que le contribuable, dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicitée, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel jusqu'à la clôture de l'instruction ", ainsi que des articles R. 190-1, R. 200-2 alinéa 2 et R. 772-2 du même livre, relatifs à la réclamation préalable et son quantum. Ils en déduisent que dès lors que l'administration n'a jamais, au cours de la procédure, remis en cause le calcul de la plus-value déclarée au titre de la cession de 2 142 actions de la société Entreprise B..., elle ne peut y procéder devant la Cour. Cependant, une telle argumentation ne saurait prospérer dès lors que le litige porte, depuis l'origine, sur la plus-value globale imposable entre les mains des époux B... et que l'administration ne sollicite que le rétablissement du quantum initialement mis en recouvrement.

12. M. et Mme B... ne sont pas davantage fondés à se prévaloir d'une prise de position formelle de l'administration sur leur situation de fait, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, qui résulterait de l'avis de dégrèvement total du 29 mai 2018 relatif à l'ensemble des impositions mises en recouvrement. En effet, outre que ce dégrèvement a été prononcé en exécution du jugement attaqué, et non à l'initiative de l'administration, qui n'a fait que se conformer à la décision du tribunal, eu égard à ce qui a été exposé au point 2, il n'est pas motivé, de sorte qu'il ne peut constituer une telle prise de position.

S'agissant de la substitution de base légale :

13. L'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, de justifier une imposition par un nouveau fondement juridique, à la condition qu'une telle substitution de base légale ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi. A cet égard, il résulte de l'instruction que les époux B... ont pu présenter des observations en réponse à la proposition du 15 décembre 2011, auxquelles il a été répondu, le débat contradictoire s'étant d'ailleurs poursuivi au-delà avec de nouvelles réductions prononcées dans le courrier du 12 novembre 2013. Par suite, il y a lieu d'accueillir cette demande de substitution de base légale, l'administration renonçant à la procédure de l'abus de droit au profit de la procédure contradictoire, dans la mesure où les contribuables, qui ne présentent au demeurant aucune contestation sur ce point, n'ont été privés d'aucune des garanties attachées à cette procédure.

S'agissant des modalités de calcul de la plus-value en litige :

Quant à la méthode de détermination de la valeur d'acquisition des parts cédées à la SA Bergerat Monnoyeur Location :

14. En premier lieu, le ministre se prévaut de la méthode de la valeur moyenne pondérée d'acquisition des titres sur le fondement des dispositions, précitées au point 3, des 1 et 3 de l'article 150-0 D du code général des impôts, pour déterminer la valeur d'acquisition des parts cédées à la société Bergerat Monnoyeur Location. Les époux B... demandent, quant à eux, que soit pris en compte le prix d'acquisition réel des titres cédés, qu'il s'agisse de la moins-value constatée lors de la cession par M. B... des 2 142 actions reçues par don manuel de son frère, de la plus-value constatée lors de la cession des 819 actions qu'il détenait également depuis l'origine dans la SAS Entreprise B... et de la moins-value constatée lors de la cession par Mme B... des 1 657 actions qu'elle détenait dans cette entreprise. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les titres cédés en 2008 constituent tous des actions de la SAS Entreprise B..., et il n'est pas établi ni même allégué que ces titres relèveraient de catégories distinctes. Ainsi, ces actions doivent être regardées comme des titres de même nature, et donc fongibles, qui ont été acquis à des prix différents, selon la date et les modalités de cette acquisition. Par suite, contrairement à ce que font valoir les époux B..., reprenant ainsi leur contestation de première instance, l'administration était fondée à évaluer leur valeur d'acquisition selon la méthode du prix moyen pondéré définie par les dispositions précitées des 1 et 3 de l'article 150-0 D du code général des impôts.

15. En second lieu, M. et Mme B... ne sont pas fondés, s'agissant de la détermination du prix effectif d'acquisition des titres cédés, à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du § 10 de l'instruction administrative référencée BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-40 du 6 mai 2013, qui est postérieure à la date d'expiration du délai de déclaration de la plus-value en litige.

Quant au calcul effectif de la plus-value totale en litige :

16. S'agissant de la valeur d'acquisition des parts cédées par M. B..., l'administration fait valoir qu'elle aurait dû tenir compte des 7 425 actions détenues à l'origine par M. B..., et non uniquement de 2 425 actions, comme elle l'a initialement fait. Ce chiffre de 7 425 parts, qui n'est pas remis en cause par les intimés, correspond au nombre total d'actions détenues par M. B... au 15 juillet 2007, avant le début des diverses donations et autres transferts ayant modifié la répartition du capital social de la SAS Entreprise B... avant sa cession. L'administration retient une valeur unitaire de 2,81 euros pour ces 7 425 parts détenues depuis l'origine, soit un total de 20 864,25 euros, et une valeur d'acquisition, y compris les frais, de 3 708 052 euros pour les 2 142 actions reçues par donation de C... B..., soit, in fine, une valeur d'acquisition, pour la totalité des 9 567 actions de M. B..., de 3 728 916 euros, ce qui correspond à une valeur moyenne d'acquisition pondérée de 389,77 (3 728 916 / 9 567) euros par action.

17. Le ministre procède ensuite à un nouveau calcul de la plus-value réalisée par les époux B..., en intégrant les 893 actions cédées par Mme B..., qui avaient fait l'objet de la procédure d'abus de droit à laquelle il a renoncé et pour laquelle la procédure contradictoire a été substituée.

18. D'une part, M. B... a cédé un total de 2 961 (2 142 + 819) actions de la SAS Entreprise B... à la SA Bergerat Monnoyeur Location pour un prix unitaire définitif par action de 1 351,22 euros, soit un prix total de 4 000 962 euros. Le prix moyen d'acquisition pondéré de ces actions s'élevant à 1 154 109 (2 961 x 389,77) euros, la plus-value réalisée lors de la cession par M. B... est de 2 846 853 (4 000 962 - 1 154 109) euros.

19. D'autre part, Mme B... a cédé 1 657 actions pour un prix total de 2 238 972 euros. Ces actions ont été acquises au prix unitaire respectif de 2,81 euros pour 29 d'entre elles, soit un total de 81 euros, de 15,24 euros pour 21 d'entre elles, soit un total de 320 euros, de 1 400 euros pour 714 actions reçues par donation de son époux (999 600 euros), soit un total, après ajout des frais d'acte (13 151 euros) et de donation (157 864 euros) de 1 170 615 euros et de 1 400 euros pour les 893 actions également données par son époux (1 250 200 euros), soit un total, frais d'acte (6 447 euros) et de donation (322 882 euros) inclus, de 1 589 529 euros. Le coût d'acquisition des actions ressort ainsi à 2 760 545 (81 + 320 + 1 170 615 + 1 589 529) euros, soit une moins-value réalisée à l'occasion de la cession de ces dernières de 521 573 (2 238 972 - 2 760 545) euros.

20. Il résulte des points 16 à 19 que le foyer fiscal composé par M. et Mme B... a réalisé une plus-value totale de 2 325 280 (2 846 853 - 521 573) euros. Ainsi, l'imposition effectivement due par les contribuables, en application des dispositions, précitées au point 3, du 1 du I de l'article 150-0 A du code général des impôts, calculée sur la base d'un taux de 18 %, soit 418 550 euros, est en réalité supérieure à celle qui a été initialement mise à leur charge.

21. Par suite, et dans la limite du montant en droits mis en recouvrement le 31 décembre 2013, soit 233 484 euros, le ministre est fondé à demander qu'elle soit remise à la charge des époux B..., lesquels n'ont soulevé aucun autre moyen devant être examiné par la Cour dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel.

III. Sur les pénalités :

22. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / b. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou d'abus de droit au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales (...). "

23. En l'espèce, l'administration doit être regardée comme demandant la substitution de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré à celle de 80 % en cas d'abus de droit qui a été appliquée lors de la mise en recouvrement des impositions supplémentaires en litige.

24. Pour motiver l'application de la pénalité de 40 % à l'ensemble des impositions en litige, l'administration fiscale soutient que la déclaration n° 2074 pour la cession de 2008, déposée en 2011, fait apparaître une moins-value d'un montant de 231 464 euros alors que la cession a dégagé une plus-value globale d'un montant de 2 325 280 euros. Elle ajoute que les contribuables ont en effet considéré que M. B... avait conservé les 2 142 actions reçues par donation de son frère, bien qu'il ait cédé à titre gratuit 2 142 actions à son épouse et à ses fils à la même date, 893 actions à son épouse, et apporté, le 23 décembre 2007, 2 857 actions à la SARL Avemat dont il était l'unique actionnaire. Elle rappelle que les titres de la société sont des titres fongibles, dont la valeur d'acquisition, lors de cession, devait être calculée selon la valeur moyenne pondérée, aux termes du 3 de l'article 150-0 D du code général des impôts. Elle en conclut que le fait d'avoir calculé le résultat de la cession sans appliquer cette méthode, obligatoire de par la loi, et d'avoir estimé les 2 142 actions cédées à la valeur de 1 400 euros, permettant ainsi de dégager une moins-value de cession en lieu et place de la plus-value de 2 325 280 euros, ne peut qu'être délibéré et que les intimés, en ne déposant pas la déclaration n° 2074 avec la déclaration de revenus n° 2042, qui seule contient le calcul de la plus ou moins-value, ne l'a pas mise à même de vérifier leur calcul. L'administration relève enfin la minoration particulièrement importante de la plus-value réellement effectuée par les époux B... à la suite de la cession de leurs titres. Par l'ensemble de ces éléments, elle apporte ainsi la preuve, qui lui incombe en application de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales, de l'intention délibérée de ces derniers d'éluder l'impôt. Il y a ainsi lieu de procéder à la substitution de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré à celle de 80 % pour abus de droit qui avait été mise en recouvrement.

25. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la demande de compensation présentée par le ministre sur le fondement de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, que ce dernier est fondé à demander, dans la limite du montant en droits mis en recouvrement le 31 décembre 2013, soit 233 484 euros, que les impositions en litige soient remises à la charge des époux B..., et que ces dernières soient assorties des pénalités de 40 %, ainsi qu'en conséquence, la réformation des articles 1er et 2 du jugement du 20 décembre 2017.

IV. Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. et B... demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les droits supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles M. et Mme B... ont été assujettis au titre de l'année 2008 résultant de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession des titres de la SAS Entreprise B... à la SA Bergerat Monnoyeur Location sont remis à la charge des époux B..., dans la limite du quantum des impositions en droits mises en recouvrement le 31 décembre 2013, et sont assortis de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré, qui a été substituée à celle de 80 % pour abus de droit.

Article 2 : Le jugement n° 1501051 du tribunal administratif de Marseille du 20 décembre 2017 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Les conclusions présentées, par la voie de l'appel incident, par M. et Mme B... et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à M. et Mme A... B....

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, où siégeaient :

- Mme Bernabeu, présidente assesseur, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme E... et Mme F..., premières conseillères.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 juin 2022.

2

N° 18MA01903

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18MA01903
Date de la décision : 23/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Abus de droit et fraude à la loi.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Plus-values des particuliers - Plus-values mobilières.


Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : SELARL JURISCONSEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 26/07/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-23;18ma01903 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award