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20/06/2022 | FRANCE | N°21MA03650

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre, 20 juin 2022, 21MA03650


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 16 mai 2019 par laquelle le président de l'université Côte d'Azur a opéré des retenues sur son traitement, ensemble la décision de rejet implicite de son recours gracieux et d'enjoindre au président de l'université Côte d'Azur de lui reverser les sommes indûment prélevées.

Par un jugement n° 1905959 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :
>Par une requête, enregistrée le 23 août 2021 et régularisée le 9 septembre 2021, M. B..., représe...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 16 mai 2019 par laquelle le président de l'université Côte d'Azur a opéré des retenues sur son traitement, ensemble la décision de rejet implicite de son recours gracieux et d'enjoindre au président de l'université Côte d'Azur de lui reverser les sommes indûment prélevées.

Par un jugement n° 1905959 du 11 juin 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 23 août 2021 et régularisée le 9 septembre 2021, M. B..., représenté par Me Damiano, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 juin 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 16 mai 2019 par laquelle le président de l'université Côte d'Azur a opéré des retenues sur son traitement, ensemble la décision de rejet implicite de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au président de l'université Côte d'Azur de lui reverser les sommes indûment prélevées ;

4°) de mettre à la charge de l'université Côte d'Azur la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- s'agissant de la légalité externe, la décision critiquée est signée par une autorité incompétente ; elle est insuffisamment motivée ;

- s'agissant de la légalité interne, la décision attaquée est entachée d'illégalité, faute de base légale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, pour n'avoir pas fait l'objet une étude loyale et contradictoire de la situation de travail du requérant ; elle est illégale en raison de sa rétroactivité ;

- elle constitue une sanction déguisée ;

- la décision du 16 mai 2019 est infondée à raison de l'absence de fiche de poste concernant ses fonctions au sein du laboratoire I3S ; l'appelant a travaillé à 100 % au laboratoire I3S (au lieu des 60 % à la DSI et 40 % au laboratoire I3S résultant de son affectation) et ce travail à temps plein au laboratoire I3S n'est pas contesté ; la circonstance qu'il n'a pas effectué son service à 60 % à la DSI est sans incidence sur son droit à percevoir un plein traitement, sans quoi l'université doive être regardée comme bénéficiaire d'un enrichissement sans cause.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 octobre 2021, l'université Côte d'Azur, représentée par Me Laridan, conclut au rejet de la requête et à la condamnation de M. B... à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 de finances rectificative pour 1961 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

- le décret n° 62-765 du 8 juillet 1962 portant règlement sur la comptabilité publique en ce qui concerne la liquidation des traitements des personnels de l'Etat ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a décidé, par décision du 23 mai 2022, de désigner M. Philippe Portail, président assesseur, pour présider par intérim la 6éme chambre en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gilles Taormina, rapporteur,

- et les conclusions de M. Renaud Thielé, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été recruté par l'université de Nice Sophia-Antipolis aux termes d'un contrat à durée indéterminée du 26 novembre 2011 en qualité d'expert en développement et déploiement d'applications, et affecté au laboratoire I3S. Par une décision du 30 mars 2016, le président de l'université de Nice Sophia-Antipolis a affecté M. B... à 60 % à la direction des systèmes d'informations (DSI) et à 40 % au laboratoire informatique signaux et système (laboratoire I3S). Par courrier en date du 16 mai 2019, l'université a informé M. B... qu'elle procéderait à des retenues sur salaire pour absence de service fait à la direction des systèmes d'informations (DSI) durant la période de novembre 2018 à avril 2019. M. B... ayant demandé l'annulation de la décision du 16 mai 2019, ensemble la décision de rejet implicite de son recours gracieux et d'enjoindre au président de l'université Côte d'Azur de lui reverser les sommes indûment prélevées, il relève appel du jugement n° 1905959 du 11 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération... ". Aux termes de l'article 4 de la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 de finances rectificative pour 1961, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " Le traitement exigible après service fait, conformément à l'article 22 (premier alinéa) de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires est liquidé selon les modalités édictées par la réglementation sur la comptabilité publique./ L'absence de service fait, pendant une fraction quelconque de la journée, donne lieu à une retenue dont le montant est égal à la fraction du traitement frappée d'indivisibilité en vertu de la réglementation prévue à l'alinéa précédent. / Il n'y a pas service fait :/ 1°) Lorsque l'agent s'abstient d'effectuer tout ou partie de ses heures de services ; / 2°) Lorsque l'agent, bien qu'effectuant ses heures de service, n'exécute pas tout ou partie des obligations de service qui s'attachent à sa fonction telles qu'elles sont définies dans leur nature et leurs modalités par l'autorité compétente dans le cadre des lois et règlements. / Les dispositions qui précèdent sont applicables au personnel de chaque administration ou service doté d'un statut particulier ainsi qu'à tous bénéficiaires d'un traitement qui se liquide par mois ". Il résulte de ces dispositions, que l'absence de service fait, notamment, lorsque l'agent s'abstient d'effectuer tout ou partie de ses heures de services, donne lieu à une retenue dont le montant est égal au trentième indivisible. En l'absence de service fait, l'administration est tenue, selon le cas, de suspendre la rémunération jusqu'à la reprise du service, d'ordonner le reversement de la rémunération indûment perçue ou d'en retenir le montant sur les rémunérations ultérieures. Pour permettre une retenue sur la rémunération de l'agent ou son reversement, l'absence de service fait doit pouvoir être matériellement constatée, sans qu'il soit nécessaire de porter une appréciation sur le comportement de l'agent. La retenue sur traitement pour service non fait, n'a pas le caractère d'une sanction disciplinaire, mais constitue une mesure purement comptable qui n'est soumise à aucune procédure particulière. Elle n'exige, en conséquence, ni que l'intéressé ait été mis en mesure de présenter sa défense, ni même qu'il ait été préalablement informé de la décision prise à son encontre avant que celle-ci ne soit exécutée.

3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment de son contrat de travail et de sa décision d'affectation du 30 mars 2016, que M. B... a été affecté à 60 % à la direction des systèmes d'informations (DSI) et à 40 % au laboratoire informatique signaux et système (laboratoire I3S). Il n'est donc pas fondé à se prévaloir utilement d'un défaut de fiche de poste, notamment concernant sa présence au sein du laboratoire I3S.

4. En deuxième lieu, par un courrier en date du 14 septembre 2018, après avoir constaté que M. B... ne s'était pas présenté à son poste à la DSI les 3, 4, 5, 10, 11 et 12 septembre 2018, l'université l'a mis en demeure de rejoindre son poste et de fournir les justificatifs de ses absences. Par un courrier du 15 octobre 2018, l'université l'a informé qu'elle procéderait à une retenue sur salaire. Elle a, de nouveau, relevé que l'intéressé n'avait toujours pas rejoint son poste de travail à la DSI en dépit de la mise en demeure du 14 septembre 2018, dès lors qu'il ne s'était pas présenté à son poste les 17, 18, 19, 24, 25 et 26 septembre 2018, ainsi que les 1er, 2, 3, 8, 9 et 10 octobre 2018. Elle a informé l'intéressé qu'il serait procédé à des retenues sur salaires au titre de ces douze jours d'absence de service fait et mis en demeure ce dernier de rejoindre son poste à la DSI à compter du 29 octobre 2019. Par un courrier en date du 4 novembre 2018, le requérant a expliqué ses absences depuis le 3 septembre 2018 sur son poste à la DSI, notamment par les conditions de son recrutement en 2011, l'absence de revalorisation de salaire, une réaffectation brutale à la DSI en 2015 avec laquelle il est en désaccord et l'inadéquation entre ses compétences et son travail à la DSI, et informé l'université de ce qu'il a " pris le parti de [se] consacrer à 100 % à [son] travail à l'I3S depuis début septembre ". M. B... persistant à ne pas respecter ses obligations de service à la DSI malgré deux mises en demeure de rejoindre son poste, l'université l'a informé par un courrier en date du 16 mai 2019 qu'elle allait procéder à des retenues sur salaire pour la période de novembre 2018 à avril 2019. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision querellée constituerait une sanction déguisée ou serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, pour n'avoir pas fait l'objet une étude loyale et contradictoire de sa situation de travail.

5. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que, si M. B..., qui n'avait pas le libre choix de son affectation, a été affecté à 60 % à la direction des systèmes d'informations (DSI) et à 40 % au laboratoire informatique signaux et système (laboratoire I3S), il n'a pas effectué son service à 60 % à la DSI contrairement à ses obligations de service découlant du contrat, comme il le rappelle lui-même dans ses écritures. L'absence de service fait litigieuse étant fondée, l'université, en situation de compétence liée, avait l'obligation de procéder à la répétition des rémunérations indûment perçues par M. B... correspondant au service non fait. Dès lors, sont inopérants et doivent par suite être écartés les moyens tirés de l'incompétence du signataire et du défaut de motivation de la décision querellée.

6. En quatrième lieu, si M. B... soutient avoir travaillé à 100 % au laboratoire I3S (au lieu des 60 % à la DSI et 40 % au laboratoire I3S résultant de son affectation) et que ce travail à temps plein au laboratoire I3S n'est pas contesté, il ne conteste pas avoir délibérément décidé, sans l'accord de l'université, d'organiser unilatéralement son temps de travail en méconnaissance de ses obligations de service. Il n'est, par suite, pas fondé à se prévaloir d'un enrichissement sans cause ouvrant droit à une quelconque rémunération.

7. En cinquième lieu, l'université a décidé de procéder aux retenues sur salaire, en application de l'article 4 de la loi n° 61-825 du 29 juillet 1961 de finances rectificative pour 1961, modifiée par la loi n° 87-558 du 30 juillet 1987. Dès lors, la retenue sur salaire litigieuse pouvait valablement être opérée sur le ou les salaires de mois ultérieurs aux mois au cours desquels le service n'a pas été fait, sans pouvoir être qualifiée de retenue illégalement rétroactive. Par suite, le moyen formulé à ce titre ne peut qu'être écarté.

8. Compte tenu de tout ce qui précède, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête. Par suite, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonctions.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'université Côte d'Azur qui, dans la présente instance, n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme au titre des frais exposés par l'université Côte d'Azur et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'université Côte d'Azur tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au président de l'université Côte d'Azur.

Copie en sera adressée au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Délibéré après l'audience du 8 juin 2022, où siégeaient :

- M. Philippe Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Gilles Taormina, président assesseur,

- M. François Point, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 juin 2022.

N° 21MA03650 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03650
Date de la décision : 20/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-08-02 Fonctionnaires et agents publics. - Rémunération. - Traitement.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Gilles TAORMINA
Rapporteur public ?: M. THIELÉ
Avocat(s) : DAMIANO

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-20;21ma03650 ?
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