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09/06/2022 | FRANCE | N°21MA00138

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 09 juin 2022, 21MA00138


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 17 août 2020 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé son admission exceptionnelle au séjour et lui a retiré sa carte de séjour pluriannuelle en qualité de travailleur saisonnier, ainsi que l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2001068 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté précité e

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 17 août 2020 par lequel le préfet de la Haute-Corse a refusé son admission exceptionnelle au séjour et lui a retiré sa carte de séjour pluriannuelle en qualité de travailleur saisonnier, ainsi que l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2001068 du 18 décembre 2020, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté précité et a enjoint au préfet de la Haute-Corse de statuer à nouveau sur sa situation dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 janvier et 1er septembre 2021, le préfet de la Haute-Corse demande à la Cour d'annuler ce jugement du 18 décembre 2020, de rejeter la demande de première instance et de mettre à la charge de M. C...la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, la procédure contradictoire a été respectée ;

- les moyens soulevés en première instance par M. C... ne sont pas fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 avril et 21 septembre 2021, M. C..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, agissant par Me Bescou, demande à la Cour de rejeter la requête, d'enjoindre au préfet de lui délivrer ou de lui restituer une carte de séjour pluriannuelle, ou de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale ", ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le moyen invoqué n'est pas fondé ;

- il confirme les moyens soulevés en première instance et ajoute que le préfet a commis une erreur de droit en s'abstenant d'examiner sa demande de titre de séjour au titre de la vie privée et familiale sur le fondement des dispositions des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il a violé les dispositions de ces mêmes articles ;

- il a également commis une erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation par le travail.

Par un courrier du 11 avril 2022, les parties ont été informées, sur le fondement des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de se fonder sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'inapplicabilité de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour la délivrance d'un titre portant la mention " salarié " à un ressortissant marocain, et de la possibilité d'y substituer en tant que de besoin la base légale tirée de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987.

Une réponse à ce moyen d'ordre public, présentée pour M. C... et enregistrée le 26 avril 2022, a été communiquée au préfet de la Haute-Corse.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet de la Haute-Corse relève appel du jugement du 18 décembre 2020 du tribunal administratif de Bastia ayant annulé l'arrêté du 17 août 2020 par lequel l'autorité préfectorale a refusé à M. C..., ressortissant marocain né en 1976, son admission exceptionnelle au séjour au titre du travail, et a retiré à ce dernier sa carte de séjour pluriannuelle en qualité de travailleur saisonnier, ainsi que l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

I. Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors applicable : " Une carte de séjour d'une durée maximale de trois ans, renouvelable, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée, dès sa première admission au séjour, à l'étranger pour l'exercice d'un emploi à caractère saisonnier, défini au 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du même code, lorsque l'étranger s'engage à maintenir sa résidence habituelle hors de France. La carte porte la mention " travailleur saisonnier ". / Elle donne à son titulaire le droit de séjourner et de travailler en France pendant la ou les périodes qu'elle fixe et qui ne peuvent dépasser une durée cumulée de six mois par an ". Aux termes de l'article L. 313-5-1 du même code alors en vigueur : " L'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle doit être en mesure de justifier qu'il continue de remplir les conditions requises pour la délivrance de cette carte. L'autorité administrative peut procéder aux vérifications utiles pour s'assurer du maintien du droit au séjour de l'intéressé et, à cette fin, convoquer celui-ci à un ou plusieurs entretiens. / Si l'étranger cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de la carte de séjour dont il est titulaire, fait obstacle aux contrôles ou ne défère pas aux convocations, la carte de séjour peut lui être retirée ou son renouvellement refusé par une décision motivée. La décision de retrait ne peut intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter ses observations dans les conditions prévues aux articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 122-1 du même code dispose en outre que : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la décision par laquelle le préfet retire la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier " qui a été délivrée à un ressortissant étranger doit être précédée de la procédure contradictoire prévue par les dispositions du code des relations entre le public et l'administration, qui constitue une garantie pour l'intéressé et implique qu'il soit averti de la mesure que l'administration envisage de prendre, des motifs sur lesquels elle se fonde, et qu'il bénéficie d'un délai suffisant pour présenter ses observations.

5. Par l'arrêté du 17 août 2020, le préfet de la Haute-Corse a retiré la carte de séjour pluriannuelle délivrée à M. C... et portant la mention " travailleur saisonnier " valable du 9 avril 2018 au 8 avril 2021. Le préfet produit, pour la première fois en appel, le courrier du 11 mai 2020, réceptionné le 15 mai suivant par lequel il a informé M. C... de ce qu'il envisageait de procéder, en application de l'article R. 311-14 8° et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au retrait du titre de séjour dont il bénéficiait et l'a invité à présenter ses observations dans un délai de quinze jours à compter de la réception de ce courrier. Il verse également les observations formulées par le requérant, par courrier du 26 mai 2020, réceptionné par les services préfectoraux le 27 mai suivant. Dans ces conditions, la procédure contradictoire prévue par les dispositions citées ci-dessus au point 3 a été respectée et le moyen tiré du vice de procédure doit être écarté comme manquant en fait.

6. Il résulte ainsi de ce qui précède que le préfet de la Haute-Corse est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a, en se fondant sur l'irrégularité de la procédure suivie, annulé l'arrêté du 17 août 2020 par lequel il a retiré à M. C... sa carte de séjour pluriannuelle en qualité de travailleur saisonnier, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

7. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif et la Cour.

En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. C... :

S'agissant du moyen commun aux décisions attaquées :

8. L'arrêté en litige a été signé par M. Frédéric Lavigne, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Corse, qui bénéficiait, par un arrêté du 12 juin 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, d'une délégation pour signer tous les actes, arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents administratifs relevant des attributions de l'Etat dans le département, à l'exception des réquisitions de la force armée et des arrêtés de conflit. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige doit, par suite, être écarté comme manquant en fait.

S'agissant de la légalité des décisions portant retrait et refus de titre de séjour :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 de ce code, alors en vigueur : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. ". Aux termes de cet article L. 431-3, dans sa version alors applicable : " Le titre de séjour d'un étranger qui n'entre pas dans les catégories mentionnées aux articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4 peut faire l'objet d'un retrait lorsque son titulaire a fait venir son conjoint ou ses enfants en dehors de la procédure du regroupement familial. La décision de retrait du titre de séjour est prise après avis de la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-1 ". Aux termes de l'article L. 313-14 du même code, alors applicable : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ".

10. Il résulte des dispositions des articles L. 312-2 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicables, qu'à l'exception du cas où l'étranger titulaire d'un titre de séjour a fait venir son conjoint ou ses enfants en dehors de la procédure de regroupement familial, le retrait d'une carte de résident à un étranger n'entre pas dans les cas de consultation obligatoire de la commission du titre de séjour prévus par les dispositions précitées de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de retrait de titre de séjour de M. C... serait irrégulière faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour doit être écarté comme inopérant.

11. Par ailleurs, si par le même arrêté, M. C... s'est vu refuser son admission exceptionnelle au séjour par le travail, ce dernier, entré en France le 1er juin 2007 en qualité de saisonnier, et ayant disposé d'une carte de séjour temporaire portant la mention " travailleur saisonnier " puis, d'une carte de séjour pluriannuelle pour l'exercice d'un emploi à caractère saisonnier valable du 9 avril 2009 au 8 avril 2012, renouvelée trois fois jusqu'au 8 avril 2021, n'établit pas, par les documents dont il se prévaut tant en première instance qu'en appel, consistant pour l'essentiel en des bulletins de salaire, le caractère habituel de son séjour depuis cette date ou, du moins, durant les dix années qui ont précédé l'édiction de l'arrêté contesté. Dès lors, l'intimé n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Haute-Corse était tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de prendre la décision de refus de séjour litigieuse. Le moyen tiré du vice de procédure doit, par suite, être écarté.

12. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de la demande de titre de séjour présentée le 12 février 2020 par M. C..., et produite par le préfet en première instance, que l'intimé s'est borné à présenter une demande de régularisation de sa situation au regard du droit au séjour, sans toutefois solliciter l'application des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-marocain, ni même produire un contrat de travail visé par les autorités compétentes ou une demande d'autorisation de travail. En outre, il ressort des mentions de l'arrêté litigieux que le préfet de la Haute-Corse ne s'est pas fondé sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour lui refuser un titre de séjour, mais a fait usage de son pouvoir général de régularisation par le travail, ainsi qu'il lui appartenait de le faire. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit dans l'examen de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour par le travail doit être écarté.

13. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, eu égard en particulier aux mentions figurant sur l'arrêté litigieux, que le préfet de la Haute-Corse n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. C..., ce dernier n'ayant par ailleurs pas formulé, eu égard à la demande de titre de séjour précitée au point 12, une demande exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du même code. Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen particulier de la situation individuelle de M. C... et des erreurs de droit qu'aurait commises le préfet en s'abstenant d'examiner sa demande de titre de séjour au titre des dispositions précitées, ne peuvent qu'être écartés.

14. En quatrième lieu, M. C... soutient que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans son pouvoir de régularisation par le travail. D'une part, un tel moyen est inopérant à l'encontre de la décision de retrait de carte de séjour qui lui avait été délivrée sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et dont il ne conteste pas au demeurant le motif. D'autre part, si l'intéressé se prévaut de son insertion professionnelle en produisant des certificats de travail et des bulletins de salaire attestant d'une activité professionnelle saisonnière variant de quatre à six mois par an pour les années 2007 à 2018, ainsi qu'une promesse d'embauche pour un contrat à durée indéterminée datée du 25 mai 2020, de telles circonstances ne sont pas suffisantes pour en déduire que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans son pouvoir de régularisation par le travail.

15. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) ".

16. Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.

17. M. C... se prévaut de l'ancienneté de son séjour en France et de sa bonne insertion professionnelle, faisant valoir qu'il travaille depuis 2007 et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche pour un contrat à durée indéterminée datée du 25 mai 2020. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le requérant, âgé de quarante-quatre ans à la date de la décision en litige, célibataire et sans enfant, n'a été admis à résider temporairement en France depuis 2008 en qualité de " travailleur saisonnier ", qu'à raison de six mois maximum par an, et qu'il ne justifie pas, ainsi qu'il a été précédemment exposé, d'une présence habituelle sur le territoire national depuis 2007. S'il se prévaut de la présence en France de son frère, de sa belle-sœur et de sa nièce, il n'établit pas être isolé en cas de retour au Maroc, où il a passé la majeure partie de sa vie, et nonobstant le décès de ses parents. Dans ces conditions, le préfet n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. C... une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels les décisions contestées ont été prises et n'a ainsi méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni, en tout état de cause, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions en litige sur la situation personnelle du requérant.

18. En dernier lieu, eu égard notamment aux éléments de la situation personnelle et familiale du requérant exposés ci-dessus au point 17, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en ne procédant pas à la régularisation de la situation de M. C... à titre humanitaire ou exceptionnel, le préfet de la Haute-Corse aurait méconnu, en tout état de cause, les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

S'agissant de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

19. En premier lieu, il suit de ce qui a été dit précédemment que M. C... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

20. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 17 du présent arrêt, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

21. Il résulte de ce qui précède que ni la décision de refus de séjour ni l'obligation de quitter le territoire français ne sont entachées des illégalités que l'intimé leur impute. M. C... n'est donc pas fondé à exciper de l'illégalité de ces actes à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

22. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet de la Haute-Corse est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a prononcé l'annulation de l'arrêté du 17 août 2020, lui a enjoint de statuer à nouveau sur le cas de M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour, et a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions aux fins d'injonction sous astreinte formulées en appel par M. C....

II. Sur les frais de justice :

23. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'intimé demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

24. Si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge l'application des dispositions précitées de cet article au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services. En l'espèce, le préfet de la Haute-Corse n'ayant pas fait état précisément des frais qu'il aurait exposés pour défendre à l'instance, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. C... la somme demandée par le préfet à ce titre.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2001068 du tribunal administratif de Bastia du 18 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions du préfet de la Haute-Corse présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... C....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022 où siégeaient :

- Mme Paix, présidente,

- Mme Bernabeu, présidente assesseure,

- Mme Carotenuto, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juin 2022.

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N° 21MA00138

nc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA00138
Date de la décision : 09/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: Mme Mylène BERNABEU
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : SELARL BS2A

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-09;21ma00138 ?
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