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02/06/2022 | FRANCE | N°20MA03441

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 02 juin 2022, 20MA03441


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier du Pays d'Aix à lui verser la somme de 361 251,11 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de sa prise en charge au service des urgences de cet établissement le 21 février 2017.

Par un jugement n° 1810830 du 13 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, condamné le centre hospitalier du Pays d'Aix à verser à Mme A... une indemnité de 17 652,51 euros

sous déduction de la provision de 11 580 euros accordée par une ordonnance du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier du Pays d'Aix à lui verser la somme de 361 251,11 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis lors de sa prise en charge au service des urgences de cet établissement le 21 février 2017.

Par un jugement n° 1810830 du 13 juillet 2020, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, condamné le centre hospitalier du Pays d'Aix à verser à Mme A... une indemnité de 17 652,51 euros sous déduction de la provision de 11 580 euros accordée par une ordonnance du 16 janvier 2019 et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes une somme de 23 000,76 euros au titre des débours exposés outre une somme de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, d'autre part, mis à la charge de l'établissement de soins les frais d'expertise ainsi qu'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, enfin, rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 10 septembre 2020 et le 29 juin 2021, Mme A..., représentée par Me Roma-Collignon, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 juillet 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de condamner le centre hospitalier du Pays d'Aix à lui verser la somme totale de 361 251,11 euros en réparation de l'intégralité des préjudices consécutifs à sa prise en charge par le service des urgences de cet établissement le 21 février 2017 ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier du Pays d'Aix le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, les dommages résultant du second accident vasculaire cérébral dont elle a été victime doivent être intégralement indemnisés, l'expert ayant à cet égard précisé qu'elle avait subi une perte de chance certaine d'une minimisation voire d'une disparition des séquelles actuelles ;

- elle a droit à être indemnisée de ses préjudices à hauteur de 6 271,59 euros au titre de ses déficits fonctionnels temporaires total et partiel, 5 000 euros au titre des souffrances endurées évaluées à 2/7, 23 550 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent évalué à 15 %, 20 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, 5 000 euros au titre de son préjudice esthétique fixé à 2/7, 69 408 euros au titre de sa perte de gains professionnels actuels, 224 845 euros au titre de sa perte de gains professionnels futurs, 7 000 euros au titre des frais d'aménagement de son véhicule et 176,52 euros au titre des frais de mutuelle non pris en charge par son employeur.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 octobre 2020, le centre hospitalier du Pays d'Aix, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée le 14 septembre 2020 à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes qui n'a pas produit de mémoire.

Par ordonnance du 27 septembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 27 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Roma-Collignon, représentant Mme A... et de Me Demailly représentant le centre hospitalier du Pays d'Aix.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... relève appel du jugement du 13 juillet 2020 en tant que par celui-ci, le tribunal administratif de Marseille a limité à la somme de 17 652,51 euros le montant des indemnités qu'il a mises à la charge du centre hospitalier du Pays d'Aix en réparation des préjudices qui ont résulté de sa prise en charge par cet établissement à l'occasion de l'accident vasculaire cérébral dont elle a été victime le 21 février 2017.

Sur la responsabilité du centre hospitalier du Pays d'Aix :

2. Mme A..., alors âgée de 56 ans, a été admise le 21 février 2017 à 16 heures 30 au service des urgences du centre hospitalier du Pays d'Aix en raison d'un accident vasculaire cérébral (AVC). Elle a été invitée à regagner son domicile aux environs de 20 heures avec la prescription d'un traitement par antiagrégant et d'un bilan cardiologique à réaliser en ville, l'AVC dont elle a été victime ayant été jugé de trop faible gravité pour justifier un traitement par thrombolyse. Cependant, en raison d'une aggravation de son état marqué par un déficit moteur du membre supérieur droit, elle a été transportée, le lendemain au service des urgences de l'hôpital de Gap-Sisteron où l'examen neurologique et le scanner pratiqués ont permis de diagnostiquer un déficit sensitif douloureux ainsi qu'un déficit moteur de l'hémicorps droit prédominant au membre supérieur en lien avec l'AVC ischémique apparu la veille.

3. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Marseille, que la prise en charge par le service des urgences de l'AVC de Mme A..., eu égard à son âge, a été insuffisante et la décision de la renvoyer à domicile non conforme aux bonnes pratiques médicales qui imposent, en pareille situation, une hospitalisation d'une durée de 48 heures compte tenu de la persistance des symptômes déficitaires sensitifs de l'hémicorps droit, du caractère imprévisible de l'évolutivité de l'accident ischémique et des risques de complications, bien connus du corps médical. Dans ces conditions, la responsabilité du centre hospitalier du Pays d'Aix est engagée en raison des fautes commises dans la prise en charge médicale de Mme A... le 21 février 2017 par le service des urgences.

4. Il résulte également de l'instruction qu'en raison de l'absence d'hospitalisation immédiate, Mme A... a été privée du bénéfice de la réalisation de nouveaux examens lorsque, dans la nuit suivant sa sortie de l'hôpital, son état s'est aggravé, alors que la réalisation de ces examens auraient pu permettre de minimiser, voire de faire disparaître, les séquelles dont elle est désormais atteinte, l'expert ayant précisé à cet égard que, compte tenu de l'efficacité reconnue des traitements disponibles pour de tels troubles, la négligence fautive commise par l'établissement de santé est à l'origine, pour l'intéressée, d'une perte de chance d'éviter les conséquences dommageables de 50 % au minimum. En se bornant à réitérer son argumentation de première instance, qui n'est appuyée sur aucun élément d'ordre médical, Mme A... ne remet pas en cause utilement le bien-fondé du taux fixé par les premiers juges, au vu des conclusions de l'expertise, à 50 %.

Sur les préjudices :

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

5. En premier lieu, il résulte du rapport de l'expertise diligentée devant le tribunal administratif de Marseille que, du fait de la faute commise par le centre hospitalier du Pays d'Aix lors de sa prise en charge au service des urgences, le déficit fonctionnel temporaire de Mme A... a été total pendant 87 jours, du 21 février 2017 au 18 mai 2017, puis partiel à hauteur de 40 % pendant une durée de 399 jours, soit jusqu'au 22 juin 2018, date de consolidation de son état de santé. En fixant l'indemnisation de ce chef de préjudice à la somme de 1 650 euros après application du taux de perte de chance de 50 %, les premiers juges n'en ont pas fait une insuffisante évaluation.

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise, que Mme A... présente un taux de déficit fonctionnel permanent de 15 % en lien exclusif avec les séquelles de l'AVC dont elle a été victime, à l'origine d'un déficit de l'hémicorps droit, d'une gêne douloureuse de l'épaule droite ainsi que d'un syndrome dépressif réactionnel. Eu égard à ce taux et à son âge à la date de consolidation de son état de santé, soit 57 ans, le tribunal n'a pas fait une insuffisance évaluation de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 9 750 euros après application du taux de perte de chance de 50 %.

7. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que l'expert a admis l'existence pour Mme A... d'un préjudice d'agrément du fait des séquelles de son AVC en lien avec la faute commise par le centre hospitalier du Pays d'Aix. Toutefois, en se bornant devant la Cour à réitérer son argumentation de première instance et à mentionner un abandon de la pratique de la danse, activité antérieure non établie par les pièces du dossier et notamment pas par les attestations rédigées par des proches les 20 et 28 novembre 2019 et la lettre manuscrite à entête d'une salle de sport ni datée, ni signée, la requérante n'établit pas que les premiers juges, au vu des éléments qui leur ont été soumis, ont fait une insuffisance évaluation de ce poste de préjudice en le fixant à la somme de 500 euros après application du taux de perte de chance de 50 %.

8. En quatrième lieu, les premiers juges n'ont pas fait une estimation insuffisante des souffrances endurées par Mme A... évaluées par l'expert à 2 sur une échelle de 1 à 7 en en fixant la réparation à 900 euros après application du taux de perte de chance, ni du préjudice esthétique qu'elle a subi, également évalué à 2 sur la même échelle en raison des séquelles de l'AVC, en en fixant la réparation à la même somme après application du taux de perte de chance.

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

9. En premier lieu, Mme A... sollicite le remboursement de la somme de 176,52 euros au titre des frais de mutuelle non pris en charge par son employeur. Elle ne justifie cependant ni de la réalité ni du montant de ce préjudice par la seule production du courrier du 16 octobre 2018 que le directeur des Assurances Collectives Crédit Agricole Assurances a adressé à " Evasion Piscines ", son ancien employeur, informant ce dernier des nouvelles conditions tarifaires du contrat collectif d'assurance qu'il a souscrit, applicables à compter de l'année 2019.

10. En deuxième lieu, Mme A... demande à être indemnisée de la perte de gains professionnels qu'elle a subie du fait de la faute commise par le centre hospitalier du Pays d'Aix lors de la prise en charge de l'AVC dont elle a été victime le 21 février 2017. Elle soutient avoir été licenciée par ses deux employeurs, la société " Évasion Piscines " et la SARL " ENERSOL ", en raison de son inaptitude à poursuivre son activité professionnelle commerciale.

11. Il résulte du rapport de l'expertise que Mme A..., agent commercial en piscines et SPA, n'a pas été, postérieurement à l'AVC dont elle a été victime le 21 février 2017, en capacité physique de poursuivre son activité professionnelle dans les mêmes conditions. Si les pièces versées au dossier permettent d'établir qu'elle a été licenciée le 14 février 2019 par la société " Évasion Piscines " pour inaptitude professionnelle après avoir été placée deux ans durant en arrêt de maladie, la seule attestation du gérant de l'entreprise " ENERSOL ", datée du 10 février 2017 selon laquelle cette entreprise a dû la licencier au mois de février 2017 pour inaptitude " à la suite de sa maladie ", ne permet pas de démontrer que, comme elle persiste à le soutenir en appel, ce licenciement, qui lui est nécessairement antérieur, a été décidé en conséquence de l'AVC dont elle a été victime le 21 février 2017.

12. Par suite, eu égard à ce qui vient d'être dit et en tenant compte, d'une part, du salaire mensuel moyen qu'elle a perçu de la société " Évasion Piscines " au cours de l'année précédant son AVC d'après ses avis d'impositions sur le revenu des années 2015 et 2016, des indemnités journalières qui lui ont été servies par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Hautes-Alpes, d'un montant de 18 382,98 euros et, d'autre part, du taux de perte de chance de 50 %, c'est à bon droit que le tribunal a fixé à la somme de 3 952,51 euros l'indemnité réparant la perte de gains professionnels subie par Mme A... pour la période du 22 février 2017 au 22 juin 2018, date de consolidation de son état de santé.

13. Il ne résulte par ailleurs ni de l'instruction, ni des certificats médicaux non circonstanciés établis les 31 juillet 2019 et 8 septembre 2020 par un médecin généraliste ni, enfin, de la circonstance qu'elle bénéficie d'une carte " mobilité inclusion " et perçoit une pension d'invalidité servie par la CPAM des Hautes-Alpes que la requérante, dont le taux de déficit fonctionnel permanent a été évalué à 15 %, serait, comme elle le soutient, dans l'impossibilité d'exercer toute activité professionnelle depuis la consolidation de son état de santé. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont, pour rejeter ses conclusions tendant à l'indemnisation de la perte de gains professionnels futurs, retenu que ce préjudice ne présentait pas un caractère certain.

14. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'expertise médicale diligentée devant le tribunal administratif que l'état de santé de Mme A... requiert la conduite d'un véhicule équipé d'une boîte de vitesse automatique, l'expert s'étant borné à préciser que les séquelles sensitives qu'elle présente et le caractère douloureux de son épaule ne lui permettaient plus " la conduite automobile dans des conditions professionnelles ", alors, en tout état de cause, que la production d'un bon de réservation pour un véhicule d'occasion de marque Renault au prix de 7 000 euros daté du 27 avril 2019, libellé à son nom, mais qui n'est signé ni de l'acheteur, ni du vendeur, ne permet pas d'établir que la requérante aurait acquis un véhicule, doté ou non d'une boite de vitesses automatique. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à être indemnisée d'un tel chef de préjudice.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont évalué à la somme de 17 652,51 euros le montant de l'indemnisation de son préjudice.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier du Pays d'Aix, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme A... demande au titre des frais du litige.

D É C I D E :

Article 1er: La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au centre hospitalier du Pays d'Aix et à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, où siégeaient :

- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,

- Mme Massé-Degois, présidente assesseure,

- M. Mahmouti, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 2 juin 2022.

2

N° 20MA03441

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03441
Date de la décision : 02/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé - Établissements publics d'hospitalisation.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMLINGER
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : SARL LE PRADO - GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-06-02;20ma03441 ?
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