La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2022 | FRANCE | N°20MA04308

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 30 mai 2022, 20MA04308


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 26 avril 2018 par lequel la ministre des armées a refusé de la titulariser et l'a radiée du corps des adjoints administratifs du ministère de la défense pour insuffisance professionnelle et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi suite à cette décision.

Par un jugement n° 1801708, 1802576 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa

demande.

Procédure devant la Cour :

Par des mémoires enregistrés le 23 novembre 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler l'arrêté du 26 avril 2018 par lequel la ministre des armées a refusé de la titulariser et l'a radiée du corps des adjoints administratifs du ministère de la défense pour insuffisance professionnelle et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi suite à cette décision.

Par un jugement n° 1801708, 1802576 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par des mémoires enregistrés le 23 novembre 2020 et le 11 mars 2022, Mme C..., représentée par Me Hoffmann, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 septembre 2020 du tribunal administratif de Toulon ;

2°) d'annuler l'arrêté du 26 avril 2018 par lequel la ministre des armées a refusé de la titulariser et l'a radiée du corps des adjoints administratifs du ministère de la défense pour insuffisance professionnelle ;

3°) d'enjoindre à la ministre des armées, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de la réintégrer dans un emploi identique ou équivalent à celui qu'elle occupait, de reconstituer sa carrière et ses droits sociaux ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral subi suite à la décision de la ministre des armées du 26 avril 2018 portant refus de la titulariser au sein du corps des adjoints administratifs du ministère de la défense.

5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme C... soutient que :

- la décision attaquée est illégale car elle est entachée d'un vice de procédure ; le refus de la titulariser constitue en fait une sanction disciplinaire déguisée ;

- l'avis de la commission administrative paritaire compétente (CAPC) est un " copier-coller " de l'avis qui a été rendu le 19 février 2018 ; cette commission n'a ainsi pas délibéré réellement sur sa situation personnelle, la privant ainsi d'une garantie ;

- la décision attaquée est illégale car depuis son affectation le 1er avril 2017 au sein du 519ème Groupe de Transit Maritime, Mme C... a été la victime de harcèlement moral et elle a fait régulièrement l'objet de remarques sexistes et désobligeantes ; Mme C... a d'ailleurs fait part de sa souffrance au travail à son supérieur hiérarchique par un courrier qui n'a eu aucune incidence sur les faits de harcèlement ; les absences qui lui sont reprochées sont justifiées par l'état de santé de sa fille qui nécessite une prise en charge rapide et récurrente au sein de l'hôpital de la Timone ; Mme C... a d'ailleurs été placée en arrêt de travail pour souffrance psychique en lien avec le travail ; concernant ses prétendues insuffisances au travail, aucun reproche ne lui a été fait par son supérieur hiérarchique et elle n'a reçu aucune formation pour ce poste ; la décision de ne pas la titulariser est disproportionnée car le ministère avait la possibilité de reconduire le stage ;

- la décision attaquée est illégale en ce qu'elle se fonde sur une sanction disciplinaire intervenue le 12 mars 2018 ; cette sanction disciplinaire ne peut fonder à elle seule une insuffisance professionnelle ; en outre, la sanction disciplinaire du 12 mars 2018 est illégale car elle n'a pas été précédée d'une procédure garantissant à l'agent le respect des droits de la défense ;

- la décision attaquée est illégale car elle se fonde sur un courrier du 15 janvier 2018 qui contient des faits de nature privée détachables de l'exercice de ses fonctions et il ne lui a par ailleurs pas été demandé de fournir des explications par rapport à ces faits ;

- la décision attaquée est illégale en ce qu'elle se fonde, et cela ressort du rapport en date du 19 février 2018 sur le fait qu'elle n'avait pas obtenu une habilitation " confidentiel défense " ; d'une part il n'est pas apporté la preuve qu'elle n'a pas obtenu une telle habilitation ; d'autre part, l'administration n'explique pas pourquoi une telle habilitation serait nécessaire pour occuper le poste en cause ; le besoin d'une telle habilitation ne figure pas sur sa fiche de poste ;

- en raison du caractère illégal de la décision lui refusant d'être titularisée, elle est fondée à solliciter une indemnisation en réparation des préjudices qui ont résulté de l'arrêté du 26 avril 2018.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 février 2022, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 27 mars 2017, Mme A... C... a été nommée dans le corps des adjoints administratifs de deuxième classe du ministère de la défense, en qualité d'adjointe administrative du ministre de la défense stagiaire à compter du 1er avril 2017. Elle a été affectée au 519ème groupe de transit maritime (GTM), établissement situé au sein de la base navale de Toulon, à Ollioules (83). Par un arrêté du 26 avril 2018 portant non titularisation dans le corps des adjoints administratifs et radiation des cadres, Mme C... a été radiée du corps des adjoints administratifs du ministère de la défense, à compter du 1er juin 2018.

2. Par la présente requête, Mme C... relève appel du jugement en date du 29 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté son recours visant à l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2018 et à la condamnation de l'Etat à réparer son préjudice moral.

Sur le bien-fondé du jugement :

Sur la légalité de l'arrêté du 26 avril 2018 :

3. L'autorité compétente ne peut prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.

4. Il résulte de ce qui précède que, pour apprécier la légalité d'une décision de refus de titularisation, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressée a été mis à même de faire valoir ses observations.

5. En premier lieu, Mme C... soutient que la décision de non-titularisation la concernant a été prise non en raison de son insuffisance professionnelle mais en se fondant sur la sanction disciplinaire qui lui a été infligée le 12 mars 2018. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si le rapport rédigé par le commandant du 519ème Groupe de Transit Maritime de Toulon du 19 février 2018 évoque l'incident du même jour qui s'est déroulé à l'entrée de la base entre la requérante et un agent de sécurité chargé du filtrage a valu à Mme C... une sanction disciplinaire le 12 mars 2018, la décision de refus de titularisation de l'intéressée du 26 avril 2018 ne mentionne pas ladite sanction et se borne à préciser que : " Au cours de sa période probatoire, madame A... C... ne s'est pas révélée apte à tenir un emploi de son grade. ". Ainsi, le refus de titularisation de Mme C... apparaît justifié par les insuffisances de la requérante au regard des attendus de son poste et elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que la décision serait entachée d'un vice de procédure en ce que le refus de titularisation serait fondé sur des faits disciplinaires et sur la sanction afférente du 12 mars 2018. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure en ce que la décision serait fondée sur la sanction du 12 mars 2018 et serait ainsi une sanction déguisée doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il constant que la commission administrative paritaire compétente à l'égard du corps des adjoints administratifs du ministère de la défense s'est réunie le 19 avril 2018 et a formulé un avis proposant la non titularisation de Mme C.... Celle-ci soutient que cet avis serait uniquement un " copier-coller " du rapport du commandant du 519ème GTM de Toulon du 19 février 2018, ce qui établirait que la commission administrative paritaire compétente n'a pas effectivement débattu de sa situation personnelle, la privant ainsi d'une garantie.

7. En l'espèce, l'extrait de l'avis de la commission présente l'aspect d'un tableau reprenant chacun des sujets développés par le commandant du 519ème GTM de Toulon dans son rapport du 19 février 2018 qui fonde la décision contestée et dont la commission s'est appropriée les termes. Cette situation ne saurait suffire à démontrer tant l'absence alléguée de débat au sein de la commission que l'irrégularité de l'avis de cette commission et, par suite, la privation d'une garantie pour l'appelante.

8. En troisième lieu, Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui.

9. Mme C... soutient avoir été victime depuis son arrivée au sein du 519ème GTM de Toulon le 1er avril 2017 de faits de harcèlement moral et de souffrance au travail. Elle produit un courrier du 21 septembre 2017 ni daté ni signé relatant des faits et événements, isolés, non précis dans leur date, et non corroborés par d'autres pièces qui, en tout état de cause, ne caractérisent pas une forme de harcèlement moral. En outre, Mme C... produit deux certificats médicaux qui illustrent ses difficultés au travail mais ne suffisent à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral. Au demeurant, ces certificats médicaux ont été délivrés après les événements qui ont émaillé le stage de Mme C... et juste avant que la décision attaquée ne soit prise par l'administration. Enfin, l'appelante n'établit pas, par ses seules affirmations, avoir subi des remarques sexistes et désobligeantes dans le cadre de son travail ni des remarques au sujet de sa fille dont la santé est fragile. Il résulte de ce qui précède que les agissements de harcèlement moral dont Mme C... estime avoir été victime ne sont pas établis.

10. En quatrième lieu, Mme C... soutient qu'elle a acquis les qualités nécessaires minimales requises pour être titularisée en tant qu'adjoint administratif du ministère de la défense. Il ressort toutefois des pièces du dossier et notamment du rapport déjà cité du 19 février 2018 que Mme C... " n'a pas montré les qualités nécessaires d'un agent d'administration au sein de l'armée de terre. ". Parmi les reproches qui lui sont formulés, et comme l'ont relevé les premiers juges, figurent un manque d'autonomie, des lacunes en matière d'organisation et de rigueur, un manque de disponibilité et le non-respect des horaires de travail. Ces différents manques qui n'apparaissent pas seulement relever du déficit de formation allégué et qui sont susceptibles d'emporter des conséquences opérationnelles, sont largement corroborés par les pièces du dossier, notamment par un nombre important de mails adressés par sa hiérarchie, directement à Mme C..., au cours de l'année 2017 mais également au début de l'année 2018. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la ministre de la défense aurait entaché la décision attaquée d'illégalité.

11. En cinquième lieu, à supposer même que la sanction disciplinaire du 12 mars 2018 que Mme C... s'est vue infliger ait été illégale, cette illégalité ne saurait avoir aucune incidence sur la légalité de la décision litigieuse. Il y a lieu ainsi d'écarter ce moyen d'exception d'illégalité de la sanction du 12 mars 2018 infligée à l'appelante comme inopérant.

12. En sixième lieu, la décision litigieuse du 26 avril 2018 n'a pas été fondée sur le motif de l'absence d'habilitation Confidentiel Défense mais uniquement sur le motif d'insuffisance professionnelle de l'intéressée. Mme C... ne saurait ainsi utilement soutenir que la décision serait illégale en raison de ce défaut d'habilitation.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-9 du décret du 11 mai 2016 relatif à l'organisation des carrières des fonctionnaires de catégorie C de la fonction publique de l'Etat : " Les fonctionnaires recrutés après avis de la commission de sélection compétente dans le grade relevant de l'échelle de rémunération C1 et les fonctionnaires recrutés dans le grade relevant de l'échelle de rémunération C2, au titre du concours externe ou au titre du troisième concours sont nommés stagiaires et accomplissent un stage d'une durée d'un an. / A l'issue de ce stage, les stagiaires dont les services ont donné satisfaction sont titularisés. Les autres stagiaires peuvent, après avis de la commission administrative paritaire, être autorisés à effectuer un stage complémentaire d'une durée maximale d'un an. Si le stage complémentaire a été jugé satisfaisant, les intéressés sont titularisés. / Lorsque des fonctionnaires ne sont pas titularisés à l'issue du stage initial ou à l'issue du stage complémentaire, ils sont soit licenciés, s'ils n'avaient pas préalablement la qualité de fonctionnaire, soit réintégrés dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine, selon les dispositions qui leur sont applicables (...) ".

14. Mme C... soutient qu'une prolongation de son stage aurait pu lui être proposée. Toutefois, en vertu des dispositions précitées, cette prolongation de stage ne constitue pas un droit et ainsi qu'il résulte des points 5 à 12, l'administration n'a pas entaché sa décision de ne pas renouveler le stage de Mme C... d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur les conclusions indemnitaires :

15. Mme C... soutient que l'illégalité fautive de la décision du 26 avril 2018 a entrainé pour elle un préjudice moral qu'il convient de réparer à hauteur de 10 000 euros à parfaire. Toutefois, le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de la décision du 26 avril 2018, aucune illégalité fautive n'est par conséquent imputable à la ministre des armées.

16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 26 avril 2018 par lequel la ministre des armées a refusé de la titulariser et l'a radiée du corps des adjoints administratifs du ministère de la défense pour insuffisance professionnelle et de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi.

17. Par suite, la requête de M. C... doit également être rejetée en ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2022, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Prieto, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 30 mai 2022.

N° 20MA04308 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04308
Date de la décision : 30/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-03-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Entrée en service. - Stage. - Fin de stage.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: M. Gilles PRIETO
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : HOFFMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-30;20ma04308 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award