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24/05/2022 | FRANCE | N°22MA00568

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 24 mai 2022, 22MA00568


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. B..., F... et D... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 29 novembre 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté leur demande d'autorisation d'ouverture d'un bureau annexe à la résidence de Leucate et la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'ils ont formé contre cette décision, ainsi que d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de délivrer à la société civile professionnelle ", notaires associés ", titu

laire d'un office notarial, une attestation de la décision implicite du 21 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. B..., F... et D... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 29 novembre 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté leur demande d'autorisation d'ouverture d'un bureau annexe à la résidence de Leucate et la décision implicite de rejet du recours gracieux qu'ils ont formé contre cette décision, ainsi que d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de délivrer à la société civile professionnelle ", notaires associés ", titulaire d'un office notarial, une attestation de la décision implicite du 21 août 2016 autorisant l'ouverture d'un bureau annexe à la résidence de Leucate, ou, à défaut, de prendre une nouvelle décision.

Par un jugement n° 1806436 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.

Par un arrêt n° 19MA04224 du 14 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé d'une part ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du

5 juillet 2019, d'autre part la décision du 29 novembre 2016 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a retiré à la SCP " Jacques B..., Jean-Luc F... et Alain D..., notaires associés titulaires d'un office notarial ", une décision d'autorisation d'ouverture d'un bureau annexe à la résidence de Leucate et de suppression d'un bureau annexe à la résidence de Durban-Corbières, enfin la décision confirmative prise sur le recours gracieux contre cette décision, et a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de délivrer à la SCP " Jacques B...,

Jean-Luc F... et Alain D..., notaires associés titulaires d'un office notarial " devenue SCP ", notaires associés ", une attestation d'autorisation d'ouverture d'un bureau annexe à Leucate et de suppression du bureau annexe de Durban-Corbières, dans un délai de deux mois à compter de la notification l'arrêt.

Procédure devant la Cour :

I - Par une requête, enregistrée le 11 février 2022, sous le n° 22MA00568,

Me Isabelle B..., représentée par Me Paré, demande à la Cour :

1°) de rétracter cet arrêt n° 19MA04224 du 14 décembre 2021 ;

2°) de rejeter la requête d'appel de la SCP ;

3°) de mettre à la charge de la SCP la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêt attaqué préjudicie à ses droits, ce qui rend recevable sa tierce opposition ;

- c'est à tort que, pour annuler la décision ministérielle de refus, en la qualifiant de retrait d'une décision tacite d'acceptation, assujetti en tant que tel à une procédure contradictoire préalable, la Cour a fait application des dispositions du code des relations entre le public et l'administration, dès lors qu'un office notarial est une personne morale de droit privé chargée d'une mission de service public, au sens de l'article L. 100-3 de ce code ;

- c'est à tort que la Cour a considéré que la décision ministérielle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, les dispositions de l'article 52 de la loi du 6 août 2015 relative à la liberté d'installation et aux créations d'offices, n'étant pas applicables à la création de bureaux annexes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2022, la SCP Alain A., Nathalie R., Guillem R., Elodie F., Ombeline P. -L. et Jean-Luc M., notaires, représentée par Me Cros, conclut au rejet de la requête et ce que soit mise à la charge de Me B... la somme de

5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société fait valoir que :

- la tierce opposition est irrecevable, faute pour son auteur de justifier d'un droit ou d'un intérêt lésé par l'arrêt de la Cour ;

- subsidiairement, aucun des moyens n'est fondé.

II - Par une requête, enregistrée le 11 février 2022, sous le n° 22MA00569,

Me Triabo-Bobo, représentée par Me Paré, demande à la Cour :

1°) de surseoir à l'exécution de l'arrêt n° 19MA04224 du 14 décembre 2021, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête en tierce opposition contre cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de la SCP Alain A., Nathalie R., Guillem R., Elodie

F., Ombeline P. -L. et Jean-Luc M. la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la mise en œuvre de l'autorisation tacite d'ouverture d'un bureau annexe à Leucate au profit de la SCP, malgré le recours en tierce opposition contre l'arrêt de la Cour qui reconnaît l'existence de cette autorisation, porterait une atteinte manifestement excessive au fonctionnement du service public notarial ;

- les deux moyens soulevés à l'appui de sa tierce opposition présentent un caractère suffisamment sérieux pour justifier le sursis à exécution de l'arrêt.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2022, la SCP Alain A., Nathalie R., Guillem R., Elodie F., Ombeline P. -L. et Jean-Luc M., notaires, représentée par Me Cros, conclut au rejet de la requête et ce que soit mise à la charge de Me B... la somme de

5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société fait valoir que :

- la demande de sursis à exécution de l'arrêt du 14 décembre 2021 est irrecevable, compte tenu de l'irrecevabilité de la tierce opposition formée contre cette décision juridictionnelle ;

- subsidiairement, la demande n'est pas fondée.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Paré, représentant Mme B... et de Me Cros, représentant la SCP.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 29 novembre 2016, le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté la demande présentée par, notaires associés d'une société civile professionnelle (SCP) titulaire d'un office de notaire à Sigean, d'autorisation d'ouverture d'un bureau annexe à la résidence de Leucate. Par un jugement du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision de refus, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux contre cette décision, et à ce qu'il soit enjoint au ministre de délivrer à la SCP une attestation de la décision implicite du 21 août 2016 autorisant l'ouverture d'un bureau annexe à la résidence de Leucate, ou, à défaut, de prendre une nouvelle décision. Par un arrêt du 14 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et ces décisions, les qualifiant respectivement de retrait d'une décision tacite d'acception et de confirmation tacite d'un tel retrait, et a enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice,de délivrer à la SCP ", notaires associés titulaires d'un office notarial " devenue SCP ", notaires associés ", une attestation d'autorisation d'ouverture d'un bureau annexe à Leucate et de suppression du bureau annexe de Durban-Corbières, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Par une requête enregistrée sous le n° 22MA00568, Me B..., notaire à Leucate depuis 2018, forme tierce opposition contre cet arrêt, dont elle demande le sursis à exécution par sa requête enregistrée sous le n° 22MA00569.

2. Ces deux recours sont dirigés contre le même arrêt et présentent à juger des questions communes. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la tierce opposition :

3. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ".

4. L'annulation par une décision juridictionnelle d'une décision de refus d'autorisation d'ouverture d'un bureau annexe d'office notarial, au motif que cette décision s'analyse comme le retrait d'une autorisation tacite, se borne à rétablir cette autorisation dans l'ordonnancement juridique à compter de la lecture de cette décision juridictionnelle. Dès lors que cette décision de retrait d'autorisation n'intervient pas sur recours gracieux ou hiérarchique formé par des titulaires d'offices notariaux concurrents du bénéficiaire de l'autorisation, elle ne peut faire naître des droits au profit de ces personnes en leur seule qualité de notaires exerçant sur la même zone géographique. L'annulation contentieuse de cette décision de retrait ne saurait, dès lors, préjudicier à des droits détenus par les tiers. Néanmoins, les tiers intéressés demeurent recevables à contester devant la juridiction administrative la légalité de l'autorisation tacite ainsi rétablie à compter de la lecture de la décision juridictionnelle annulant son retrait, dans le délai de recours déclenché par les mesures de publicité conférée à cette autorisation.

5. Il suit de là qu'en sa seule qualité de notaire exerçant depuis 2018 à Leucate,

Me B..., qui n'a pas présenté de demande de retrait de l'autorisation tacite née le

21 août 2016 au bénéfice de la SCP " Jacques Laffon, Jean-Luc Marcuello et Alain Ayrolles, notaires associés titulaires d'un office notarial ", ni même de recours gracieux contre cette autorisation, ne justifie pas d'une qualité suffisante pour former tierce opposition contre l'arrêt de la Cour qui annule la décision ministérielle du 29 novembre 2016, retirant implicitement mais nécessairement cette autorisation, et enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice, de délivrer à la SCP, devenue SCP " Alain Ayrolles, Nathalie Roudières, Guillem Ricour, Elodie Fourcadet, Ombeline Poudou-Labonde et Jean-Luc Marcuello, notaires associés ", une attestation d'autorisation d'ouverture d'un bureau annexe à Leucate et de suppression du bureau annexe de Durban-Corbières. La tierce opposition de Mme B... ne peut donc être admise, ainsi que le soutient la SCP en défense.

Sur le sursis à exécution :

6. La Cour s'étant prononcée sur le recours en tierce opposition de Me B... contre l'arrêt du 14 décembre 2021, il n'y a pas lieu pour elle de statuer sur les conclusions de son recours tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de cet arrêt dans l'attente du jugement de la tierce opposition.

Sur les frais d'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la SCP, qui n'est pas la partie perdante dans ces instances, au titre des frais exposés par Me B... et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre ne peuvent donc qu'être rejetées.

8. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Me B..., au bénéfice de la SCP, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par celle-ci dans ces instances et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du recours n° 22MA00569 de

Me B... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de l'arrêt n° 19MA04224 du

14 décembre 2021.

Article 2 : La tierce opposition de Me B... n'est pas admise.

Article 3 : Les conclusions de Me B... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice sont rejetées.

Article 4 : Me B... versera à la SCP " Alain D..., Nathalie Roudières, Guillem Ricour, Elodie Fourcadet, Ombeline Poudou-Labonde et Jean-Luc F..., notaires associés, la somme de

1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me B..., à la SCP ", notaires associés ", et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022.

N° 22MA00568, 22MA005692


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00568
Date de la décision : 24/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Procédure - Voies de recours - Tierce-opposition.

Procédure - Voies de recours - Tierce-opposition - Recevabilité.

Procédure - Voies de recours - Tierce-opposition - Recevabilité - Notion de droit lésé.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : PARE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-24;22ma00568 ?
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