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24/05/2022 | FRANCE | N°21MA04165

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 24 mai 2022, 21MA04165


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 31 juillet 2019 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de regroupement familial, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à son épouse un certificat de résidence d'un an, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, et d'autoriser le regroupement familial sollicité, et à défaut, d'enjoindre au préfet d

es Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de sa demande de regroupement familia...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 31 juillet 2019 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de regroupement familial, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à son épouse un certificat de résidence d'un an, dans un délai d'un mois à compter du jugement à intervenir, et d'autoriser le regroupement familial sollicité, et à défaut, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de procéder au réexamen de sa demande de regroupement familial et, dans l'attente, de munir son épouse d'une autorisation provisoire de séjour, assortie d'une autorisation de travail.

Par un jugement n° 2001190, du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 octobre 2021, M. C..., représenté par

Me Decaux, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 18 mai 2021 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler la décision du 31 juillet 2019 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande de regroupement familial, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à son épouse un certificat de résidence algérien d'un an, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir, et d'autoriser le regroupement familial de sa famille ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions attaquées sont entachées d'une erreur de droit au motif que le préfet s'est borné à relever la présence irrégulière de son épouse en France, sans tenir compte de l'état de santé de celle-ci, et de sa situation familiale ;

- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation en ce que le préfet ne lui a pas exceptionnellement accordé un regroupement familial sur place ;

- la décision du 31 octobre 2019 est entachée d'illégalité au motif qu'elle ne statue pas sur sa disposition d'un logement normal ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 3 septembre 2021 a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. C....

Une ordonnance du 24 février 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 24 avril 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. Le 21 décembre 2018, M. B... C..., ressortissant algérien, né le

28 septembre 1983, a introduit en faveur de son épouse et de leurs deux enfants une demande de regroupement familial. Par une décision du 31 juillet 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande au motif, d'une part, que son logement actuel ne permettait pas l'accueil de sa famille dans des conditions décentes, et d'autre part, que son épouse et ses enfants étaient déjà irrégulièrement présents sur le territoire français, et qu'aucun motif exceptionnel ne justifiait de déroger au principe de la présence hors du territoire français du bénéficiaire du regroupement. Par une décision du 31 octobre 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône a également rejeté le recours gracieux que lui a adressé M. C.... Ce dernier relève appel du jugement du 18 mai 2021 du tribunal administratif de Marseille qui rejette sa requête dirigée contre ces deux décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du

27 décembre 1968 : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. / Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. / Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont pris en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance / 2 - le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. / Peut être exclu de regroupement familial : / (...) 2 - un membre de la famille séjournant à un autre titre ou irrégulièrement sur le territoire français (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Le droit au respect de la vie privée et familiale ne saurait s'interpréter comme comportant pour un Etat l'obligation générale de respecter le choix, par les couples mariés, de leur domicile commun et d'accepter l'installation de conjoints non nationaux dans le pays.

4. Enfin, l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant stipule que : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".

5. Si, lorsqu'il se prononce sur une demande de regroupement familial, le préfet est en droit de rejeter la demande dans le cas où l'intéressé ne justifierait pas remplir l'une ou l'autre des conditions légalement requises, il dispose toutefois d'un pouvoir d'appréciation et n'est pas tenu par les dispositions précitées, notamment dans le cas où il est porté une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou à l'intérêt supérieur de l'enfant du demandeur, protégé par les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

6. En premier lieu, il ressort des termes de la décision du 31 juillet 2019 que pour refuser de faire droit à la demande de regroupement familial déposée par M. C... au profit de son épouse, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé sur le caractère irrégulier de la présence en France de celle-ci et de ses deux enfants mineurs, et sur le fait qu'aucun motif exceptionnel ne justifie de déroger au principe de présence hors du territoire français du bénéficiaire du regroupement. Il ressort des pièces du dossier que la seconde fille de l'intéressé est née en France le 15 juin 2018, soit antérieurement à la demande du 21 décembre 2018 de regroupement familial. Ainsi, en tout état de cause, M. C... n'est pas fondé à soutenir que les problèmes de santé de son épouse durant sa deuxième grossesse l'auraient légitimement empêché de voyager, et par suite, que c'est à tort que le préfet a considéré qu'elle s'est irrégulièrement maintenue en France. En outre, les certificats médicaux des 2 février et

28 novembre 2018 et du 4 août 2020 produits par M. C... d'où il ressort que son épouse est médicalement suivie en France dans un service de chirurgie vasculaire, n'établissent pas que, postérieurement à la naissance de leur enfant au 15 juin 2018, et au plus tard à la date de la décision attaquée, son épouse était dans l'impossibilité, pour des raisons médicales, de quitter le territoire français. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet ne s'est pas estimé en situation de compétence liée au regard de la superficie insuffisante du logement de l'intéressé pour accueillir deux adultes et deux enfants, et il a examiné les conséquences de son refus sur sa vie privée et familiale. Ainsi, le moyen tiré de ce que le préfet n'a pas usé de son pouvoir d'appréciation doit être écarté comme manquant en fait. En outre, le préfet n'a pas davantage méconnu les stipulations précitées de l'article 4 de l'accord franco-algérien, dès lors que la femme de l'intéressé se trouvait en situation irrégulière sur le territoire national depuis le 22 décembre 2017, et qu'il pouvait légalement opposer un tel motif à la demande présentée par M. C... en faveur de son épouse.

7. En deuxième lieu , la circonstance que M. C... ait disposé au

13 septembre 2019 d'une habitation répondant aux normes d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France, est sans incidence sur la légalité de la décision du 31 octobre 2019 qui rejette son recours gracieux formé le 30 septembre 2019, dès lors que comme il a été dit au point 6, M. C... n'entre pas dans les prévisions de

l'article 4 de l'accord franco-algérien susvisé pour bénéficier de la procédure de regroupement familial, au motif de la présence irrégulière de son épouse sur le territoire national.

8. En troisième lieu, M. C... renouvelle devant la Cour, sans aucun élément nouveau, le moyen développé devant le tribunal administratif de Marseille et tiré d'une méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges, celui-ci ne saurait être accueilli.

9. En quatrième lieu, dès lors que M. C..., son épouse et leurs deux enfants ont la nationalité algérienne, il n'existe aucun obstacle juridique à ce que la cellule familiale se reconstitue en Algérie, l'arrêté querellé n'ayant ni pour objet, ni pour effet, de priver les enfants de l'intéressé de l'un de leurs parents. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a considéré que le préfet des Bouches-du-Rhône, par l'arrêté querellé, n'a en méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, ni porté atteinte aux droits des enfants C..., ni entaché sa décision d'une erreur de droit ou de fait, ou d'une erreur d'appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions d'annulation présentées par

M. C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de

l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à l'avocat de M. C... de quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me Decaux et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022.

N° 21MA041652


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04165
Date de la décision : 24/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Didier URY
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : DECAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-24;21ma04165 ?
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