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24/05/2022 | FRANCE | N°21MA02194

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 24 mai 2022, 21MA02194


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 26 février 2015 par laquelle le directeur général de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille Provence (CCIMP) l'a informé de la proposition de rattachement de son poste à l'emploi de responsable d'activité et la décision du 24 juillet 2015 par laquelle le président par intérim de la chambre de commerce et d'industrie de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (CCIR PACA) a rejeté son recours gra

cieux du 1er juillet 2015 contre la décision du 4 juin 2015 l'informant du r...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. F... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 26 février 2015 par laquelle le directeur général de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille Provence (CCIMP) l'a informé de la proposition de rattachement de son poste à l'emploi de responsable d'activité et la décision du 24 juillet 2015 par laquelle le président par intérim de la chambre de commerce et d'industrie de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (CCIR PACA) a rejeté son recours gracieux du 1er juillet 2015 contre la décision du 4 juin 2015 l'informant du rattachement de son poste à l'emploi de responsable d'activité, d'autre part, de condamner la CCIMP et la CCIR PACA à lui verser la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral résultant de cette classification illégale, la somme de 90 000 euros au titre de faits constitutifs de harcèlement moral à son encontre et la somme de 80 000 euros au titre de l'ajustement de sa rémunération et de son plan de carrière.

Par un jugement n° 1507794 du 28 avril 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17MA02834 du 23 avril 2019, la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel de M. B..., a annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. B... tendant à l'annulation de la décision du 24 juillet 2015 et ses conclusions indemnitaires, annulé la décision du 24 juillet 2015, condamné la CCIMP et la CCIR PACA à verser à M. B... la somme de 5 000 euros au titre du préjudice subi à raison des faits de harcèlement moral et rejeté le surplus des conclusions de M. B....

Par une décision n° 431860 du 31 mai 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'article 5 de cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires de M. B... et a renvoyé l'affaire à la Cour dans la mesure de la cassation ainsi prononcée.

Procédure devant la Cour :

Par une lettre du 21 juin 2021, la Cour a informé les parties de la possibilité pour elles de produire des observations à la suite de la décision de renvoi.

Par un mémoire, enregistré le 2 mars 2022, la CCIMP et la CCIR PACA, représentées par Me Grimaldi, persistent dans leurs précédentes écritures.

Elles ajoutent que :

- les prétentions indemnitaires de M. B... au titre des agissements de harcèlement moral, dépourvues de tout élément de justification, doivent être ramenées à de plus justes proportions ;

- ses conclusions relatives à l'ajustement de sa rémunération ne sont nullement justifiées ;

- la somme réclamée au titre du préjudice moral lié à la classification illégale de son emploi n'est pas davantage justifiée et doit être ramenée elle aussi en tout état de cause à de plus justes proportions.

Par un mémoire, enregistré le 6 mars 2022, M. B..., représenté par Me Maillancourt, demande en outre à la Cour :

- à titre principal, de désigner un expert aux fins de déterminer les préjudices subis depuis la consolidation de sa maladie professionnelle ;

- à titre subsidiaire, de condamner la CCI Marseille Provence, outre à lui verser les sommes de 30 000 et de 90 000 euros en réparation des préjudices moraux causés respectivement par la décision du 26 juillet 2015 et au titre du harcèlement moral, à lui payer la somme de

1 404 295,53 en réparation du préjudice financier sur la base de l'augmentation conventionnelle non appliquée, la somme de 524 941.82 euros en réparation du préjudice financier sur la base

indiciaire pratiquée, la somme de 13 037 euros au titre de l'indemnité des congés non payés ;

- de réactualiser l'indemnité de licenciement pour obtenir la somme de

1 321 541,98 euros, en cas de prise en compte de la catégorie 7, ou celle de 1 846 484 euros, en cas de prise en compte de la catégorie 8 ;

- de condamner la CCI Marseille Provence à lui payer la somme de 175 398,27 euros, en réparation des primes non payées et la somme de 3310, 48 euros au titre des frais de

mutuelle ;

- de mettre à la charge de la CCI Marseille Provence la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il ajoute que :

- la décision du 24 juillet 2015, qui s'analyse en une sanction déguisée lui ayant causé un préjudice moral, n'est motivée ni en droit ni en fait ;

- cette mesure participe du harcèlement moral dont il a été victime ;

- ce harcèlement moral est à l'origine pour lui d'une maladie professionnelle reconnue comme telle par le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles du

22 mars 2021 ;

- il est fondé à demander l'indemnisation du préjudice subi du fait de l'absence de versement de l'augmentation contractuellement prévue, due aux agissements de harcèlement de son employeur et aux sanctions déguisées dont il a été victime ;

- en ce qui concerne le préjudice financier lié à l'absence de toute augmentation salariale, et au titre du harcèlement moral subi, il y a lieu d'ordonner la nomination d'un expert judiciaire aux fins de reconstituer sa carrière entre 2003 et 2016, au regard des réévaluations indiciaires réglementaires et statutaires, et de la revalorisation qui aurait dû avoir lieu à son bénéfice, selon l'accord financier, outre les congés payés de l'année 2013 ;

- au titre du harcèlement moral subi, il a droit à la réparation du préjudice financier inhérent à la non mise en œuvre de l'évolution de carrière faite par le groupe ESIM ainsi qu'à celui lié à l'absence de versement des indemnités statutaires salariales ;

- au titre de la période postérieure à la consolidation de son état de santé, il peut prétendre à l'indemnisation des souffrances physiques et morales, de son préjudice d'agrément ainsi que de son déficit fonctionnel temporaire, de son déficit fonctionnel permanent, des frais d'assistance par tierce personne à titre temporaire, de l'incidence professionnelle, des dépenses de santé futures, des frais d'assistance à l'expertise et des préjudices permanent exceptionnel et d'établissement.

Un mémoire et une lettre produits pour M. B... ont été enregistrés le 9 mai 2022, après la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 52-1311 du 13 décembre 1952 ;

- l'arrêté du 25 juillet 1997 relatif au statut du personnel de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie, des chambres de commerce et d'industrie et des groupements consulaires ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Maillancourt, représentant M. B..., et de Me Grimaldi, représentant la CCIMP et la CCIR PACA.

Considérant ce qui suit :

1. Recruté le 28 octobre 1992 par la chambre de commerce et d'industrie de Marseille Provence (CCIMP) en qualité de cadre contractuel pour occuper les fonctions d'ingénieur à temps partiel au sein de l'école supérieure d'ingénieurs de Marseille, M. B... a été nommé le

28 juillet 1999 ingénieur enseignant chercheur puis engagé par contrat à durée indéterminée le 1er novembre 2001. Par décision du 31 décembre 2007, il a été titularisé à compter du 1er janvier 2008 avec l'attribution d'un indice d'expérience de 55 et d'un indice transitoire de 1 077,36 calculé en fonction de la rémunération annuelle brute alors perçue de 66 735,87 euros. Par décision du 19 décembre 2008, il a été fait application à M. B..., à compter du 1er janvier 2009, de la nouvelle classification des emplois en qualifiant le sien de responsable de professionnalisation, niveau 7, échelon B, ouvrant droit à une rémunération, d'un montant identique à celui qu'il percevait auparavant, résultant de l'indice de qualification 530, de l'indice de résultat 547,36 et de l'indice d'expérience 60. À la suite de la suppression de son poste décidée le 24 février 2012, il a été reclassé en qualité de conseiller expert en développement durable à compter du 1er juillet 2012, rattaché à l'emploi d'expert conseil, niveau 7, échelon B, indice 530. Par une décision du 26 février 2015, le directeur général de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille Provence (CCIMP) l'a informé de la proposition de rattachement de son poste à l'emploi de " responsable d'activité ". Par une décision du directeur général de la CCIMP du 4 juin 2015, confirmée par une décision du président par intérim de la chambre de commerce et d'industrie de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (CCIR PACA) du 24 juillet 2015, prise pour la mise en œuvre de la classification des emplois applicable à compter du 1er septembre 2015, M. B... a été reclassé sur l'emploi de responsable d'activité, niveau 7, indice de qualification 530, indice de résultat 552,36, indice d'expérience 90. Par jugement du 28 avril 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 26 février 2015 et du 24 juillet 2015 et à la condamnation de la CCIMP et la CCIR PACA à lui verser la somme de 30 000 euros au titre du préjudice moral résultant de cette classification illégale, la somme de 90 000 euros au titre de faits constitutifs de harcèlement moral à son encontre et la somme de 80 000 euros au titre de l'ajustement de sa rémunération et de son plan de carrière. Par un arrêt du 23 avril 2019, la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel de M. B..., a annulé ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 24 juillet 2015 et ses conclusions indemnitaires, a annulé la décision du 24 juillet 2015, a condamné la CCIMP et la CCIR PACA à verser à M. B... la somme de 5 000 euros au titre du préjudice subi à raison des faits de harcèlement moral et a rejeté le surplus des conclusions de M. B.... Par décision du 31 mai 2021, le Conseil d'Etat, sur pourvoi de M. B..., a annulé cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions indemnitaires et a renvoyé l'affaire à la Cour dans la mesure de cette cassation.

Sur l'étendue du litige :

2. Il résulte de la décision de renvoi du Conseil d'Etat et des motifs qui en sont le soutien nécessaire, que la Cour se trouve ressaisie non seulement des conclusions indemnitaires de M. B... fondées sur l'illégalité de la décision du 24 juillet 2015, mais encore de ses prétentions indemnitaires liées au non-respect d'un accord d'augmentation salariale, et de ses conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables du harcèlement moral dont il a été victime et qui n'auraient pas été déjà réparées par la partie de l'arrêt de la Cour du

23 avril 2019 devenue irrévocable.

Sur les conclusions indemnitaires liées à la décision du 24 juillet 2015 :

3. Pour demander la condamnation de la CCIMP et de la CCIR PACA à lui verser la somme de 30 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait de la décision du 24 juillet 2015 confirmant le rattachement de son poste d'expert en développement durable à l'emploi de responsable d'activité de niveau VII dans la nouvelle classification des emplois applicable dans les CCI à compter du 1er septembre 2015, M. B... soutient que cette mesure est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et qu'elle constitue une sanction déguisée.

4. L'autorité absolue de chose jugée attachée à l'arrêt de la Cour du 23 avril 2019 qui a annulé cette décision pour erreur manifeste d'appréciation et qui s'impose au juge saisi de conclusions en responsabilité fondées sur son illégalité, ne fait pas obstacle à ce que M. B... sollicite une indemnité pour réparer le préjudice causé selon lui par cette mesure, en invoquant d'autres illégalités que celle ainsi censurée.

5. Toutefois, contrairement à ce qu'il allègue, la décision du 24 juillet 2015, qui se borne à confirmer le rattachement du dernier poste occupé par M. B... à l'emploi de responsable d'activité de niveau VII, n'a ni pour objet ni pour effet de modifier les attributions attachées à son poste ni même la fiche descriptive de ce poste. La circonstance que M. B... n'a reçu, en réalité, à compter de son affectation sur ce poste, aucune mission ni aucun travail, demeure à cet égard sans incidence. Cette mesure n'a pas davantage pour effet d'emporter une diminution de sa rémunération, laquelle demeure strictement identique après le rattachement à l'emploi de responsable d'activité, ainsi que cela résulte des termes mêmes de la décision du

4 juin 2015 qu'elle a pour objet de confirmer.

6. Par suite, la décision du 24 juillet 2015, d'ailleurs prise, comme celle du

4 juin 2015, sur avis favorables des commissions paritaires régionales des 6 novembre 2014 et 30 avril 2015, ne peut être regardée comme une sanction déguisée, nonobstant l'erreur manifeste d'appréciation dont elle procède. Ne relevant ni de la catégorie des sanctions ni d'aucune autre catégorie des mesures devant être motivées en application des dispositions de la loi du

11 juillet 1979 alors applicables, cette décision n'avait pas donc à comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondaient.

7. Enfin et en tout état de cause, prise en tant que telle, l'erreur manifeste d'appréciation entachant la décision du 24 juillet 2015 n'a pas été de nature à causer à M. B... un préjudice moral.

8. M. B... n'est donc pas fondé à réclamer l'indemnisation du préjudice moral qu'il dit avoir subi du fait de l'illégalité de la décision du 24 juillet 2015.

Sur les conclusions indemnitaires liées au non-respect d'un accord salarial :

9. Pour demander, ensuite, à titre principal, dans le dernier état de ses écritures devant la Cour, avant renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, la désignation d'un expert du chiffre, subsidiairement et notamment la somme de 80 000 euros au titre de la revalorisation de son traitement et de la reconstitution de carrière, M. B... invoque l'existence d'un engagement pris envers lui en mai 2001, par l'ancien directeur général de la CCIMP, et le directeur du groupe des écoles supérieures d'ingénieurs de Marseille, de revaloriser sa rémunération de 30 % sur 3 ans, en fonction des objectifs atteints, à raison de 10 % par an, dans l'attente de sa titularisation.

10. Toutefois, alors qu'en vertu de l'article 49-3 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, dans sa rédaction applicable aux faits en litige, le contrat de travail à durée déterminée doit être établi par écrit et comporter dans les tous cas, notamment, le montant de la rémunération et ses accessoires, il ne résulte pas de l'instruction que le contrat à durée déterminée de M. B... aurait été l'objet d'un avenant signé de l'autorité compétente et prévoyant de telles modalités d'augmentation salariale. Alors que ni les dispositions de

l'article 49-3 du statut, ni celles du titre IV relatives aux agents recrutés par contrat à durée déterminée, ne sont expressément applicables aux agents contractuels engagés pour une durée indéterminée, et il ne résulte pas davantage de l'instruction qu'un engagement d'augmentation salariale aurait été pris par l'autorité compétente dans le contrat à durée indéterminée de M B... du 1er novembre 2001. Le document intitulé " estimation prévisionnelle " du 14 mai 2001, comportant la mention manuscrite " document contractuel validé par M. G... C... et

M. A... D... pour passage à temps plein ", soit respectivement par l'ancien directeur du groupe des écoles supérieures d'ingénieurs de Marseille et l'ancien directeur général de la CCIMP, mais signé seulement par M. B..., ne saurait, compte tenu de ses conditions d'établissement et de l'absence de toute indication sur l'évolution salariale envisagée au bénéfice de ce dernier, être regardé comme un engagement contractuel, exprimant la commune intention de M. B... et de son employeur. L'existence d'un tel engagement ne peut davantage être justifiée par les attestations et échanges de courriels produits par M. B... en première instance et en appel, dès lors que ces pièces n'expriment ni ne révèlent la volonté du directeur général de la compagnie consulaire, en poste en 2001, ou de son successeur, d'engager financièrement l'établissement envers M. B... dans les conditions qu'il invoque. Il en va de même de la circonstance qu'au 1er juillet 2004, M. B... a bénéficié d'une augmentation de 10% de sa rémunération. L'allégation de M. B..., formulée pour la première fois dans ses observations faisant suite au renvoi de son affaire à la Cour, selon laquelle une décision du directeur du groupe des écoles d'ingénieurs de Marseille de janvier 2003 justifierait de la délégation qui lui aurait été donnée pour engager la CCIMP, n'est assortie d'aucun commencement de preuve.

Si, pour la première fois en cause d'appel, M. B... produit, à l'appui de son mémoire complémentaire, un document intitulé " note interne-engagement contractuel ", daté du

17 mai 2001 et signé par lui seul, dont l'objet est l'élargissement de ses missions et qui retranscrit le contenu de l'accord litigieux, cette pièce, qui indique compléter son contrat à durée indéterminée du 1er novembre 2001, ne peut prouver dans ces conditions la conclusion d'un tel accord, même éclairée par l'attestation du directeur du groupe des écoles supérieures d'ingénieurs de Marseille. L'ensemble de ces éléments, qui n'est pas de nature à établir l'existence d'un engagement contractuel dont M. B... serait fondé à demander l'exécution complète, démontre en revanche celle d'une promesse faite au requérant par le seul directeur du groupe des écoles supérieures d'ingénieurs de Marseille, qui ne peut légalement lier son employeur, et dont les conséquences dommageables ne sauraient équivaloir à l'avantage financier illégalement promis.

11. Par suite, dans la mesure où M. B... ne demande pas l'indemnisation des conséquences dommageables du comportement qu'il a pu adopter sur la foi de cette promesse non tenue, mais sollicite l'exécution complète d'un engagement contractuel non établi, ses conclusions pécuniaires ne peuvent qu'être rejetées. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de procéder à une expertise, M. B... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ces conclusions.

Sur les conclusions indemnitaires liées au non-respect d'une promesse de carrière :

12. Contrairement à ce qu'affirme M. B... dans le dernier état de ses écritures, il ne résulte pas de l'instruction, notamment ni de la pièce portant le numéro 23 dans le bordereau joint à son dernier mémoire, à laquelle celui-ci renvoie expressément et qui constitue un tableau des primes du personnel de la CCIMP et de la CCIR PACA pour les années 2013 à 2016, ni de l'attestation du 20 novembre 2021 de l'ancien directeur de la paye de la CCIR, que son employeur lui aurait fait une " promesse de carrière ", lui permettant d'atteindre rapidement

" le niveau de rémunération des cadres supérieurs les mieux notés au sein de la chambre de commerce ". Ainsi, les conclusions indemnitaires fondées sur le non-respect d'une telle promesse, constitutif selon M. B... d'une sanction déguisée, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires liées aux agissements de harcèlement moral :

En ce qui concerne le cadre juridique applicable :

13. Aux termes de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale : " Sous réserve des dispositions prévues aux articles L. 452-1 à L. 452-5, L. 454-1, L. 455-1, L. 455-1-1 et L. 455-2 aucune action en réparation des accidents et maladies mentionnés par le présent livre ne peut être exercée conformément au droit commun, par la victime ou ses ayants droit ".

14. Un agent de droit public d'une chambre de commerce et d'industrie, qui relève du régime général de la sécurité sociale, en vertu des dispositions du statut du personnel des chambres de commerce et d'industrie, peut demander au juge administratif la réparation par son employeur du préjudice que lui a causé l'accident du travail ou la maladie professionnelle dont il a été victime, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du code de la sécurité sociale, lorsque cet accident est dû à la faute intentionnelle de cet employeur ou de l'un de ses préposés. Il peut également exercer une action en réparation de l'ensemble des préjudices résultant de cet accident non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, contre son employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, en cas de faute inexcusable de ce dernier, ou contre une personne autre que l'employeur ou ses préposés, conformément aux règles du droit commun, lorsque la lésion dont il a été la victime est imputable à ce tiers.

15. Il en va autrement si cet agent sollicite, ainsi qu'il y est admis en vertu d'un principe général du droit, le bénéfice de la protection fonctionnelle de son employeur.

En ce qui concerne les agissements de harcèlement moral :

16. Il résulte de l'instruction que la dépression sévère dont a souffert M. B... et qui a été reconnue comme maladie professionnelle par décision de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône du 2 avril 2021 à compter du 27 avril 2018, sur avis favorable du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles du 22 mars 2021, a justifié non seulement son placement en congé de maladie à compter du 5 décembre 2013, mais également l'allocation d'une pension d'invalidité à compter du 5 décembre 2016. Il s'ensuit que, par application des dispositions législatives citées au point 13, M. B..., qui n'a pas saisi la chambre de commerce et d'industrie d'une demande de protection fonctionnelle et dont la demande d'indemnisation préalable ne peut être regardée comme ayant un tel objet, ne peut rechercher devant le juge administratif la réparation par son employeur des préjudices que lui a causés la maladie professionnelle dont il a été victime, dans la mesure où ces préjudices ne sont pas réparés par application du code de la sécurité sociale, que si cette maladie est due à la faute intentionnelle de cet employeur ou de l'un de ses préposés.

17. L'arrêt de la Cour du 23 avril 2019 a acquis un caractère irrévocable en ce qu'il a condamné la CCIMP et la CCIR PACA à verser à M. B... la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il a subi du fait des agissements de harcèlement moral dont il a été victime dans l'exercice de ses fonctions de responsable des formations du centre innovation management euroméditerranéen à compter de 2010, puis dans celles de conseiller expert en développement durable, depuis son affectation à ce poste à compter du 1er juillet 2012 jusqu'à son placement en congé de maladie le 6 décembre 2013. Ces agissements ont consisté, tout d'abord, dans la circonstance que, à la différence de ses collègues de travail, M. B... n'a pas été mis à disposition de l'École centrale de Marseille lorsqu'il a été mis fin en 2010 au partenariat entre cet établissement et la CCIMP, ensuite en une remise en cause de la qualité du mastère dont il était responsable ainsi que de ses propres compétences professionnelles, également dans la circonstance qu'il a fait l'objet d'une procédure de licenciement pour suppression de poste décidée le 24 février 2012, et que ses conditions de travail se sont alors dégradées, et enfin dans le fait que, malgré son reclassement en qualité de conseiller expert en développement durable, à compter du 1er juillet 2012, il n'a pas reçu d'attribution permettant de l'occuper à temps plein, s'est vu attribuer un bureau, le laissant seul à l'étage et toujours en attente le 11 novembre 2013 de connaître les choix et les priorités de la direction en la matière. L'autorité de chose jugée attachée à cet arrêt s'étend non seulement à son dispositif pris dans cette mesure, mais également aux motifs en qui en sont le soutien nécessaire.

18. Néanmoins, et d'une part, au point 16 de son arrêt, la Cour a refusé de considérer comme un agissement constitutif de harcèlement moral le non-respect par la CCIMP d'engagement de revalorisation salariale souscrit à l'égard de M. B.... Il en résulte que celui-ci ne peut utilement, dans le dernier état de ses écritures après renvoi de l'affaire par le Conseil d'Etat, demander la réparation du " préjudice financier inhérent au défaut d'application

d'une augmentation conventionnelle comme sanction déguisée du fait des agissements de harcèlement ".

19. D'autre part, ainsi qu'il a été dit aux points 5, 6 et 7, la décision du 26 juillet 2015 ne constituant pas une sanction déguisée, M. B... ne peut valablement soutenir que, du simple fait qu'elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, cette mesure procèderait du harcèlement moral dont il a été la victime de 2010 à 2013, date de son placement en congé de maladie. Quant à lui, le non-respect par l'employeur de M. B... de la promesse financière évoquée au point 10 ne saurait, par sa nature même, constituer un agissement de harcèlement moral. Il en va de même, en tout état de cause, du prétendu non-respect de la " promesse de carrière " évoquée au point 12.

20. Enfin et en tout état de cause, aucun des agissements ainsi retenus par l'arrêt de la Cour, pris isolément ou cumulativement, ni aucun des faits énoncés au point précédent, ne caractérisent un acte volontaire de son employeur destiné à causer chez M. B... la maladie professionnelle dont il est victime et les conséquences dommageables que celle-ci a produites. L'intéressé, qui ainsi ne démontre pas que sa maladie professionnelle est due à la faute intentionnelle de cet employeur ou de l'un de ses préposés, ne peut donc demander au juge administratif la réparation par son employeur, qu'il identifie d'ailleurs dans le dernier état de ses écritures à la seule CCI Marseille Provence, des préjudices que lui a causés la maladie professionnelle dont il a été victime par suite des agissements de harcèlement moral qu'il a subis. Ses prétentions indemnitaires présentées à ce titre doivent ainsi être rejetées, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise.

Sur les frais du litige :

21. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses frais d'instance.

DECIDE :

Article 1er : Les conclusions indemnitaires de M. B..., ainsi que ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions de la CCIMP et de la CCIR PACA présentées au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... B..., à la chambre de commerce et d'industrie de Marseille Provence et à la chambre de commerce et d'industrie de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Délibéré après l'audience du 10 mai 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022.

N° 21MA021942


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02194
Date de la décision : 24/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Établissements publics et groupements d’intérêt public - Régime juridique des établissements publics.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL GRIMALDI - MOLINA et ASSOCIÉS - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-24;21ma02194 ?
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