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19/05/2022 | FRANCE | N°21MA02155

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 19 mai 2022, 21MA02155


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2007022 du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Proc

édure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2021, Mme A..., représentée p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2007022 du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 juin 2021, Mme A..., représentée par Me Decaux, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 janvier 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 10 août 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour valable un an et portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour valable six mois et l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que son conseil renonce à la part contributive de l'Etat versée au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur l'argument relatif à sa présence effective et continue en France depuis 2011 ;

- le tribunal administratif n'a pas statué sur les conséquences de l'erreur de fait commise par le préfet quant à la régularité du séjour en France de sa mère ;

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit en méconnaissant l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 24 octobre 2019 la désignant comme curatrice de sa mère ;

- le tribunal administratif n'a pas pris en considération les éléments produits quant à l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation par le préfet ;

- la décision portant refus de séjour est entachée d'un défaut de motivation ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen réel et personnalisé de sa situation avant de refuser sa demande de titre de séjour ;

- la décision portant refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le refus de séjour est entaché d'une erreur de fait quant à la régularité du séjour en France de sa mère ;

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- le refus de séjour est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ont été prises en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale dès lors que la décision lui refusant l'admission au séjour est illégale ;

- la décision portant interdiction de retour est illégale dès lors que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale ;

- la décision portant interdiction de retour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant interdiction de retour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations en défense.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Bernabeu, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 10 août 2020, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté la demande d'admission au séjour présentée par Mme A..., ressortissante algérienne née en 1971, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour pour une durée de deux ans. Mme A... relève appel du jugement du 19 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Les premiers juges ont suffisamment précisé, au point 6 de leur jugement, les motifs pour lesquels ils ont écarté les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 6-5° de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à l'ensemble des arguments présentés, ont ainsi suffisamment motivé leur jugement.

3. En second lieu, les circonstances que les premiers juges n'auraient pas statué sur les conséquences de l'erreur de fait commise par le préfet quant à la régularité du séjour en France de la mère de la requérante, auraient méconnu l'autorité de la chose jugée qui serait attachée à l'arrêt rendu par la cour d'appel d'Aix-en-Provence le 24 octobre 2019 la désignant en qualité de curatrice de sa mère et n'auraient pas pris en considération des éléments produits quant à l'erreur manifeste d'appréciation de sa situation par le préfet relèvent du bien-fondé du jugement attaqué et sont, par suite, sans incidence sur sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de séjour :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques (...) ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. L'arrêté du 10 août 2020, qui vise notamment l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, fait état de ce que Mme A... déclare s'être maintenue en France depuis 2011 sans en justifier, malgré l'édiction à son encontre de précédents refus de séjour portant obligation de quitter le territoire français, et indique que si elle se prévaut de la présence en France de sa mère, handicapée, cette dernière est en séjour irrégulier en France et elle n'établit pas être la seule personne susceptible de la prendre en charge, ni être dépourvue d'attaches personnelles et familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante ans, et que par conséquent un refus de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, cet arrêté, contrairement à ce qui est soutenu, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision portant refus d'admission au séjour, et qui permettent de vérifier que le préfet des Bouches-du-Rhône a procédé à un examen de la situation personnelle de Mme A....

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

7. Si Mme A... est entrée en France en 2011 et si sa mère, sa sœur et ses frères résident sur le territoire national, l'intéressée, divorcée, affirme sans l'établir ne pas avoir d'enfants et être dépourvue d'attaches familiales en Algérie, où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante ans. Par ailleurs, si la requérante vit avec sa mère, dont l'état nécessite une assistance quotidienne, elle n'établit pas qu'elle serait la seule personne à pouvoir lui prodiguer cette assistance par la production d'une attestation et de certificats médicaux insuffisamment circonstanciés quant à l'état de santé de sa sœur et de son frère, qui résident tous deux à Marseille, alors en outre que sa mère bénéficie d'une allocation personnalisée d'autonomie à domicile. Si la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par un arrêt rendu le 24 octobre 2019, a désigné la requérante en qualité de curatrice de sa mère en lieu et place de l'association tutélaire ATMP de la Drôme, il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante serait la seule personne à pouvoir assumer ces fonctions, et l'intéressée n'établit pas que la cour d'appel aurait été informée de la mesure d'éloignement dont elle faisait l'objet lorsqu'elle sa désignation en qualité de curatrice a été sollicitée. Enfin, la seule circonstance que Mme A... a été embauchée par sa mère depuis le mois de février 2020 en qualité d'employée de maison ne permet pas d'attester d'une insertion professionnelle. Eu égard à l'ensemble de ces éléments, et alors que Mme A... a d'ailleurs fait l'objet de quatre précédents refus de séjour assortis d'obligations de quitter le territoire français, la décision contestée n'a pas porté au droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et ne méconnaît donc ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de Mme A....

8. En troisième lieu, si Mme A... soutient que la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur de fait relative à la situation de sa mère, laquelle bénéficiait à la date de l'arrêté en litige d'un certificat de résidence valable jusqu'en 2023, cette circonstance est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu'il résulte de l'instruction, eu égard aux autres éléments de la situation personnelle et familiale de l'intéressée, rappelés ci-dessus, que le préfet aurait pris la même décision s'il n'avait pas commis l'erreur qui lui est reprochée.

9. En quatrième et dernier lieu, l'accord franco-algérien susvisé régissant de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France, ainsi que les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, Mme A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont elle n'a d'ailleurs pas demandé le bénéfice.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. En premier lieu, il suit de ce qui a été dit précédemment que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.

11. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés au point 7, doivent être écartés les moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de la requérante.

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

12. En premier lieu, il suit de ce qui a été dit précédemment que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français.

13. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés au point 7, doivent être écartés les moyens tirés de ce que la décision portant interdiction de retour aurait été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de ce qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de la requérante.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

14. A supposer que la requérante ait entendu exciper, au soutien de sa demande d'annulation de la décision fixant le pays de destination, de l'illégalité du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français, il résulte de ce qui a été dit précédemment que ce moyen doit être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu par suite de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante.

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, tout ou partie de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1 : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Decaux et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2022, où siégeaient :

- Mme Bernabeu, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme C... et Mme D..., premières conseillères.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2022.

2

N° 21MA02155


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02155
Date de la décision : 19/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BERNABEU
Rapporteur ?: Mme Florence MASTRANTUONO
Rapporteur public ?: Mme COURBON
Avocat(s) : DECAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-19;21ma02155 ?
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