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19/05/2022 | FRANCE | N°20MA00715

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre, 19 mai 2022, 20MA00715


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Villa Mont Liban a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, ainsi que des pénalités correspondantes, et de rétablir les déficits reportables déclarés au titre de

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Par un jugement n° 1802979 du 18 décembre 2019, le tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée (SARL) Villa Mont Liban a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2013, ainsi que des pénalités correspondantes, et de rétablir les déficits reportables déclarés au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1802979 du 18 décembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 février 2020 et le 29 avril 2022, la SARL Villa Mont Liban, représentée par Me Coste, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 décembre 2019 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités en litige et le rétablissement des déficits déclarés au titre des exercices clos en 2012 et 2013 ;

3°) de condamner l'Etat aux entiers dépens et de mettre à sa charge la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif n'a pas statué sur l'ensemble de ses arguments relatifs à la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires ;

- elle n'a pas reçu le courrier du vérificateur daté du 28 janvier 2015 et formalisant les conditions d'exploitation du restaurant ;

- la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires est radicalement viciée ou, à défaut, excessivement sommaire ;

- plusieurs erreurs entachent la reconstitution de son chiffre d'affaires ;

- elle propose une méthode pertinente de reconstitution de son chiffre d'affaires ;

- c'est à tort que l'administration a regardé M. A... comme le maître de l'affaire et a ainsi estimé qu'il avait appréhendé les revenus réputés distribués.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SARL Villa Mont Liban ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Bernabeu, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique,

- et les observations de Me Coste, représentant la SARL Villa Mont Liban.

Considérant ce qui suit :

1. A l'issue d'une vérification de comptabilité de la SARL Villa Mont Liban, qui exploite un restaurant à Marseille, l'administration fiscale, après avoir écarté la comptabilité de la société et procédé notamment à la reconstitution de son chiffre d'affaires, l'a assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 et à une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2013. La SARL Villa Mont Liban relève appel du jugement du 18 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et du supplément d'impôt sur les sociétés auxquels elle a ainsi été assujettie, ainsi qu'au rétablissement des déficits reportables déclarés au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

Sur la régularité du jugement :

2. Le tribunal a expressément répondu, au point 4 du jugement attaqué, aux moyens soulevés par la SARL Villa Mont Liban, tirés de ce que la méthode de reconstitution de son chiffre d'affaires serait radicalement viciée ou excessivement sommaire. Ainsi, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par la requérante, a répondu sur ce point de manière suffisante aux moyens invoqués.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

3. Si la SARL Villa Mont Liban fait valoir que, contrairement à ce qui est indiqué dans la proposition de rectification du 18 mai 2015, elle n'a pas réceptionné le pli contenant la lettre du vérificateur datée du 28 janvier 2015 et formalisant les conditions d'exploitation de son activité, il résulte de l'instruction que le vérificateur a rencontré le gérant à de nombreuses reprises après l'envoi de ce courrier, et qu'au cours de la réunion de synthèse, les rectifications envisagées ont été exposées. Dans ces conditions, la société requérante n'apporte pas la preuve de ce qu'elle n'aurait pu débattre des conditions d'exploitation de son activité au cours des opérations de contrôle.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

4. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que les impositions en litige ont été établies conformément à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires le 6 octobre 2016. Par suite, la SARL Villa Mont Liban, qui ne conteste pas le rejet de sa comptabilité en raison des graves irrégularités relevées par le service, supporte la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition.

6. La méthode initialement retenue par l'administration pour reconstituer les recettes de l'entreprise a consisté à déterminer, dans un premier temps, le coefficient correspondant à la proportion des cafés vendus isolément dans le chiffre d'affaires total, à partir des copies du ticket Z relatif à la période du 18 février au 31 décembre 2014, dans un second temps, les recettes théoriques des ventes de cafés à partir des achats revendus, dont le montant a été établi grâce au dépouillement des factures, et corrigé des variations de stocks, puis à leur appliquer le rapport existant entre le chiffre d'affaires de ces boissons et le chiffre d'affaires global, en tenant compte d'abattements correspondant aux pertes et offerts à hauteur de 10 % et de la consommation du personnel. Elle a appliqué la même méthode s'agissant des ventes de vins en bouteilles, en retenant un taux de pertes de 2 %, et a calculé la moyenne des chiffres d'affaires ainsi obtenus. Dans le cadre du recours hiérarchique, l'administration a accepté d'appliquer cette méthode aux ventes de coca-cola, en retenant des abattements correspondant aux pertes et offerts à hauteur de 10 % et à la consommation du personnel à hauteur de 10 %. Elle a également admis de ne pas calculer la moyenne des chiffres d'affaires, mais de retenir le chiffre d'affaires le plus favorable à la société, à savoir celui déterminé à partir des achats revendus de vins pour l'exercice 2012, soit 248 364 euros, et de coca-cola pour l'exercice 2013, soit 281 148 euros.

7. En premier lieu, si les tarifs pratiqués par le restaurant ont été augmentés au cours de l'année 2014 et la carte des vins refondue, la société requérante ne démontre pas que les incidences de ces modifications sur la détermination des coefficients correspondant à la proportion des boissons vendues isolément dans le chiffre d'affaires total seraient de nature à vicier radicalement la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires retenue. Il en va de même de l'évolution des taux de taxe sur la valeur ajoutée au 1er janvier 2014. La société requérante ne démontre pas davantage l'incidence sur la reconstitution de son chiffre d'affaires des travaux de construction d'un immeuble situé en face de l'établissement par la seule production de deux photographies de l'avenue prises avant et après cette construction. Par ailleurs, contrairement à ce qui est soutenu, le vérificateur a retenu les ventes de bouteilles de côtes-du-Rhône rouge de 75 cl pour la détermination du coefficient. Enfin, la méthode de reconstitution retenue, consistant à déterminer le chiffre d'affaires par extrapolation à partir des achats revendus de vin en bouteille, de café et de coca-cola, qui représentent respectivement 5,5 %, 0,95 % et 0,85 % des recettes totales, et à retenir le chiffre d'affaires le plus favorable à la société, n'apparaît ni radicalement viciée ni excessivement sommaire.

8. En deuxième lieu, si la société requérante fait valoir que le nombre de journées d'ouverture en 2013 serait erroné, que le nombre de couverts serait moindre que celui qui a été retenu, que le vérificateur n'a pas pris en compte le menu " Baalbeck ", et qu'aucune formule plat " indien " n'est proposée, ces circonstances sont sans incidence sur la reconstitution du chiffre d'affaires, fondée, ainsi qu'il a été dit précédemment, sur l'extrapolation du chiffre d'affaires par rapport aux achats revendus de certaines boissons. Par ailleurs, si elle fait valoir que le personnel consomme des boissons vendues au détail, et que le taux des offerts de boissons non alcoolisées s'élève à 10 %, l'administration, ainsi qu'il a déjà été exposé, a admis des abattements de 10 % au titre des pertes et offerts de coca-cola, et de 10 % au titre de la consommation du personnel, dont il n'est pas établi qu'ils seraient insuffisants. Par conséquent, le moyen tiré de ce que la reconstitution du chiffre d'affaires de la SARL Villa Mont Liban serait entachée d'erreurs doit être écarté.

9. En troisième lieu, la SARL Villa Mont Liban propose une méthode de reconstitution du chiffre d'affaires fondée sur la moyenne des chiffres d'affaires obtenus à partir de l'extrapolation du chiffre d'affaires par rapport aux achats revendus de cinq boissons non alcoolisées et de deux bières. Toutefois, alors que les chiffres d'affaires déclarés s'élevaient respectivement à 214 508 et 226 426 euros pour les années 2012 et 2013, la reconstitution fondée sur la bière libanaise aboutit à un chiffre d'affaires inférieur à 50 000 euros pour l'année 2012 et à 100 000 euros pour 2013, alors que la reconstitution fondée sur la bière de marque Heineken aboutit à un chiffre d'affaires de près de 600 000 euros pour l'année 2012. Par suite, eu égard à l'incohérence des résultats de l'extrapolation ainsi proposée en ce qui concerne certaines des boissons retenues, il n'est pas démontré que cette méthode de reconstitution du chiffre d'affaires serait plus pertinente que celle que l'administration a finalement mise en œuvre.

10. En quatrième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait regarder M. A... comme ayant appréhendé les revenus réputés distribués est sans incidence sur le présent litige, qui porte sur les impositions établies au nom de la SARL Villa Mont Liban.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Villa Mont Liban n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Villa Mont Liban est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Villa Mont Liban et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.

Délibéré après l'audience du 5 mai 2022, où siégeaient :

- Mme Bernabeu, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme B... et Mme C..., premières conseillères.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 mai 2022.

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N° 20MA00715

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