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16/05/2022 | FRANCE | N°20MA02404

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 16 mai 2022, 20MA02404


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La préfète de la Corse-du-Sud a déféré au tribunal administratif de Bastia aux fins d'annulation l'arrêté du 25 février 2019 par lequel le maire de Zonza a délivré à la SARL Hôtelière de Pinarello un permis de construire valant division pour l'édification de cinq villas et des piscines sur une parcelle cadastrée section H n° 1428 au lieu-dit " Mangiaglia ".

Par un jugement n° 1901121 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 25 février 2019.

Procé

dure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2020, la SARL hôtelière de Pin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La préfète de la Corse-du-Sud a déféré au tribunal administratif de Bastia aux fins d'annulation l'arrêté du 25 février 2019 par lequel le maire de Zonza a délivré à la SARL Hôtelière de Pinarello un permis de construire valant division pour l'édification de cinq villas et des piscines sur une parcelle cadastrée section H n° 1428 au lieu-dit " Mangiaglia ".

Par un jugement n° 1901121 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 25 février 2019.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 24 juillet 2020, la SARL hôtelière de Pinarello, U Paesolu, représentée par Me Carli, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 juin 2020 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) de surseoir à statuer sur le fondement des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier faute d'avoir appliqué l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme en dépit d'une demande en ce sens ;

-le terrain est situé dans un village et le projet ne méconnait pas l'article L 121-8 du code de l'urbanisme ;

- le terrain n'est pas proche du rivage et ne méconnait pas l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme ;

- la cour devra faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

La requête a été communiquée au préfet de la Corse-du-Sud et à la commune de Zonza qui n'ont pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Tavernier, représentant la SARL hôtelière de Pinarello.

Considérant ce qui suit :

1. La préfète de la Corse-du-Sud a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 25 février 2019 par lequel le maire de Zonza a délivré à la SARL Hôtelière de Pinarello un permis de construire valant division pour l'édification de cinq villas et des piscines sur une parcelle cadastrée section H n° 1428 au lieu-dit " Mangiaglia ". La SARL Hôtelière de Pinarello relève appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Bastia a fait droit à cette demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction désormais applicable : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. "

3. Le tribunal administratif de Bastia, pour annuler l'acte attaqué, s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions des articles L. 121-8, L. 121-13 et R 431-24 du code de l'urbanisme. Si ce dernier motif est susceptible de régularisation, tel n'est pas le cas pour les deux premiers motifs. Il en résulte que le tribunal ne pouvait faire application des dispositions précitées de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme. Il n'a donc commis aucune omission à statuer alors surtout que les conclusions tendant à l'application de ces dispositions ont été formulées après clôture de l'instruction, et que le tribunal n'était pas tenu de la rouvrir. Au total, le jugement n'est pas irrégulier.

Sur le fond :

4. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, applicable sur le territoire de la commune de Zonza : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants (...) ". L'article L. 121-13 du même code dispose que : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. / En l'absence de ces documents, l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites appréciant l'impact de l'urbanisation sur la nature. Le plan local d'urbanisme respecte les dispositions de cet accord (...) ".

5. Il résulte de la combinaison des dispositions qui viennent d'être citées que, dans les communes littorales, l'urbanisation, y compris son extension limitée dans les espaces proches du rivage, peut être autorisée en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qu'aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

6. Le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), qui précise, en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, les modalités d'application des dispositions citées ci-dessus, prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'il constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'il joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire, et que, par ailleurs, un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune.

7. Le PADDUC prévoit par ailleurs que les espaces proches du rivage sont identifiés en mobilisant des critères liés à la distance par rapport au rivage de la mer, la configuration des lieux, en particulier la covisibilité avec la mer, la géomorphologie des lieux et les caractéristiques des espaces séparant les terrains considérés de la mer, ainsi qu'au lien paysager et environnemental entre ces terrains et l'écosystème littoral. En outre, le PADDUC prévoit que le caractère limité de l'extension doit être déterminé en mobilisant des critères liés à l'importance du projet par rapport à l'urbanisation environnante, à son implantation par rapport à cette urbanisation et au rivage, et aux caractéristiques et fonctions du bâti ainsi que son intégration dans les sites et paysages.

8. En prévoyant ainsi que, pour déterminer si une zone peut être qualifiée d'espace proche du rivage au sens des dispositions précitées, trois critères doivent être pris en compte, à savoir la distance séparant cette zone du rivage, son caractère urbanisé ou non et la covisibilité entre cette zone et la mer (CE, 3 juin 2009, commune de Rognac, n° 310587), les prescriptions du PADDUC mentionnées aux points 6 et 7 apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme citées au point 4. Le PADDUC précise par ailleurs, dans le livret IV, qu'il énonce des critères et indicateurs constituant un faisceau d'indices permettant de caractériser les espaces proches du rivage et d'en proposer, à l'issue d'un travail d'expertise, une délimitation indicative.

9. Comme l'a jugé le tribunal, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet en litige est situé à environ 500 mètres du rivage et n'en est séparé que par quelques constructions implantées de façon diffuse et par un étang, et fait ainsi partie des espaces proches du rivage au sens des dispositions précitées telles que précisées par le PADDUC, sans que l'absence de covisibilité, à la supposer même établie, puisse infirmer une telle qualification. L'espace dans lequel s'insère ledit terrain d'assiette est caractérisé par l'implantation de façon diffuse de maisons individuelles et d'habitats à usage de loisirs et de tourisme, dont il n'apparaît pas qu'il présenterait un caractère stratégique pour l'organisation et le développement de la commune. Par suite, ce secteur ne saurait être regardé comme une agglomération au sens des mêmes dispositions du code de l'urbanisme au regard des précisions apportées par le PADDUC et ne présente pas davantage, compte tenu de sa trame et de sa morphologie, les caractéristiques d'un village au sens de ces dispositions. Dans ces conditions, la SARL Hôtelière de Pinarello n'est pas fondée à soutenir que le permis de construire en litige respecterait les dispositions citées ci-dessus des articles L. 121-8 et L. 121-13 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC.

10. Ces motifs d'illégalité n'étant pas régularisables, la demande de la SARL Hôtelière de Pinarello d'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ne peut être que rejetée. Il n'y a pas davantage lieu pour la cour de surseoir à statuer en attendant l'entrée en vigueur du nouveau plan local d'urbanisme de la commune.

11. Il résulte de ce qui précède que la SARL Hôtelière de Pinarello n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 25 février 2019 par lequel le maire de Zonza lui a délivré un permis de construire. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées, l'Etat n'ayant pas la qualité de partie perdante à l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Hôtelière de Pinarello est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Corse-du-Sud, à la commune de Zonza et à la SARL Hôtelière de Pinarello.

Copie en sera transmise à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et à la procureure de la République près le tribunal judiciaire d'Ajaccio.

Délibéré après l'audience du 2 mai 2022, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président-assesseur,

- M. Merenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 mai 2022.

2

N° 20MA02404


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA02404
Date de la décision : 16/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme - Régime issu de la loi du 3 janvier 1986 sur le littoral.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles générales d'utilisation du sol - Règles générales de l'urbanisme - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme - Schéma d'aménagement de la Corse.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SARL CAZIN MARCEAU AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-16;20ma02404 ?
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