La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/05/2022 | FRANCE | N°21MA02867

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 13 mai 2022, 21MA02867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 3 février 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2101211 du 25 juin 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2021, M. C..., représenté par Me

Krid, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 juin 2021 du tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 3 février 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2101211 du 25 juin 2021, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 juillet 2021, M. C..., représenté par Me Krid, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 juin 2021 du tribunal administratif de Nice ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 février 2021 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " sans délai à compter de la notification de la décision à intervenir ; à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de sa situation administrative et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pour étranger malade.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'une erreur de droit car le préfet s'est cru lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- il est insuffisamment motivé ;

- l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est insuffisamment motivé ;

- il appartient au préfet de démontrer qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation concernant de son état de santé ;

- il méconnait les stipulations de l'article 6.7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet a méconnu son pouvoir de régularisation en ne l'admettant pas au séjour à titre exceptionnel alors qu'il ne peut bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié par manque d'infrastructures, de médecins spécialisés et au regard de la complexité de sa pathologie ;

- les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement sont illégales par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et notamment sur son état de santé.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 7 décembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- et les observations de M. C....

Une note en délibéré enregistrée le 27 avril 2022 a été présentée par M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien, relève appel du jugement du 25 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 3 février 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

2. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui vise l'ensemble des textes applicables à la situation de M. C..., expose également les éléments de fait pertinents qui ont conduit le préfet des Alpes-Maritimes à refuser de l'admettre au séjour et à prendre une mesure d'éloignement vers l'Algérie. Cet arrêté est ainsi suffisamment motivé contrairement à ce que soutient le requérant, notamment en ce qui concerne la disponibilité et l'accessibilité du traitement adapté à ses affections en Algérie, dès lors qu'il mentionne que M. C... ne fait état dans sa demande d'aucune impossibilité d'accéder de façon concrète à des soins appropriés dans son pays d'origine.

3. En deuxième lieu, si M. C... soutient que l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est insuffisamment motivé, il ressort de cet avis que le collège des médecins a estimé que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement et qu'enfin, il est en mesure de voyager sans risque vers son pays d'origine. Par suite, le moyen doit être écarté.

4. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment de la motivation de l'arrêté contesté, que le préfet des Alpes-Maritimes, qui s'est livré à un examen approfondi de la situation de M. C..., se serait cru lié par l'avis des médecins de l'OFII.

5. En quatrième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ".

6. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.

7. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) allant dans le sens de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

8. Il ressort des pièces du dossier que M. C... souffre d'une myopathie des ceintures qui entraîne un déficit moteur majeur, obligeant l'intéressé à utiliser un fauteuil roulant, ainsi que d'une insuffisance cardiaque sévère et d'un trouble ventilatoire restrictif nécessitant une ventilation non invasive. Pour refuser la demande de titre de séjour sollicité par l'intéressé, le préfet des Alpes-Maritimes s'est notamment fondé sur l'avis du collège des médecins de l'OFII du 31 décembre 2020 selon lequel si l'état de santé de M. C... nécessite une prise en charge médicale et que ce défaut de prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut bénéficier d'un traitement approprié en Algérie et voyager sans risque vers son pays d'origine. Pour remettre en cause cet avis, le requérant fait valoir qu'il ne peut bénéficier effectivement en Algérie d'un traitement approprié à son état de santé du fait notamment du manque d'infrastructures et de médecins spécialisés pour traiter sa pathologie complexe. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la prise en charge du requérant requiert, pour l'essentiel, de la rééducation multidisciplinaire, à savoir des séances de kinésithérapie, d'ergothérapie, d'orthophonie, de la balnéothérapie, de l'activité physique adaptée à son état de santé ainsi qu'un suivi cardiologique, neurologique et respiratoire régulier et une prise de médicaments. D'autre part, afin d'établir la circonstance qu'il ne peut en bénéficier dans son pays d'origine, M. C... se prévaut d'un certificat médical du 2 janvier 2021 du Dr A... faisant état de l'impossibilité de raffiner son diagnostic en Algérie, faute de tests génétiques, et de l'indisponibilité des centres dédiés pour sa prise en charge diagnostique et thérapeutique dans ce pays. Ce certificat, peu circonstancié, ne permet pas, à lui-seul, de remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'OFII et de considérer qu'il ne peut pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie dès lors notamment que les autres documents médicaux produits par le requérant, bien qu'attestant de la réalité de la pathologie évolutive dont il est atteint et du suivi médical dont il fait l'objet, ne se prononcent pas sur la prétendue indisponibilité en Algérie des traitements qu'il suit ni n'affirment l'impossibilité pour lui de bénéficier d'un suivi médical approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en estimant qu'il ne remplissait pas toutes les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet des Alpes-Maritimes a fait une inexacte application des stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien modifié. Pour les mêmes motifs, le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet des Alpes-Maritimes a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé.

9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

10. M. C..., entré récemment sur le territoire français, est célibataire et sans enfant. Il fait valoir que, souffrant de déficits et incapacités fonctionnelles ainsi que de troubles de l'équilibre assis et de la statique rachidienne, il est entouré en France par sa famille qui lui prodigue un soutien moral et matériel, et se prévaut de ce que, par une déclaration sur l'honneur en date du 4 janvier 2021, son cousin de nationalité française a déclaré vouloir le prendre en charge financièrement et matériellement. Cependant, il ressort de ladite attestation que son cousin constitue sa seule attache familiale sur le territoire français. Les autres membres de sa famille, dont il n'est pas démontré qu'ils ne pourraient pas assurer la prise en charge du requérant, notamment dans les actes de la vie quotidienne, vivent en Algérie, où, ainsi qu'il a été dit au point précédent, il pourra effectivement bénéficier d'un traitement adapté à ses affections. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde doit être écarté.

11. En sixième lieu, si M. C... soutient que le préfet des Alpes-Maritimes aurait dû faire usage de son pouvoir de régularisation, eu égard aux éléments caractérisant sa situation personnelle et familiale exposés aux points précédents et dès lors notamment qu'il ne démontre pas qu'il ne pourrait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine, la situation de l'intéressé ne fait pas apparaître de circonstance exceptionnelle ou de motif humanitaire justifiant son admission exceptionnelle au séjour. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l'arrêté est entaché d'une erreur de droit en ce que le préfet a méconnu son pouvoir de régularisation doit être écarté.

12. En septième lieu, M. C... n'ayant pas démontré l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, il n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement.

13. En huitième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. C... doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 et 10 de la présente décision.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 février 2021. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2022, où siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- M. Ciréfice, présidente assesseure,

- M Prieto, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2022.

N° 21MA02867 2

fa


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02867
Date de la décision : 13/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Virginie CIREFICE
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : KRID

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-13;21ma02867 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award