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13/05/2022 | FRANCE | N°20MA00205

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 13 mai 2022, 20MA00205


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 24 novembre 2016 par laquelle par le chef du département des rapatriés de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre a rejeté sa demande tendant au bénéfice de l'allocation de reconnaissance, confirmée le 31 janvier 2017 par la même autorité.

Par un jugement n° 1701044 du 18 novembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a, à l'article 1er, annulé cette décision du 24 novembre 2016, à l

'article 2, enjoint au chef du département des rapatriés de l'Office national des a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 24 novembre 2016 par laquelle par le chef du département des rapatriés de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre a rejeté sa demande tendant au bénéfice de l'allocation de reconnaissance, confirmée le 31 janvier 2017 par la même autorité.

Par un jugement n° 1701044 du 18 novembre 2019, le tribunal administratif de Toulon a, à l'article 1er, annulé cette décision du 24 novembre 2016, à l'article 2, enjoint au chef du département des rapatriés de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre de procéder à un nouvel examen de la demande de M. B..., à l'article 3, mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à l'article 4, rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 20 janvier 2020, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, (ONACVG) représenté par la SCP O. Matuchansky, L. Poupot et G. Valdelièvre, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 18 novembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulon ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ont omis de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que la demande de M. B... était irrecevable au motif qu'elle était dirigée contre une décision purement confirmative d'une première décision ;

- ils ont appliqué à tort les dispositions du I de l'article 6 de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, dans leur rédaction applicable à la date du jugement, et non à la date à laquelle la décision en litige avait été prise ;

- en considérant que la demande de l'intéressé tendait au bénéfice de l'allocation de reconnaissance " prévue par les dispositions de l'article 47 de la loi du 30 décembre 1999 " et " n'était pas présentée sur le fondement des dispositions du I de l'article 6 de la loi du 23 février 2005 ", les premiers juges ont inexactement apprécié les faits ;

- en retenant un motif d'annulation tiré de ce que la demande de M. B... tendait au bénéfice de l'allocation de reconnaissance " prévue par les dispositions de l'article 47 de la loi du 30 décembre 1999 " et " n'était pas présentée sur le fondement des dispositions du I de l'article 6 de la loi du 23 février 2005 ", les premiers juges ont, en tout état de cause, entaché leur décision d'erreur de droit dès lors que ces dispositions déterminent le régime d'une seule et même allocation de reconnaissance ;

- le rejet de la demande de M. B... était fondé dès lors qu'il ne justifie pas de la qualité de rapatrié ;

- il doit être procédé, au besoin, à une substitution de base légale de la décision en litige en substituant les dispositions de l'article 47 de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 à celles du I de l'article 6 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005.

La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 26 décembre 1961 ;

- la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 ;

- la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 ;

- la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 de finances rectificative pour 1999 ;

- la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 ;

- la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 ;

- la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Chanon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité française, né le 14 septembre 1942 en Algérie, a sollicité, en dernier lieu le 22 juillet 2016, l'allocation de reconnaissance en faveur des rapatriés. Cette demande a été rejetée par une décision du 24 novembre 2016 du chef du département des rapatriés de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre. Le 29 novembre 2016, M. B... a formé un recours gracieux contre cette décision qui a été rejeté par une décision du 31 janvier 2017. L'Office national des anciens combattants et victimes de guerre relève appel du jugement du 18 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 24 novembre 2016.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article 1er de la loi du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des français d'outre-mer : " Les Français, ayant dû ou estimé devoir quitter, par suite d'événements politiques, un territoire où ils étaient établis et qui était antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France, pourront bénéficier du concours de l'Etat en vertu de la solidarité nationale affirmée par le préambule de la Constitution de 1946, dans les conditions prévues par la présente loi. / Ce concours se manifeste par un ensemble de mesures de nature à intégrer les Français rapatriés dans les structures économiques et sociales de la nation. / (...) ". Aux termes de l'article 47 de la loi du 30 décembre 1999 dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " I. - Une allocation de reconnaissance indexée sur le taux d'évolution en moyenne annuelle des prix à la consommation de tous les ménages (hors tabac) non réversible, sous conditions d'âge, est instituée, à compter du 1er janvier 1999, en faveur des personnes désignées par le premier alinéa de l'article 2 de la loi n° 94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie. / Les conditions d'attribution et le montant de cette rente sont définis par décret ". L'article 2 de la loi du 11 juin 1994, en vigueur alors dispose que : " Une allocation forfaitaire complémentaire de 110 000 F est versée à chacun des bénéficiaires des dispositions du premier alinéa de l'article 9 de la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés s'il répond, à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, aux conditions posées par cet alinéa. (...) ". Selon l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 dans sa version applicable à la date de la décision en litige : " Une allocation de 60 000 F est versée, à raison de 25 000 F en 1989 et 1990, et de 10 000 F en 1991, aux anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie, qui ont fixé leur domicile en France. (...) ".

3. D'autre part, aux termes des dispositions du I de l'article 6 de la loi du 23 février 2005 en vigueur à la date de la décision en litige : " I.- Les bénéficiaires de l'allocation de reconnaissance mentionnée à l'article 67 de la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002) peuvent opter, au choix : / pour le maintien de l'allocation de reconnaissance dont le montant annuel est porté à 3 415 euros à compter du 1er janvier 2015 ; / pour le maintien de l'allocation de reconnaissance d'un montant annuel de 2 322 euros à compter du 1er janvier 2015 et le versement d'un capital de 20 000 euros ; / pour le versement, en lieu et place de l'allocation de reconnaissance, d'un capital de 30 000 euros. (...) ". Aux termes de l'article 9 de la même loi applicable à la date de la décision contestée : " Par dérogation aux conditions fixées pour bénéficier de l'allocation de reconnaissance et des aides spécifiques au logement mentionnées aux articles 6 et 7, le ministre chargé des rapatriés accorde le bénéfice de ces aides aux anciens harkis et membres des formations supplétives ayant servi en Algérie ou à leurs veuves, rapatriés, âgés de soixante ans et plus, qui peuvent justifier d'un domicile continu en France ou dans un autre Etat membre de la Communauté européenne depuis le 10 janvier 1973. / Cette demande de dérogation est présentée dans le délai d'un an suivant la publication du décret d'application du présent article ".

4. Par la décision contestée du 24 novembre 2016, l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre a rejeté la demande d'allocation de reconnaissance prévue par l'article 6 de la loi du 23 février 2005 au motif que M. B... avait indiqué qu'il n'avait pu rejoindre le territoire français qu'en septembre 2002 et que son arrivée en France, 40 ans après l'indépendance de l'Algérie, ne pouvait donc lui permettre de lui voir reconnaître le statut de rapatrié. Le tribunal a annulé cette décision au motif que la demande de M. B... tendait au bénéfice de l'allocation de reconnaissance prévue par les dispositions de l'article 47 de la loi du 30 décembre 1999 et n'était pas présentée sur le fondement des dispositions du I de l'article 6 de la loi du 23 février 2005. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que dans sa lettre du 22 juillet 2016 ayant donné lieu à la décision en litige, M. B... a demandé à l'Office de bien vouloir " réactiver son ancienne demande d'allocation de reconnaissance " en se prévalant de sa qualité de supplétif de l'armée française du 1er janvier 1959 au 30 avril 1962, sachant que sa demande initiale du 29 mars 2011 mentionnait qu'il s'agissait d'une demande d'allocation de reconnaissance aux anciens membres des formations supplétives et visait l'article 47 de la loi n° 99-1173 du 30 décembre 1999 ainsi que le décret n° 2000-359 du 26 avril 2000. Pour annuler cette décision, le tribunal a estimé que la demande de M. B... tendait au bénéfice de l'allocation de reconnaissance prévue par les dispositions de l'article 47 de la loi du 30 décembre 1999 et n'était pas présentée sur le fondement des dispositions du I de l'article 6 de la loi du 23 février 2005, qu'ainsi, en rejetant cette demande sur le seul fondement de ce dernier texte, le chef du département des rapatriés s'était mépris sur l'objet et la portée de ladite demande.

5. Cependant, il ressort des textes mentionnés aux points 2 et 3 que l'article 47 de la loi du 30 décembre 1999 invoqué par M. B... renvoie à l'article 2 de la loi du 11 juin 1994, lequel renvoie à l'article 9 de la loi du 16 juillet 1987 qui concerne le bénéfice de l'allocation de reconnaissance aux anciens harkis, moghaznis et personnels des diverses formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie, qui ont fixé leur domicile en France. En outre, le I de l'article 6 de la loi du 23 février 2005 combiné avec l'article 9 de la même loi vise l'allocation de reconnaissance mentionnée à l'article 67 de la loi de finances rectificative pour 2002 pour les anciens harkis et membres des formations supplétives ayant servi en Algérie ou à leurs veuves, rapatriés, âgés de soixante ans et plus, qui peuvent justifier d'un domicile continu en France, étant précisé que cet article 67 a modifié les dispositions de l'article 47 de la loi du 30 décembre 1999 en rebaptisant " allocation de reconnaissance " la " rente viagère " initialement prévue. Par conséquent, l'article 6 de la loi du 23 février 2005 n'instituait pas à la date de la demande une nouvelle allocation de reconnaissance mais modifiait seulement les modalités selon lesquelles l'allocation de reconnaissance, instituée par l'article 47 de la loi du 30 décembre 1999, pouvait être perçue. Par suite, une demande d'allocation de reconnaissance fondée sur l'article 6 de la loi du 23 février 2005 était également fondée sur les dispositions de l'article 47 de la loi du 30 décembre 1999, sans qu'il soit besoin de procéder à la substitution de base légale demandée par l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, lequel est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, pour le motif mentionné au point 4, le tribunal a annulé la décision contestée.

6. Toutefois, il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Toulon et devant la Cour.

7. Il résulte de la combinaison des dispositions législatives mentionnée aux points 2 et 3 que, pour être en droit de bénéficier de l'allocation de reconnaissance selon les conditions fixées à l'article 9 de la loi du 23 février 2005, le demandeur d'une telle aide doit pouvoir justifier de sa qualité de rapatrié. Cette qualité ne s'attache qu'aux personnes qui, établies sur des territoires anciennement placés sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France, ont dû ou estimé devoir quitter ces territoires pour la France par suite d'événements politiques qui sont la conséquence directe de la cessation de souveraineté, du protectorat ou de la tutelle de la France sur l'un de ces territoires. Ces dispositions déjà citées de l'article 9 de la loi du 23 février 2005 n'ont ni pour objet, ni pour effet d'instituer, au bénéfice des anciens harkis et membres des formations supplétives ayant servi en Algérie, une présomption de ce que le départ éventuel des intéressés pour la France ou pour un autre Etat membre de la Communauté européenne aurait été motivé par des événements politiques directement causés par la cessation de la souveraineté de la France en Algérie.

8. Compte tenu de ce qui a été dit au point 5, M. B... ne peut utilement soutenir qu'il n'a nullement sollicité une allocation de reconnaissance en qualité de français rapatrié au sens de la loi du 26 septembre 1961 mais en sa qualité d'ancien harki relevant du statut civil de droit local en application de l'article 47 de la loi du 30 décembre 1999.

9. Il ressort des pièces du dossier et plus particulièrement d'une attestation de services militaires que M. B... a servi en qualité de supplétif dans l'armée française du 1er janvier 1959 au 30 avril 1962. Toutefois, il ressort de ses propres écritures qu'il a vécu en Algérie jusqu'en 2002, date depuis laquelle il réside continuellement en France. Si M. B... fait valoir qu'il a été rapatrié en métropole le 21 janvier 1963 par bateau avant de retourner en Algérie en 1965 pour s'occuper de son frère mais que, les autorités sur place lui ayant confisqué ses papiers, il a été contraint de rester sur le territoire algérien avant de pouvoir revenir en France seulement en 2002, il ne produit aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations. Dans ces conditions, le départ de M. B... pour la France ne saurait être regardé comme ayant été entraîné par des évènements politiques qui seraient la conséquence directe de la cessation de souveraineté de la France sur l'Algérie. Par suite, il ne relève pas de la qualité de rapatrié au sens de la loi du 26 décembre 1961. Dès lors, il ne remplit pas toutes les conditions pour bénéficier des droits ouverts par les dispositions dérogatoires de l'article 9 de la loi du 23 février 2005 et, par suite, n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 24 novembre 2016.

10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par ce jugement, le tribunal administratif de Toulon a annulé la décision du 24 novembre 2016.

Sur les frais liés au litige :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 18 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Toulon est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 27 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Pocheron, président de chambre,

- Mme Ciréfice, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mai 2022.

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N° 20MA00205

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00205
Date de la décision : 13/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Armées et défense - Combattants.

Outre-mer - Aides aux rapatriés d'outre-mer - Diverses formes d`aide.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY - POUPOT - VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-13;20ma00205 ?
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