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13/05/2022 | FRANCE | N°20MA00087

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre, 13 mai 2022, 20MA00087


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CGI France a demandé au tribunal administratif de Nice, à titre principal, d'annuler la décision du 31 juillet 2017 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur lui a infligé une amende administrative de 39 930 euros et, à titre subsidiaire, de diminuer le montant de cette amende.

Par un jugement n° 1704449 du 12 novembre 2019, le tribunal administratif de Nice a,

à l'article 1er, annulé cette décision du 31 juillet 2017 et à l'article 3, rej...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société CGI France a demandé au tribunal administratif de Nice, à titre principal, d'annuler la décision du 31 juillet 2017 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur lui a infligé une amende administrative de 39 930 euros et, à titre subsidiaire, de diminuer le montant de cette amende.

Par un jugement n° 1704449 du 12 novembre 2019, le tribunal administratif de Nice a, à l'article 1er, annulé cette décision du 31 juillet 2017 et à l'article 3, rejeté le surplus des conclusions de sa requête.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2020, la ministre du travail demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 12 novembre 2019 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société CGI France devant le tribunal administratif de Nice.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en se fondant sur le caractère erroné d'un seul des motifs de la décision contestée sans rechercher si, en se fondant sur les autres motifs de cette décision, le DIRECCTE aurait prononcé la même sanction ;

- il a estimé à tort que le décompte produit par la société CGI France était conforme aux exigences des articles L. 3172-2 et D. 3171-8 du code du travail alors que celui-ci n'est pas fiable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 août 2020, la société par actions simplifiée à associé unique (SASU) CGI France, représentée par Me Vuidard, conclut, à titre principal, au rejet de la requête de la ministre du travail et demande à la Cour :

1°) subsidiairement, de confirmer l'annulation de la décision du 31 juillet 2017 concernant les salariés travaillant en modalité réalisation de mission ;

2°) plus subsidiairement, de diminuer le montant de l'amende contestée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la ministre du travail ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,

- les observations de Me Charrier, représentant la société CGI France.

Considérant ce qui suit :

1. La société CGI France, qui exerce son activité dans le secteur des services en technologie de l'information, a fait l'objet de deux contrôles, les 7 juillet et 20 septembre 2016, de l'inspection du travail de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur concernant les modalités de décompte de la durée de travail. Par une décision du 31 juillet 2017, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur a infligé à la société CGI France une amende de 330 euros par salarié, soit une somme totale de 39 930 euros pour 121 salariés concernés, pour avoir méconnu les dispositions des articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail. La ministre du travail relève appel du jugement du 12 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nice a, à l'article 1er, annulé cette décision du 31 juillet 2017.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Lorsque l'administration s'est fondée sur plusieurs motifs dont certains sont illégaux, il appartient au juge administratif d'examiner s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision en se fondant sur les seuls motifs légaux.

3. Pour annuler la décision contestée, le tribunal a estimé que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur ne pouvait estimer que la société requérante, qui ne procède pas à l'enregistrement des heures de début et de fin de période de travail, a méconnu les dispositions du 1° de l'article D. 3171-8 du code du travail. Il a ainsi statué, sans rechercher, comme le soutient la ministre du travail, s'il ressortait de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision en se fondant sur l'autre motif de cette décision tiré de l'absence de fiabilité des documents transmis eu égard aux possibles déclarations anticipées des temps de travail, au respect du repos quotidien assuré par défaut et à la validation des déclarations des salariés par le supérieur hiérarchique, le tout aboutissant à des durées déclarées purement théoriques. La circonstance que le tribunal ait fait application du principe de l'économie de moyen est sans incidence sur cette irrégularité. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société CGI France devant le tribunal administratif de Nice.

Sur le bien-fondé de l'amende administrative contestée :

5. Aux termes de l'article L. 8115-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité administrative compétente peut, sur rapport de l'agent de contrôle de l'inspection du travail mentionné à l'article L. 8112-1, et sous réserve de l'absence de poursuites pénales, prononcer à l'encontre de l'employeur une amende en cas de manquement : (...) 3° A l'article L. 3171-2 relatif à l'établissement d'un décompte de la durée de travail et aux dispositions réglementaires prises pour son application ; (...) ". Selon l'article L. 8115-5 du code précité : " Avant toute décision, l'autorité administrative informe par écrit la personne mise en cause de la sanction envisagée en portant à sa connaissance le manquement retenu à son encontre et en l'invitant à présenter, dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat, ses observations. / A l'issue de ce délai, l'autorité administrative peut, par décision motivée, prononcer l'amende et émettre le titre de perception correspondant (...) ".

6. L'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) 2° Infligent une sanction (...) ".

7. Pour prendre la décision contestée qui vise les textes applicables au litige et le rapport de l'inspecteur du travail du 1er décembre 2016, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur a relevé qu'à la suite d'un contrôle réalisé les 7 juillet et 20 septembre 2016 au sein de l'établissement SAS CGI France situé à Valbonne (06560), l'inspecteur du travail a constaté que sur les 133 salariés de l'établissement, 121 sont occupés selon des horaires individualisés et soumis par l'employeur à l'enregistrement de leurs heures de travail sur l'outil informatique " PSA Time ". Cette décision relève que cet outil ne donne aucune indication des heures de début et de fin de travail ni de pauses, que la déclaration peut être anticipée et les salariés sont incités à le faire, que le respect des 11 heures de repos quotidien est assuré par défaut et que la déclaration doit être validée par le supérieur hiérarchique. Elle mentionne également que le traitement des déclarations des salariés par cet outil informatique aboutit, pour ces 121 salariés, concernant la période de juillet à août 2016, à des durées de travail journalières toujours identiques ou presque identiques pour un même salarié, conformes à la durée théorique du travail, qui confèrent au résultat un caractère irréaliste, ainsi qu'à l'absence totale d'heures supplémentaires hormis pour 7 salariés en juillet et 4 en août qui sont des représentants du personnel ou d'astreinte. Ces constats établissent ainsi l'absence de décompte par enregistrement chaque jour de la semaine des heures de travail effectuées par les salariés, constituant un manquement aux dispositions des articles L. 3171-2 et D. 3171-8 du code du travail. Cette décision indique aussi que les arguments développés par la SAS CGI dans sa réponse du 15 mai 2017 ne permettent de remettre en cause la matérialité des constats ni la gravité des manquements, que l'employeur ne reconnaissait pas le manquement et ne prenait aucun engagement quant à la situation des salariés concernés et que le manquement est délibéré, correspondant à une stratégie de l'établissement, l'outil de travail n'aboutissant qu'à refléter la durée théorique du travail et non la réalité des heures effectuées. Par ailleurs, elle mentionne que pour fixer l'amende de 39 930 euros, il a été pris en compte le comportement de l'auteur des infractions et notamment ses réponses fournies à l'agent de contrôle et l'augmentation de son chiffre d'affaires. La décision en litige n'avait pas à lister nominativement les 121 salariés ni à procéder à une analyse individuelle de la situation de chacun des salariés concernés ou préciser le nombre de salariés concernés par la décision travaillant en modalité standard (MS) et en modalité réalisation de mission (RM). Par suite, la décision en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. En outre, à supposer même que cette décision comporterait diverses contradictions, un tel vice n'a pas d'incidence sur sa motivation mais relève de sa légalité interne.

8. La décision en litige n'est pas entachée de contradiction du fait qu'elle indique que les durées de travail journalières sont identiques ou presque identiques alors qu'il a été relevé une absence totale d'heures supplémentaires hormis pour 7 salariés en juillet et 4 en août qui sont des représentants du personnel ou en astreinte.

9. Aux termes de l'article L. 3171-2 du code du travail : " Lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. (...) ". L'article L. 3171-4 du même code dispose que : " En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. / Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. / Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable. " Selon l'article L. 3131-1 du code précité : " Tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives, sauf dans les cas prévus aux articles L. 3131-2 et L. 3131-3 ou en cas d'urgence, dans des conditions déterminées par décret. " Aux termes de l'article D. 3171-8 du même code : " Lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe, au sens de l'article D. 3171-7, ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes : / 1° Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ; / 2° Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié ". L'article D. 3171-9 de ce code prévoit que : " Les dispositions de l'article D. 3171-8 ne sont pas applicables : / 1° Aux salariés concernés par les conventions ou accords collectifs de travail prévoyant des conventions de forfait en heures lorsque ces conventions ou accords fixent les modalités de contrôle de la durée du travail ; (...) ".

10. Pour prendre la décision contestée, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a tenu compte, d'une part, de l'absence d'indication des heures de début et de fin de travail ainsi que des pauses et, d'autre part, de l'absence de fiabilité des documents transmis eu égard aux possibles déclarations anticipées des temps de travail, au respect du repos quotidien assuré par défaut et à la validation des déclarations des salariés par le supérieur hiérarchique, le tout aboutissant à des durées déclarées purement théoriques.

11. Il résulte de l'instruction et plus particulièrement du rapport de l'inspecteur du travail que l'accès au logiciel " PSA Time " mis en place à compter du 1er juin 2016, par les salariés est réalisé sur un ordinateur professionnel, via un code d'accès personnalisé, plusieurs onglets étant disponibles dont ceux " déclaration " et " modification ". En cliquant sur " déclaration ", le salarié accède à une page sur laquelle il peut déclarer, chaque jour, le nombre d'heures effectuées. Ainsi, ce système permet un enregistrement quotidien conformément au 1°) de l'article D. 3171-8 du code du travail lequel prévoit un enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies. Par suite, l'inspecteur du travail ne pouvait reprocher à l'outil informatique " PSA Times " de la société CGI France de ne pas permettre l'indication des heures de début et de fin de chaque période de travail.

12. Toutefois, en premier lieu, il résulte du document " PSA Time Formation des membres Module 1 - Règles générales " diffusé par la société CGI France à ses salariés que sous l'intitulé " Description générale " et pour la période antérieure au 6 mars 2017, il était mentionné que " chaque semaine, chaque membre, stagiaire compris, doit soumettre sa déclaration de temps de travail en saisissant une seule et même feuille de temps, du dimanche au samedi " fixant, dès lors, le début d'une semaine déclarée au dimanche et son terme au samedi. Ce document prescrivait, en outre, sous l'intitulé " Règles de soumission par le membre " que " La feuille de temps doit être remplie et soumise toutes les semaines : / Jeudi midi au plus tard pour la première soumission. / Vendredi soir pour la/les correction(s) si refus par son gestionnaire. / Il est possible de soumettre ses feuilles de temps à l'avance ". Dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, la formulation de la déclaration par anticipation était impérative. Par ailleurs, comme la feuille devait être remise au plus tard le jeudi midi, en saisissant une seule et même feuille de temps, du dimanche au samedi, il est constant que pour un certain nombre de jours, la déclaration était purement théorique car réalisée avant même que les heures soient effectuées. Si les salariés concernés étaient tenus de rectifier " a posteriori " leur déclaration initiale afin que le nombre d'heures de travail déclarées corresponde à celui effectivement accompli, il n'en demeure pas moins qu'entre la déclaration initiale et l'éventuelle intervention de cette rectification, les heures de travail déclarées ne correspondaient pas à celles effectivement accomplies. Ainsi, l'inspecteur du travail a constaté que les relevés d'heures des salariés montraient que ces derniers effectuaient chaque jour un horaire identique égal à la durée de référence prévue par l'accord ARTT, soit 7,4 heures pour les salariés en modalités standard et 7,7 heures pour les salariés en modalité de réalisation de missions. En outre, si la société CGI France a fait circuler, entre les 6 mars 2017 et 15 mars 2018, un message aux salariés de sorte que la saisie des fiches de temps soit enregistrée le vendredi à 17 h au plus tard, cette régularisation n'a été que partielle dès lors que les heures de travail étaient toujours déclarées par anticipation, les salariés travaillant sous le régime des heures individualisées ayant une plage horaire se terminant à 19 heures et certains d'entre eux pouvant être amenés à faire des interventions sur site au cours du week-end.

13. En second lieu, il résulte de l'instruction et plus particulièrement du rapport de l'inspection du travail que le salarié devait décocher une case, remplie par défaut s'il n'avait pas respecté les 11 heures de repos quotidien, correspondant ainsi à un horaire théorique et non au temps de repos effectivement pris. L'inspecteur du travail a également relevé l'absence totale d'heures supplémentaires hormis pour 7 salariés en juillet et 4 en août, qui sont des représentants du personnel ou d'astreinte. Sur ce point, l'examen du manuel d'utilisation " PSA Time ", formation module 1, plus particulièrement son point 2.2.2.3, montre qu'en cas de saisie d'une durée de travail quotidienne supérieure au nombre d'heures prévu au contrat, un message s'affichait suivant lequel " votre déclaration dépasse le nombre d'heures attendu " et " toute heure supplémentaire doit avoir été validée au préalable et ensuite déclarée de manière adéquate pour être payée ", ce qui n'incitaient pas à la reconnaissance de toutes les heures supplémentaires effectuées.

14. Il s'en suit que ces modalités d'enregistrement par le logiciel " PSA Times " telles que décrites aux points 12 et 13 ne sont pas conformes aux exigences légales en matière de décompte de la durée de travail qui obligent à un décompte des heures de travail effectivement réalisées, c'est-à-dire à un enregistrement à postériori, sachant pat ailleurs que ce décompte doit permettre de connaître la durée de travail réellement effectuée par les salariés.

15. Il en résulte que seul le second motif mentionné au point 14 est de nature à fonder une sanction administrative. Dans ces conditions, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur a pu légalement estimer qu'un dispositif imposant par principe de procéder dès le jeudi à la déclaration de l'ensemble des heures travaillées pour la semaine en cours, partiellement par anticipation, méconnaissait l'article D. 3171-8 du code du travail. Par suite, les circonstances que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi aurait indiqué qu'aucune non-conformité n'était reprochée s'agissant du système d'auto-déclaration des heures de travail, que la validation des heures par le manager permettrait de contrôler que les salariés ont bien bénéficié de leur droit à repos ou que leurs heures supplémentaires ont été correctement déclarées sont sans incidence.

16. Selon l'accord d'entreprise sur la réduction et l'aménagement du temps de travail (ARTT) du 30 juin 2008, les salariés de l'établissement CGI France de Valbonne sont rattachés, selon leur emploi, à l'une des quatre modalités conventionnelles, soit la modalité dite standard (MS) correspondant à une durée quotidienne de travail de 7,4 heures correspondant à 37 heures par semaine, soit la modalité de réalisation de missions (RM) avec une durée quotidienne de travail de 7,7 heures correspondant à 38h30 par semaine (convention de forfait hebdomadaire en heures), soit la modalité autonomie complète (AC), soit celle des cadres dirigeants. Pour les salariés appartenant à la catégorie " RM " correspondant aux ingénieurs et cadres, l'article 3.3.1 de cet accord précise que leur organisation du temps de travail relève des dispositions des articles L. 3121-39, L. 3121-41 et L. 3121-59 du code du travail et de l'article 3 du chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 de réduction de temps de travail de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs conseils et des sociétés de conseils (SYNTEC). Il précise que l'organisation du temps de travail est déterminée par un nombre maximum de jours de travail dans l'année, à savoir 218 jours et par la mise en place d'une convention de forfait hebdomadaire dans une limite maximale de 38h30. En outre, en vertu du chapitre VII de cet accord, en cas d'horaire individualisé et de document déclaratif, la récapitulation hebdomadaire est effectuée conformément à l'article D. 212-21 du code du travail, le contrôle hiérarchique restant en général mensuel. Le système retenu, quel qu'il soit, doit permettre d'identifier clairement le temps de travail effectif, y compris les tranches exceptionnelles d'activité et les dépassements d'horaires accomplis à la demande de la hiérarchie, pour les personnels assujettis à un horaire collectif ou individualisé. Par suite, ce chapitre VII de l'accord du 22 juin 1999 ne fixe pas des modalités de contrôle de la durée de travail distinctes de celles prévues par les dispositions de l'article D. 212-21 du code du travail, abrogé par l'article 9 du décret n° 2008-244 du 7 mars 2008 relatif au code du travail et remplacé par les articles D. 3171-8 et D. 3171-9 du code précité. Ainsi, même si les salariés régis par la modalité réalisation de mission (RM) travaillent selon une convention de forfait hebdomadaire de 38h30, ils ne sont pas exclus pour autant du champ d'application de l'article D. 3171-8 du code du travail. Il s'ensuit que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur était fondé à sanctionner la société CGI France pour les salariés travaillant selon ces modalités dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 15, le logiciel " PSA Time " aboutissait à des durées déclarées purement théoriques et ne rendait pas compte du temps de travail effectif de ces salariés.

Sur le montant de l'amende en litige :

17. Aux termes de l'article L. 8115-3 du code du travail dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige : " Le montant maximal de l'amende est de 2 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par le manquement. (...) ". Aux termes de l'article L. 8115-4 du code du travail applicable à la date de cette décision : " Pour fixer le montant de l'amende, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur ainsi que ses ressources et ses charges. (...) ".

18. Aux termes de l'article L. 8115-3 du code du travail : " Le montant maximal de l'amende est de 4 000 euros et peut être appliqué autant de fois qu'il y a de travailleurs concernés par le manquement. (...) ". Aux termes de l'article L. 8115-4 du code du travail : " Pour déterminer si elle prononce un avertissement ou une amende et, le cas échéant, pour fixer le montant de cette dernière, l'autorité administrative prend en compte les circonstances et la gravité du manquement, le comportement de son auteur, notamment sa bonne foi, ainsi que ses ressources et ses charges. ".

19. Il résulte de l'instruction que le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur a décidé d'infliger à la requérante une amende de 39 930 euros pour 121 salariés, soit un montant de 330 euros par salarié en estimant que le manquement était délibéré et correspondait à une stratégie de l'établissement et de l'entreprise, l'outil de décompte du temps de travail n'aboutissant qu'à refléter la durée théorique du travail et non la réalité des heures de travail effectuées. Il a également pris en compte le comportement de l'auteur de l'infraction et notamment les réponses fournies à l'agent de contrôle ainsi que ses éléments comptables qui ont fait apparaître une augmentation de son chiffre d'affaires et de ses bénéfices sur les trois derniers exercices.

20. La société CGI France se prévaut de sa bonne foi et soutient que depuis le 5 mars 2018, elle a amélioré le logiciel " PSA Time ", l'inspecteur du travail ayant estimé, par courrier du 5 juillet 2018, que cet outil apparaissait comme conforme dorénavant à la réglementation et que l'enregistrement des heures n'était plus anticipé. Toutefois, outre que cette mise en conformité est intervenue un peu moins de deux ans après les premiers contrôles, eu égard à la gravité des manquements et du nombre de salariés en cause, et alors que la société CGI France n'établit ni même n'allègue connaître de difficultés financières, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur n'a pas prononcé une sanction disproportionnée en fixant l'amende à la somme de 39 930 euros, soit 330 euros par salarié, alors que cette amende pouvait aller jusqu'à 2 000 euros par salarié à la date de la décision en litige, et en ne retenant pas un avertissement plutôt que cette sanction. Il s'ensuit qu'il n'y a pas lieu d'en réduire le montant. Par suite, les conclusions présentées à titre subsidiaire par la société requérante tendant à la réduction du montant de l'amende en litige doivent être rejetées.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la société CGI France n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision contestée du 31 juillet 2017 ni, subsidiairement, la réduction du montant de l'amende qu'elle fixe.

Sur les frais liés au litige :

22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société CGI France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E:

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 12 novembre 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société CGI France devant le tribunal administratif de Nice et le surplus de ses conclusions sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et à la SASU CGI France.

Délibéré après l'audience du 27 avril 2022, à laquelle siégeaient :

M. Pocheron, président de chambre,

Mme Ciréfice, présidente assesseure,

Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mai 2022.

2

N° 20MA00087

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00087
Date de la décision : 13/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03 Travail et emploi. - Conditions de travail.


Composition du Tribunal
Président : M. POCHERON
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. CHANON
Avocat(s) : LINKLATERS LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-13;20ma00087 ?
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