Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association " Centre ressources illettrisme PACA " a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler, d'une part, la décision du 30 mai 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur a réduit la subvention européenne au titre du Fonds social européen (FSE) dont elle avait bénéficié et en a fixé le montant à la somme de 38 353,12 euros, d'autre part, la décision du 4 août 2016 rejetant son recours gracieux contre cette décision, et enfin, le titre de perception émis le 9 août 2016 à son encontre pour un montant de 24 766,31 euros aux fins du reversement du trop-perçu de subvention au titre du FSE.
Par un jugement n° 1607971 du 8 juillet 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2019, l'association " Centre ressources illettrisme PACA ", représentée par Me Leturcq, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 juillet 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 30 mai 2016 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur, ainsi que la décision du 4 août 2016 rejetant son recours gracieux contre cette décision et le titre de perception du 9 août 2016 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le principe du contradictoire n'a pas été respecté ;
- les décisions des 30 mai et 4 août 2016 sont insuffisamment motivées ;
- la décision attributive de subvention ne pouvait plus être retirée après l'expiration du délai de quatre mois courant à compter de la date à laquelle elle a remis les justificatifs qui lui étaient demandés au cabinet Orcom ;
- la décision en litige est intervenue en méconnaissance du principe de sécurité juridique et des règles de prescription ;
- à supposer que les sommes versées étaient indues, la perte correspondante ne résulte que de la seule négligence de l'administration ;
- l'ensemble des dépenses présentées étaient éligibles au dispositif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'association " Centre ressources illettrisme PACA " ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil du 25 juin 2002 portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes ;
- le règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission du 23 décembre 2002 établissant les modalités d'exécution du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes ;
- le règlement européen n° 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 portant dispositions générales sur le Fonds européen de développement régional, le Fonds social européen et le Fonds de cohésion, et abrogeant le règlement (CE) n° 1260/1999 ;
- le règlement de la Commission n° 1828/2006 du 8 décembre 2006 établissant les modalités d'exécution du règlement (CE) n° 1083/2006 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le décret n° 2007-1303 du 3 septembre 2007 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me Michel, représentant le " Centre ressources illettrisme PACA ".
Considérant ce qui suit :
1. L'association " Centre ressources illettrisme PACA " a déposé auprès du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur un dossier de demande de subvention au titre du programme opérationnel " compétitivité régionale et emploi " pour la période de programmation 2007-2013 de la politique de cohésion économique et sociale de l'Union européenne. Cette aide, sollicitée au titre du Fonds social européen (FSE), était destinée à cofinancer la réalisation d'un projet devant se dérouler du 2 janvier au 31 décembre 2012, intitulé " appui pédagogique et technique aux opérateurs régionaux de la lutte contre l'illettrisme ". Sur avis favorable du comité régional de programmation du FSE, l'État et l'association ont conclu, le 28 novembre 2012, une convention par laquelle l'État s'engageait, en contrepartie de la réalisation de cette opération, à verser à l'association une subvention d'un montant maximal de 125 500 euros pour un coût total prévisionnel éligible de l'opération de 327 500 euros. Après le contrôle effectué au cours des années 2015 et 2016 par le cabinet Orcom, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Provence-Alpes-Côte d'Azur a, par lettre du 30 mai 2016, notifié à l'association le rapport définitif de ce contrôle et ramené le montant de la subvention à la somme de 38 353,12 euros, après avoir écarté certaines dépenses qu'il a estimé non-éligibles. L'association " Centre ressources illettrisme PACA " relève appel du jugement du 8 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 30 mai 2016 ainsi que la décision du 4 août 2016 rejetant son recours gracieux dirigé contre cette décision, et enfin, le titre de perception émis le 9 août 2016 à son encontre pour un montant de 24 766,31 euros aux fins du reversement du trop-perçu de subvention au titre du FSE.
Sur la recevabilité des conclusions dirigées contre le titre de perception :
2. Il n'appartient pas au juge d'appel, devant lequel le requérant ne conteste pas la fin de non-recevoir opposée à ses conclusions par le juge de premier ressort, de rechercher d'office si cette fin de non-recevoir a été soulevée à bon droit. En l'espèce, si l'association reprend en appel ses conclusions dirigées contre le titre de perception émis le 9 août 2016 à son encontre, elle ne conteste pas le motif d'irrecevabilité qui lui a été opposé par le tribunal, tiré de l'absence de présentation de la réclamation préalable prévue par les dispositions de l'article 118 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable. Par suite, et alors d'ailleurs en tout état de cause que l'association a reconnu en réponse à la communication d'un moyen susceptible d'être relevé d'office en première instance qu'elle n'avait pas présenté de réclamation préalable, les conclusions de la requête dirigées contre le titre de perception sont irrecevables.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 3° (...) imposent des sujétions ; / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1 du même code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) ".
4. La décision par laquelle l'autorité administrative compétente remet en cause le montant d'une aide régie par un texte de l'Union européenne et notifie à son bénéficiaire les montants d'aide indûment perçus par celui-ci a le caractère d'une décision défavorable retirant une décision créatrice de droits au sens de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, en tant qu'elle retire une aide financière qui avait été précédemment octroyée à son bénéficiaire. Ainsi, une telle décision doit être motivée et être précédée d'une procédure contradictoire.
5. Il ressort des pièces du dossier que par lettre du 24 février 2016, adressée sous pli recommandé avec accusé de réception, le DIRECCTE de Provence-Alpes-Côte d'Azur a notifié à l'association " Centre ressources illettrisme PACA " les conclusions provisoires du contrôle opéré. Ce courrier mentionnait de manière précise les motifs pour lesquels l'administration envisageait de refuser le subventionnement de certaines dépenses de personnel, de dépenses directes de fonctionnement, de dépenses directes de prestations externes, de dépenses indirectes de fonctionnement, fixait le montant de la participation FSE à l'issue du contrôle et l'invitait à présenter ses observations dans le délai de trente jours. Contrairement à ce qui est soutenu, ces indications étaient suffisamment précises pour permettre à l'association requérante de présenter utilement ses observations, ce qu'elle a d'ailleurs fait par une lettre du 29 mars 2016 par laquelle elle contestait les résultats du contrôle qui lui étaient notifiés. L'administration a, au demeurant, tenu compte de certaines de ses observations en modifiant les montants initialement retenus. Ainsi, la décision en litige du 30 mai 2016 a été prise après que l'association " Centre ressources illettrisme PACA " a été mise à même de présenter des observations écrites. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré du non-respect de la procédure contradictoire doit être écarté.
6. La circulaire du Premier ministre n° 5210/SG du 13 avril 2007 relative au dispositif de gestion et de contrôle des programmes cofinancés par le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds sociale européen (FSE), le Fonds européen pour la pêche (FEP) et le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) pour la période 2007-2013 se borne à fixer des orientations générales pour la gestion de ces fonds et à définir un cadre général de gestion et de contrôle des programmes qu'ils cofinancent. Par suite, l'association requérante ne peut, en tout état de cause, utilement invoquer la méconnaissance de ces recommandations pour soutenir que la DIRECCTE ne pouvait confier l'instruction de son dossier à la société ORCOM après avoir elle-même effectué un contrôle.
7. La décision du 30 mai 2016 précise, par nature de dépenses, les montants remis en cause et les motifs qui justifient les rectifications opérées, ainsi que le montant total des dépenses éligibles à l'issue de la procédure ainsi que celui de l'aide correspondante définitivement attribuée à l'association requérante. Notamment, en mentionnant que les primes exceptionnelles ne sont pas éligibles dans le cadre des financements FSE et en renvoyant sur ce point aux énonciations de l'instruction DGEFP n° 2012-11 du 29 juin 2012, l'administration a suffisamment motivé sa décision sur ce point. Il en est de même du rejet des dépenses de fonctionnement pour lesquelles l'administration a précisé qu'elles étaient retenues à hauteur de 14 192,32 euros, en donnant le détail dans un tableau annexe de celles acceptées et de celles écartées au motif dans ce dernier cas que les factures transmises ne permettaient pas de justifier l'existence d'un lien direct avec l'opération cofinancée, chaque dépense en cause et la facture correspondante étant précisément identifiée dans le même tableau. Enfin, en mentionnant que la mise en concurrence doit être démontrée en justifiant que trois devis ont été comparés et que l'offre retenue est économiquement la plus avantageuse, l'administration a indiqué sans ambiguïté les motifs pour lesquels elle estimait qu'en l'espèce il existait un manquement aux règles de concurrence. Cette décision est ainsi suffisamment motivée au regard des exigences mentionnées à l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration.
8. La contestation devant le juge administratif d'une décision réduisant la subvention européenne au titre du Fonds social européen (FSE) n'est subordonnée par aucun texte à l'exercice préalable d'un recours administratif. Il en résulte que la décision rejetant un tel recours, exercé dans les conditions du droit commun, ne se substitue pas à la décision initiale. Par suite, s'il appartient au juge administratif, saisi d'un recours contre ces deux décisions, d'annuler, le cas échéant, celle rejetant le recours administratif par voie de conséquence de l'annulation de la décision de réduction de la subvention, des moyens critiquant les vices propres dont serait entachée la décision rejetant le recours administratif ne peuvent être utilement invoqués au soutien des conclusions dirigées contre la décision de récupération. Partant, l'association " Centre ressources illettrisme PACA " ne peut utilement faire valoir que la décision du 4 août 2016 rejetant son recours gracieux est insuffisamment motivé.
En ce qui concerne la légalité interne :
9. D'une part, aux termes de l'article 60 du règlement n° 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 : " L'autorité de gestion est chargée de la gestion et de la mise en œuvre du programme opérationnel conformément au principe de bonne gestion financière, et en particulier : (...) b) de vérifier la fourniture des produits et services cofinancés et de contrôler que les dépenses déclarées par les bénéficiaires pour les opérations ont été effectivement encourues et qu'elles sont conformes aux règles communautaires et nationales; (...) ". Aux termes du 2 de l'article 13 du règlement de la Commission n° 1828/2006 du 8 décembre 2006 : " Les vérifications que doit effectuer l'autorité de gestion conformément à l'article 60, point b), du règlement (CE) n° 1083/2006 portent sur les aspects administratifs, financiers, techniques et physiques des opérations, selon le cas. / Les vérifications établissent la réalité des dépenses déclarées, la fourniture des produits ou services concernés conformément à la décision d'approbation (vérification de service fait), l'exactitude des demandes de remboursement présentées par le bénéficiaire et la conformité des opérations et des dépenses avec les règles communautaires et nationales (...) ".
10. D'autre part, aux termes de l'article 3 du décret du 3 septembre 2007 fixant les règles nationales d'éligibilité des dépenses des programmes cofinancés par les fonds structurels pour la période 2007-2013 tel que modifié par le décret n° 2011-92 du 21 janvier 2011 : " La contribution des fonds structurels au programme opérationnel s'applique aux dépenses totales éligibles et justifiées. / Le montant final de l'aide européenne dû au bénéficiaire après exécution de l'opération tient compte, dans le respect du taux maximum d'aides publiques fixé par les règlements communautaires et nationaux, des dépenses réelles dûment justifiées et de toutes les ressources effectivement perçues. (...) " . Aux termes de l'article 4 dudit décret : " Les dépenses sont justifiées sur base réelle par les bénéficiaires sauf exception prévue à l'article 5. Elles correspondent à des paiements justifiés par des factures acquittées ou par des factures auxquelles sont jointes des pièces permettant de vérifier le paiement effectif aux créanciers ou par des pièces comptables de valeur probante équivalente. (...) ".
11. Enfin, aux termes de l'article 1er de la convention n° 42165-2012 du 28 novembre 2012 conclue entre l'Etat et l'association " Centre ressources illettrisme PACA " : " (...) Le bénéficiaire s'engage à réaliser l'opération intitulée : " Appui pédagogique aux opérateurs régionaux contre l'illettrisme " (...) ". Aux termes de l'article 2 de cette même convention : " La période de réalisation de l'opération est comprise entre 02/01/2012 au 31/12/2012. Cette période correspond à la durée durant laquelle le bénéficiaire est habilité à réaliser l'opération et engager les dépenses afférentes (...) ". Selon son article 20-1 ne seront considérés comme éligibles que les coûts dont il aura été démontré qu'ils sont en relation avec l'objet de la convention, nécessaires à sa réalisation, générés pendant la période de réalisation de l'opération et qu'ils ont été effectivement encourus. L'article 21 stipule que " le service gestionnaire procède à un contrôle de service fait de l'ensemble des bilans d'exécution produits ", afin de vérifier la correcte exécution de l'opération et l'éligibilité des dépenses encourues. Il précise par ailleurs que ces vérifications se fonderont sur les pièces justificatives à la disposition du bénéficiaire. A cette fin, l'article 23 de la convention prévoit que " jusqu'au 31 décembre 2021 le bénéficiaire tient à la disposition de l'Etat l'ensemble des pièces justificatives probantes relatives aux dépenses déclarées et aux paiements effectués ", en particulier les documents originaux comptables ou toute autre pièce probante non comptable, propres à établir " la réalité, la régularité et l'éligibilité de l'opération réalisée ". Le même article ajoute que " le montant de l'aide F.S.E peut être corrigé à l'issue de l'examen de ces pièces et amener l'Etat à solliciter le reversement par le bénéficiaire des sommes indûment perçues ".
S'agissant de la remise en cause des droits résultant de l'attribution de la subvention :
12. L'attribution d'une subvention par une personne publique crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention.
13. Il résulte de ce qui précède que la signature par l'Etat de la convention du 28 novembre 2012, qui a pour objet d'octroyer, en contrepartie d'engagements de l'association " Centre ressources illettrisme PACA " à réaliser un appui pédagogique aux opérateurs régionaux contre l'illettrisme, une subvention sur fonds communautaires en application des dispositions précitées, a créé des droits au profit de cette dernière. Toutefois, ces droits n'ont été créés que dans la mesure où l'association respectait les conditions mises à l'octroi de cette subvention, que ces conditions découlent des dispositions du règlement n° 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 ou des stipulations de la convention. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que les dépenses exposées par l'association ont été écartées au motif qu'elles n'étaient pas éligibles dans le cadre des financements FSE, qu'elles n'étaient pas justifiées ou encore qu'elles n'avaient pas été précédées d'une mise en concurrence. Elles ont été ainsi engagées en méconnaissance des dispositions ou stipulations précitées et n'ont, dès lors, pas pu créer de droits à son profit. Il s'ensuit que, d'une part, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir qu'à compter de la date d'envoi des justificatifs des dépenses, l'aide qui lui était accordée devait être regardée comme lui étant définitivement due et que, d'autre part, l'Etat était légalement fondé pour les motifs susmentionnés, à lui demander de reverser les sommes qui lui avaient été octroyées.
S'agissant du principe de sécurité juridique :
14. Le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit communautaire, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique dont a à connaître le juge administratif français est régie par le droit communautaire. Tel est le cas en l'espèce, dès lors que la remise en cause des droits résultant de l'attribution de la subvention en litige a notamment pour objet d'assurer en droit interne la mise en œuvre des règles du droit de l'Union en matière d'aides à la compétitivité régionale et à l'emploi.
15. La possibilité de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime est ouverte à tout opérateur économique de bonne foi auprès duquel une institution publique a fait naître des espérances fondées, y compris, sous réserve que cela ne porte pas une atteinte excessive à un intérêt public ou au principe de légalité, dans le cas où elle l'a fait bénéficier d'un avantage indu mais que l'opérateur pouvait néanmoins, eu égard à la nature de cet avantage, aux conditions dans lesquelles il a été attribué et au comportement de l'administration postérieurement à cette attribution, légitimement regarder comme lui étant définitivement acquis.
16. Les dispositions du droit de l'Union européenne et du droit interne applicables, mentionnées aux points 9 à 10 ainsi que les stipulations de la convention n° 42165-2012 du 28 novembre 2012 mentionnées au point 11 étaient suffisamment claires et précises quant à la nature des obligations incombant au bénéficiaire de la subvention, aux modalités et à la portée des contrôles de l'administration qui étaient susceptibles d'intervenir jusqu'au 31 décembre 2021 et aux conséquences des manquements constatés et de conditions non remplies. Ainsi, l'association ne pouvait ignorer que le montant de la subvention mentionné dans la convention attributive ne pouvait être regardé comme définitivement acquis, même après paiement d'acomptes d'aides en exécution de la convention conclue avec elle. Elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir que l'Etat a méconnu le principe de sécurité juridique en fixant le montant de la participation du FSE à l'opération à la somme de 38 353,12 euros et en refusant de lui verser le solde de la subvention en ce qu'il excédait ce montant.
17. Par ailleurs, le contrôle diligenté par les services de l'administration du travail trouve son fondement dans les dispositions susmentionnées du règlement n° 1083/2006 du Conseil du 11 juillet 2006 et du décret du 3 septembre 2007. Ces dispositions autorisent l'administration à s'assurer que les dépenses déclarées par le bénéficiaire de la subvention ont été effectivement exposées pour l'opération financée et qu'elles sont conformes aux règles communautaires et nationales en vigueur. Elles l'autorisent nécessairement à remettre en cause à l'issue du contrôle les dépenses non justifiées. La décision en litige du 30 mai 2016 n'ayant pas pour objet de recouvrer des sommes indûment versées mais seulement de fixer, après vérification du service fait, le montant de la subvention à attribuer à l'association requérante, celle-ci ne saurait utilement se prévaloir des dispositions de l'article 70 du règlement européen du 11 juillet 2006 relatives au recouvrement de sommes indûment payées au bénéficiaire d'une subvention. Par ailleurs, aucune règle ni aucun principe, notamment les énonciations de l'instruction DGEFP n° 2011-10 du 7 mars 2011 à supposer qu'elles soient invocables, n'imposaient de faire réaliser le contrôle en cause par l'Agence de services et de paiement (ASP). Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le contrôle de ses dépenses aurait été opéré de manière imprévisible et opaque en méconnaissance du principe de sécurité juridique.
S'agissant du bien-fondé de la créance de l'Etat :
Quant aux dépenses de personnel :
18. Aux termes de l'article 4 du décret du 3 septembre 2007 fixant les règles nationales d'éligibilité des dépenses des programmes cofinancés par les fonds structurels pour la période 2007-2013, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Les dépenses de rémunération (...) constituent des dépenses éligibles aux conditions suivantes : / 1. Dépenses de rémunération. / Les dépenses de rémunération supportées par le bénéficiaire, nécessaires à la réalisation de l'opération et comportant un lien démontré avec celle-ci, sont éligibles. Elles sont justifiées : / a) S'agissant du temps consacré à la réalisation de l'opération : /- par les fiches de poste des personnels affectés à la réalisation de l'opération ou les lettres de mission qui leur sont adressées, pour les personnels à temps plein ou à temps partiel si celui-ci est défini préalablement ; / - ou par les fiches de temps des personnels affectés ponctuellement à la réalisation de l'opération ou des extraits de logiciel de gestion de temps ; (...) / Sont compris dans les dépenses de rémunération les salaires et les charges liées (cotisations sociales, patronales et salariales), les traitements accessoires prévus aux conventions collectives ou au contrat de travail ainsi que les variations de provisions pour congés payés enregistrées dans les comptes annuels. ".
19. L'association " Centre ressources illettrisme PACA " a financé sur les fonds accordés au titre du programme opérationnel " compétitivité régionale et emploi " les salaires et les primes versées au personnel affecté à la réalisation du projet " appui pédagogique et technique aux opérateurs régionaux de la lutte contre l'illettrisme " y compris une prime exceptionnelle annuelle. Il résulte toutefois des dispositions précitées que ne sont éligibles au titre des dépenses de rémunération que les seuls salaires et traitements accessoires prévus aux conventions collectives ou au contrat de travail. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la prime exceptionnelle versée par l'association à ses salariés aurait été prévue par leur contrat de travail ou par une convention collective qui leur serait applicable. C'est, dès lors, par une exacte application des dispositions précitées que l'administration, qui n'a pas rajouté à la loi, a estimé que cette prime exceptionnelle n'était pas éligible à un financement sur le programme opérationnel " compétitivité régionale et emploi ".
Quant aux dépenses de fonctionnement :
20. Aux termes de l'article 4 du décret du 3 septembre 2007 : " (...) les coûts indirects constituent des dépenses éligibles (...) / 4. Coûts indirects. / Les coûts indirects correspondent aux dépenses qui ne peuvent être exclusivement affectées à la réalisation de l'opération et qui pour autant lui sont nécessaires. Seuls sont pris en compte les coûts réels imputables à la mise en œuvre de l'opération concernée. Pour être éligibles, ils sont affectés au prorata à l'opération selon une méthode équitable et dûment justifiée sur la base de clés de répartition permettant de distinguer l'activité du bénéficiaire liée à l'opération cofinancée parmi l'ensemble de ses activités ainsi que d'établir la réalité des coûts et leur rattachement effectif à l'opération cofinancée. / Cette méthode fait l'objet d'une validation, par le service gestionnaire tel que défini par le règlement (CE) n° 1083/2006 du 11 juillet 2006 susvisé, lors de l'instruction et de la sélection de l'opération (...) ".
21. S'agissant de l'aide versée au titre du Fonds social européen (FSE), sont éligibles les dépenses de location d'immeubles dès lors qu'elles ont été engendrées par l'opération subventionnée et n'auraient pas été effectuées en l'absence de celle-ci. Dans l'hypothèse où une association exerce à la fois des activités éligibles et non éligibles à un financement par le FSE, elle ne peut regarder les dépenses de location d'immeubles comme des dépenses éligibles qu'à raison de celles qui sont nécessaires à la réalisation de l'opération et comporte un lien démontré avec celle-ci. Si les mêmes locaux sont utilisés pour ces différentes activités, il y a lieu de prendre en compte, pour le calcul des dépenses éligibles, les dépenses de location au prorata de leur temps d'utilisation pour ces mêmes activités.
22. En l'espèce, l'administration a écarté le montant total des dépenses de locations de locaux, à hauteur de 28 845, 35 euros, au motif que les éléments transmis par l'association dans la phase contradictoire n'ont pas permis de s'assurer que les locaux étaient entièrement dédiés à l'opération et a requalifié ces frais de locaux en dépenses indirectes forfaitairement prises en charge à hauteur de 20% des dépenses directes de l'opération, hors prestations externes. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'association requérante avait fourni à l'administration la ventilation entre activité éligible et non éligible de ses locaux au cours de l'exercice 2012, indiquant que ceux-ci étaient affectés à 90 % de leur capacité à la réalisation de l'opération en litige dans la même proportion que le temps du personnel qui participait directement à l'opération et qui y exerçait son activité. L'association fait par ailleurs valoir que, dès l'envoi du dossier de demande de subvention, les salariés du " Centre ressources illettrisme PACA " étaient affectés à 88, 27 % de leur temps d'activité sur l'opération concernée, conformément au tableau E 1.2 du plan de financement, donnée non contestée en défense. Dans la mesure où l'administration ne fait état d'aucun élément permettant de mettre en doute les déclarations susmentionnées de l'association requérante selon laquelle ces personnels exerçaient leur activité dans ces locaux, celle-ci est fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a rejeté la totalité des frais de location de locaux au titre des dépenses éligibles.
23. L'association conteste par ailleurs le rejet des autres dépenses directes de fonctionnement, achats et fournitures, publications et communications, déplacements et mission au motif qu'elles ont été dûment justifiées par des factures répondant aux exigences des dispositions précitées de l'article 4 du décret du 3 septembre 2007. Il ressort toutefois des pièces du dossier que lesdites dépenses n'ont pas été déclarées inéligibles pour absence de justification mais au motif que le lien direct et nécessaire avec l'opération n'a pu être établi. Ainsi, c'est par une exacte application des dispositions précitées de l'article 4 du décret du 3 septembre 2007 que l'administration a écarté lesdites dépenses des dépenses directes de fonctionnement et les a intégrées dans les dépenses indirectes de fonctionnement.
Quant aux dépenses de prestations externes :
24. Aux termes du 1 de l'article 120 du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil du 25 juin 2002 : " Lorsque la mise en œuvre de l'action requiert la passation de marchés par le bénéficiaire, les procédures correspondantes sont fixées dans les modalités d'exécution ". Aux termes de l'article 184 du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission du 23 décembre 2002 pris pour l'application de l'article 120 susmentionné : " 1. Sans préjudice de l'application de la directive 2004/18/CE, lorsque la mise en œuvre des actions subventionnées nécessite la passation d'un marché, les bénéficiaires des subventions attribuent le marché à l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est-à-dire celle qui présente le meilleur rapport entre la qualité et le prix, tout en veillant à l'absence de conflit d'intérêts. / 2. Lorsque la mise en œuvre des actions subventionnées nécessite la passation d'un marché d'une valeur supérieure à 60 000 EUR, l'ordonnateur compétent peut imposer à ces bénéficiaires des règles particulières à suivre en plus de celles visées au paragraphe 1. / Ces règles particulières reposent sur des règles figurant dans le règlement financier et tiennent dûment compte de la valeur des marchés concernés, de l'importance relative de la contribution communautaire dans le coût total de l'action et du risque. Ces règles spéciales sont prévues dans la décision ou la convention de subvention ".
25. Selon les stipulations de l'article 16 de la convention conclue le 28 novembre 2012 et intitulé " Achat de biens et services " : " Lorsque les achats de biens et services doivent être effectués par le bénéficiaire pour les besoins de la réalisation de l'opération et constituent des dépenses figurant dans une rubrique de coûts directs éligibles du budget prévisionnel, le bénéficiaire est tenue d'effectuer une mise en concurrence des candidats potentiels et de sélectionner l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est à dire celle qui présente le meilleur rapport coût/avantage, dans le respect des principes de transparence, d'égalité de traitement des contractants potentiels et en veillant à l'absence de conflits d'intérêts ".
26. Ces dispositions et stipulations n'imposaient pas à l'association requérante le suivi de règles particulières et notamment l'application du code des marchés publics auquel elle n'est pas soumise pour l'achat de biens et services pour les besoins de la réalisation de l'opération. Elles lui imposaient néanmoins de mettre en concurrence les candidats potentiels et de sélectionner l'offre économiquement la plus avantageuse, c'est à dire celle présentant le meilleur rapport coût/avantage. En l'absence de règles particulières à suivre hormis celles énoncées au 1 de l'article 184 du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission du 23 décembre 2002, la procédure de passation des marchés n'avait pas à être définie dans la convention de subvention. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'administration a réduit forfaitairement de 25 %, à hauteur de 9 760,23 euros, le montant de différentes prestations engagées sans mise en concurrence. Aucun des documents produits par l'association " Centre ressources illettrisme PACA ", notamment la note qu'elle a adressée à l'administration le 17 septembre 2012, intitulée " Note d'explication sur le recours aux prestations et achats ", ne justifie de l'existence d'une mise en concurrence pour le recours à des prestataires extérieurs. Par suite, l'administration était légalement fondée à estimer que les dépenses correspondantes ont été exposées en méconnaissance des règles de mise en concurrence.
Quant aux dépenses indirectes :
27. Il ressort des pièces du dossier que le montant des dépenses indirectes relatives au projet en litige a été fixé forfaitairement à 20 % du coût total des dépenses directes de fonctionnement de l'opération et des dépenses de personnel affectées à cette dernière. Il résulte de ce qui a été dit au point 22 que le montant de ces dépenses indirectes doit être modifié corrélativement pour tenir compte des frais de location de locaux.
28. Il résulte de tout ce qui précède que l'association " Centre ressources illettrisme PACA " est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions des 30 mai et 4 aout 2016 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur en tant qu'elles ont rejeté la totalité des frais de location de locaux au titre des dépenses éligibles et ont omis de fixer le montant des dépenses indirectes en conséquence.
Sur les frais liés au litige :
29. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à l'association " Centre ressources illettrisme PACA " au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Les décisions des 30 mai et 4 août 2016 du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur sont annulées en tant seulement qu'elles ont rejeté la totalité des frais de location de locaux, au titre des dépenses éligibles et ont omis de fixer le montant des dépenses indirectes en conséquence.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 8 juillet 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'association " Centre ressources illettrisme PACA " est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à l'association " Centre ressources illettrisme PACA " une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Centre ressources illettrisme PACA " et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Copie en sera adressée au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Délibéré après l'audience du 27 avril 2022, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- M. Prieto, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 mai 2022.
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N° 19MA04358
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