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10/05/2022 | FRANCE | N°22MA00496

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 10 mai 2022, 22MA00496


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2021 par lequel la préfète des Hautes-Alpes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète des Hautes-Alpes de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de quinze jours à c

ompter de la notification du jugement et sous astreinte de 50 euros par jour de ret...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2021 par lequel la préfète des Hautes-Alpes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète des Hautes-Alpes de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2108967 du 20 janvier 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 10 février 2022, M. B..., représenté par Me Bochnakian, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 janvier 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 juillet 2021 de la préfète des Hautes-Alpes ;

3°) d'enjoindre à la préfète des Hautes-Alpes de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 avril 2022, la préfète des Hautes-Alpes conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné par décision du 24 août 2021 M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- et les observations de Me Bochnakian, représentant le requérant.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité marocaine, a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il relève appel du jugement du 20 janvier 2022 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juillet 2021 par lequel la préfète des Hautes-Alpes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. En premier lieu, l'article R. 411-1 du code de justice administrative dispose : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ".

3. La demande de première instance comportait les nom et domicile du requérant, ainsi que des conclusions et le moyen, argumenté, tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle répondait ainsi aux exigences précitées.

4. En deuxième lieu, l'article L. 614-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français prise en application des 3°, 5° ou 6° de l'article L. 611-1 est assortie d'un délai de départ volontaire, le tribunal administratif est saisi dans le délai de trente jours suivant la notification de la décision. L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. ".

5. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté contesté a été adressé à M. B... au 36 A rue des boutons d'or à Gap, où il était domicilié lors du dépôt de sa demande de titre de séjour. Toutefois, si la préfète des Hautes-Alpes oppose l'absence de communication d'un justificatif de domicile, elle ne conteste pas valablement que l'intéressé avait avisé la préfecture, par deux courriels des 22 et 28 juin 2021, de son changement d'adresse. En outre, le pli versé par la préfète en défense porte une case " présenté/avisé le " non renseignée. Ni la date ni l'heure à partir desquelles le pli pouvait être retiré au bureau de poste, ni même le nom et l'adresse de ce bureau de poste n'y sont indiqués. Il n'est donc pas justifié de la date de notification de cet arrêté. Dans ces conditions, le délai de recours de trente jours ne peut pas être opposé au requérant, et sa demande de première instance n'était pas tardive.

6. Il résulte de ce qui précède qu'il a lieu d'écarter les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance.

Sur le bien-fondé du jugement :

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour et d'assortir cette décision d'une obligation de quitter le territoire français, d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé. Cette dernière peut, en revanche, tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure de refus de délivrance d'un titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure.

9. M. B... fait valoir qu'il a épousé, le 21 décembre 2019, une ressortissante marocaine résidant régulièrement en France sous couvert d'une carte de résident d'une validité de dix ans, renouvelée pour la dernière fois en 2016, mère de deux enfants de nationalité française issus d'une précédente union. Il ressort des pièces du dossier qu'il vivait en concubinage depuis septembre 2019 avec cette personne, soit depuis près de deux ans, à la date de l'arrêté contesté, et qu'ils ont eu un enfant, né en France le 2 novembre 2019. Son épouse étant titulaire d'une carte de résident de dix ans, et mère de deux enfants de nationalité française, elle a vocation à demeurer sur le territoire français, et la cellule familiale du requérant ne peut donc pas être reconstituée dans son pays d'origine. Dans ces conditions, l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Il y a lieu, dès lors, d'annuler ce jugement ainsi que l'arrêté du 13 juillet 2021 par lequel la préfète des Hautes-Alpes lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Eu égard au motif d'annulation retenu, en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle et résultant de l'instruction, l'annulation de la décision de la préfète des Hautes-Alpes refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. B... implique nécessairement la délivrance d'un tel titre. Il y a lieu d'enjoindre à la préfète des Hautes-Alpes de délivrer à l'intéressé une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction du prononcé d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B... et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2108967 du 20 janvier 2022 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté du 13 juillet 2021 de la préfète des Hautes-Alpes sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète des Hautes-Alpes de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète des Hautes-Alpes et au procureur de la république près le tribunal judiciaire de Gap.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2022, où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère.

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

2

N° 22MA00496


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00496
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: M. Philippe PORTAIL
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : BOCHNAKIAN et LARRIEU-SANS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-10;22ma00496 ?
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