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10/05/2022 | FRANCE | N°21MA02257

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre, 10 mai 2022, 21MA02257


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 2 mars 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par le jugement n° 2101443 du 30 avril 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 juin 2021, M. B..., représenté par

Me Almairac, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 2 mars 2021 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par le jugement n° 2101443 du 30 avril 2021, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 juin 2021, M. B..., représenté par Me Almairac, demande à la Cour :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler le jugement du 30 avril 2021 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice ;

3°) d'annuler l'arrêté du 2 mars 2021 du préfet des Alpes-Maritimes ;

4°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile ou à défaut une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision en litige est insuffisamment motivée et révèle que le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;

- il avait le droit, en application des articles L. 541-1 et L. 541-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de se maintenir en France tant que la Cour nationale du droit d'asile n'avait pas statué sur son recours ;

- ce refus méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 3 septembre 2021 du bureau du tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a décidé, par décision du 24 août 2021, de désigner M. Portail, président assesseur, pour statuer dans les conditions prévues à l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité géorgienne, qui déclare être entré en France le 9 mars 2019, a déposé le 21 mars 2019 une demande d'asile auprès du préfet des Alpes-Maritimes. L'office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande par décision du 29 octobre 2020. Par la décision en litige du 2 mars 2021, le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Le requérant a demandé au tribunal administratif de Nice l'annulation de cet arrêté. Par le jugement dont M. B... relève appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les conclusions du requérant tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Par décision du 3 septembre 2021, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet et il n'y a pas lieu d'y statuer.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

4. Le requérant déclare être entré en France le 9 mars 2019 avec son épouse Mme C... et son fils mineur. Son épouse, dont la demande d'asile a également été rejetée par l'OFPRA, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français le même jour que le requérant comme mentionné dans la décision en litige. Toutefois, il ressort des pièces du dossier qu'en exécution du jugement n° 2101444 du 30 avril 2021 du tribunal administratif de Nice annulant l'obligation de quitter le territoire français du 2 mars 2021 du préfet des Alpes-Maritimes à l'encontre de son épouse pour défaut d'examen particulier de sa situation et enjoignant au préfet de réexaminer sa situation, ce dernier a délivré le 5 novembre 2021 à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour valable du 22 octobre 2021 au 21 avril 2022 dans l'attente de statuer à nouveau sur son cas. Il ressort des pièces du dossier et notamment de celles résultant d'une mesure d'instruction ordonnée par la Cour sur ce point, que son épouse a déposé une demande de titre de séjour en qualité d'" étranger malade " sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle a été convoquée par l'OFII le 30 juillet 2021 et que l'OFII a rendu le 22 octobre 2021 un avis favorable à son maintien en France pour une durée de six mois. Mme C... a déposé le 31 mars 2022 une demande de titre de séjour " étranger malade " actuellement en cours d'instruction par le préfet. Il ressort aussi des pièces du dossier que l'état de santé de l'épouse du requérant, atteinte d'un cancer du sein, et les traitements réguliers qu'il nécessite depuis juillet 2019 ne lui permettent pas d'accomplir seule les actes de la vie quotidienne et de s'occuper de leur enfant et que M. B... est le seul à pouvoir prendre soin de son épouse et de ce dernier. Dans ces conditions, le requérant établit avoir ainsi fixé en France le centre de ses intérêts privés et familiaux. Dès lors, le préfet a porté une atteinte disproportionnée au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale. Ainsi, le requérant est fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français en litige méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Il est, dès lors, fondé à demander tant l'annulation de ce jugement que de l'arrêté en litige du 2 mars 2021 du préfet des Alpes-Maritimes. Par voie de conséquence, la décision subséquente fixant le pays de destination est dépourvue de base légale et doit, dès lors, être aussi annulée.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".

7. Le présent arrêt, qui annule l'obligation de quitter le territoire français du 2 mars 2021 du préfet des Alpes-Maritimes et les décisions subséquentes, n'implique pas la délivrance d'une attestation de demandeur d'asile au requérant, mais implique nécessairement que le préfet réexamine la situation de M. B.... Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de statuer à nouveau sur sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Almairac, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'instance engagée.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le jugement du 30 avril 2021 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nice est annulé.

Article 3 : L'arrêté du 2 mars 2021 du préfet des Alpes-Maritimes est annulé.

Article 4 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la situation de M. B... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à Me Almairac la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., au ministre de l'intérieur et à Me Almairac.

Copie pour information sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près du tribunal judiciaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2022, où siégeaient :

- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Carassic, première conseillère,

- M. Mouret, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 mai 2022.

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N° 21MA02257


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02257
Date de la décision : 10/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière. - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. PORTAIL
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : ALMAIRAC

Origine de la décision
Date de l'import : 17/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-05-10;21ma02257 ?
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