Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision par laquelle la directrice interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse Sud-Est a implicitement rejeté sa demande tendant à l'attribution de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) à compter du 1er septembre 2010 et au versement des sommes dues à ce titre, et d'enjoindre à l'Etat de lui attribuer le bénéfice de la NBI et de lui verser la somme correspondant à la NBI due du
1er septembre 2009 au 2 novembre 2018, évaluée à 10 309,20 euros.
Par un jugement n° 1708580 du 10 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 9 mars 2020, M. C..., représenté par Me Franceschini, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler la décision par laquelle la directrice interrégionale de la protection judiciaire de la jeunesse Sud-Est a implicitement rejeté sa demande tendant à l'attribution de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) à compter du 1er septembre 2010 et au versement des sommes dues à ce titre ;
3°) d'enjoindre à l'Etat de lui attribuer le bénéfice de la NBI et de lui verser la somme correspondant à la NBI qu'il estime lui être due au titre de la période courant du
1er septembre 2009 au 2 novembre 2018, et qu'il évalue à 10 309,20 euros, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration n'est pas fondée à faire valoir une exception de prescription quadriennale pour les créances antérieures au 1er janvier 2013, dès lors qu'il a fait une première demande d'attribution de la NBI le 10 novembre 2013, réitérée le 21 septembre 2014 et le
3 avril 2015 ;
- il remplit les conditions pour obtenir le bénéfice de la NBI dès lors qu'il a été affecté, entre le 1er septembre 2010 et le 1er septembre 2013, au service éducatif en établissement pénitentiaire pour mineur (B...), en contact direct et à proximité de jeunes venant pour la plupart de quartiers de Marseille référencés comme zones prioritaires et sensibles, et, depuis le
1er septembre 2013, au sein d'unités éducatives en milieu ouvert (UEMO) intervenant dans des zones référencées comme prioritaires et sensibles ou auprès de jeunes issus de telles zones ;
- la décision attaquée porte atteinte au principe d'égalité de traitement entre fonctionnaires appartenant à un même corps.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle ne contient aucun moyen d'appel, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- les sommes demandées au titre de la période antérieure au 1er janvier 2013 sont prescrites en application des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par un courrier du 18 mars 2022, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.
En application des articles R. 613-1 et R. 611-11-1 du code de justice administrative, l'instruction a été close par l'émission de l'avis d'audience, le 6 avril 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 ;
- le décret n° 96-1156 du 26 décembre 1996 ;
- le décret n° 2001-1061 du 14 novembre 2001 ;
- le décret n° 2007-1573 du 6 novembre 2007 relatif aux établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse ;
- le décret n° 2014-1750 du 30 décembre 2014 ;
- le décret n° 2015-1221 du 1er octobre 2015 ;
- l'arrêté interministériel du 14 novembre 2001 fixant les conditions d'attribution de la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice ;
- l'arrêté ministériel du 4 décembre 2001 fixant par département les emplois éligibles à la nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville dans les services du ministère de la justice ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), a exercé ses missions au sein du service éducation en établissement pénitentiaire pour mineur (B...) E..., à Marseille, à compter du 1er septembre 2010, puis au sein de l'unité éducative en milieu ouvert (UEMO) Bougainville, toujours à Marseille, à compter du 1er septembre 2013, enfin au sein de l'UEMO Aix-Université depuis le 1er janvier 2017. Il relève appel du jugement du 10 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle a été rejetée sa dernière demande, en date du 20 juillet 2017, tendant à l'obtention de la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er septembre 2010.
2. Aux termes de l'article 27 de la loi n° 91-73 du 18 janvier 1991 : " La nouvelle bonification indiciaire des fonctionnaires et des militaires instituée à compter du 1er août 1990 est attribuée pour certains emplois comportant une responsabilité ou une technicité particulières dans des conditions fixées par décret. ". Aux termes de l'article 1er du décret du 14 novembre 2001 : " Une nouvelle bonification indiciaire au titre de la mise en œuvre de la politique de la ville (...) peut être versée mensuellement (...) aux fonctionnaires titulaires du ministère de la justice exerçant, dans le cadre de la politique de la ville, une des fonctions figurant en annexe au présent décret. ". Figurent dans cette annexe, dans sa version en vigueur avant le 1er janvier 2015,
" (...) Fonctions de catégories A, B, C de la protection judiciaire de la jeunesse : / 1. En centre de placement immédiat, en centre éducatif renforcé ou en foyer accueillant principalement des jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville ; / 2. En centre d'action éducative situé en zone urbaine sensible ; / 3. Intervenant dans le ressort territorial d'un contrat local de sécurité (...). " et, dans sa version applicable à partir du 1er janvier 2015, les mêmes fonctions exercées " 1. En centre de placement immédiat, en centre éducatif renforcé ou en foyer accueillant principalement des jeunes issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville ; / 2. En centre d'action éducative situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ; / 3. Intervenant dans le ressort territorial d'un contrat local de sécurité (...) ".
3. En premier lieu, aux termes de l'article 1er du décret du 6 novembre 2007 relatif aux établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse, alors en vigueur : " Les établissements et services du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse du ministère de la justice exercent les missions suivantes : (...) 2° (...) b) Une intervention éducative continue auprès de tous les mineurs incarcérés ; c) L'organisation permanente, sous la forme d'activités de jour, d'un ensemble structuré d'actions qui ont pour objectifs le développement personnel, l'intégration sociale et l'insertion professionnelle du mineur ou du jeune majeur ; (...) " et aux termes de l'article 11 du même décret : " Les services éducatifs en établissement pénitentiaire spécialisé pour mineurs exercent, auprès des mineurs incarcérés, la mission définie aux b et c du 2° de l'article 1er. Ils assurent une prise en charge éducative continue de ces mineurs, veillent au maintien de leurs liens familiaux et sociaux et préparent leur sortie. ".
4. M. C... soutient qu'il devait bénéficier de la nouvelle bonification indiciaire au titre des fonctions exercées entre le 1er septembre 2010 et le 1er septembre 2013 dès lors qu'il était amené, en qualité d'agent du B... de E... à Marseille, à exercer ses fonctions en contact direct et à proximité de jeunes venant pour la plupart de quartiers de Marseille référencés comme zones prioritaires et sensibles. Il doit être regardé par là comme se prévalant du 1. de l'annexe à l'article 1er du décret du 14 novembre 2001 précité. Toutefois, en application des dispositions précitées du décret du 6 novembre 2007, les agents des B... ne peuvent être considérés comme des agents intervenant en centre de placement immédiat, en centre éducatif renforcé ou en foyer, dont les missions les conduisent à intervenir auprès de jeunes accueillis dans l'un des établissements du secteur public de la PJJ, au nombre desquels ne figurent pas les établissements pénitentiaires pour mineurs, mais comme des agents de l'un des services du secteur public de la PJJ.
5. D'autre part, M. C... soutient qu'il devait bénéficier de la nouvelle bonification indiciaire au titre des fonctions exercées depuis le 1er septembre 2013 au sein de l'UEMO de Marseille-Bougainville, qui le conduisent dans des zones référencées comme prioritaires et sensibles et depuis le 1er janvier 2017, au titre des fonctions exercées au sein de l'UEMO
Aix-Université, auprès de jeunes issus de telles zones. Toutefois, si les différents UEMO rattachés à un STEMO peuvent être assimilés à des centres d'action éducative, ils ne sauraient être assimilés à des centres de placement, dès lors que leur particularité est d'accueillir les jeunes en milieu ouvert. En outre, la condition pour prétendre au bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire, prévue par l'annexe du décret du 14 novembre 2001, tenant à l'exercice des fonctions d'éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse en centre d'action éducative situé, jusqu'au
1er janvier 2015, en zone urbaine sensible, et, après cette date, en quartier prioritaire de la politique de la ville, est d'application stricte. Aussi, dès lors qu'il n'est pas contesté que les centres dans lesquels M. C... a été affecté depuis le 1er septembre 2013 ne sont pas situés dans de tels quartiers, ce dernier n'est pas fondé à soutenir qu'il devrait bénéficier de la nouvelle bonification indiciaire du fait des interventions qu'il a menées auprès des jeunes dont il avait la charge, quand bien même ses fonctions l'auraient amené à se déplacer dans de tels quartiers ou que les jeunes en question en seraient issus.
6. En second lieu, pour soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait le principe d'égalité entre agents publics, M. C... se prévaut de la situation d'agents affectés dans l'UEMO Marseille-Bougainville, et exerçant les mêmes fonctions, qui auraient bénéficié de la nouvelle bonification indiciaire. Toutefois, à la supposer avérée, cette circonstance n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision attaquée, dès lors que le principe d'égalité ne peut être utilement invoqué pour obtenir un avantage illégal.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir et l'exception de prescription opposée par l'administration, que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande de bénéficier de la nouvelle bonification indiciaire à compter du 1er septembre 2010. Ses conclusions à fin d'injonction et présentées sur le fondement de
l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également, par suite, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 26 avril 2022, où siégeaient :
- M. Badie, président,
- M. Revert, président assesseur,
- Mme Renault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition du greffe, le 10 mai 2022.
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No 20MA01167