Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... et Mme E... C... épouse A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvement sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.
Par un jugement n° 1800236 du 16 octobre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 décembre 2019 et 29 juillet 2020, M. et Mme A..., représentés par Me Parracone, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 octobre 2019 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- ils sollicitent l'application de la " cascade complète " prévue par l'article 77 du livre des procédures fiscales, ainsi que la société F... en avait formulé la demande par courrier du 28 juillet 2015 ; l'administration a mis en recouvrement les impositions sans leur avoir demandé au préalable de justifier le reversement des sommes en litige méconnaissant ainsi la doctrine référencée 13 L-1326 du 1er juillet 2002 ; ils ont été ainsi privés d'une garantie ;
- la proposition de rectification du 20 juin 2015 est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, les privant ainsi d'une garantie ;
- ils entendent se prévaloir également de la doctrine référencée BOI-CF-IOR-10-40 n° 190 rappelant cette obligation de motivation ;
- la procédure de vérification de la société F... est irrégulière dès lors qu'au regard des dispositions de l'article L. 45 du livre des procédures fiscales, et eu égard à la circonstance qu'à compter du 1er janvier 2014, cette société était uniquement imposable en Roumanie, il appartenait à l'administration de saisir les autorités roumaines afin de conduire simultanément une vérification de comptabilité avec celles-ci ;
- ils entendent se prévaloir de la doctrine référencée BOI-CF-PGR-20-20 relative à la vérification de comptabilité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mars 2020, le ministre de l'action et des comptes publics demande à la Cour de rejeter la présente requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Courbon, rapporteure publique,
- et les observations de Me Parracone, représentant M. et Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. La société F..., société de droit roumain constituée le 11 janvier 2012, a fait l'objet en 2014 d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2013 au 31 décembre 2014. A l'issue de ce contrôle, l'administration fiscale a procédé à la taxation d'office des résultats réalisés de manière occulte par l'établissement stable de la société en France au titre des exercices clos en 2012 et 2013. Elle a également mis à la charge de M. et Mme A..., respectivement associé gérant et associée de la société F..., sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et du c de l'article 111 du même code, des suppléments d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre des revenus réputés distribués correspondant à des virements ou des retraits d'espèce effectués au profit de M. et Mme A..., ainsi que des retraits d'espèce effectués directement par M. A... sur le compte bancaire de la société. Les intéressés relèvent appel du jugement du 16 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande de décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvement sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2012 et 2013.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) " et aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. L'administration invite, en même temps, le contribuable à faire parvenir son acceptation ou ses observations dans un délai de trente jours à compter de la réception de la proposition, prorogé, le cas échéant, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de cet article ". Il résulte des dispositions précitées que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter, outre la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base des rectifications, ceux des motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées qui sont nécessaires pour permettre au contribuable de formuler ses observations de manière entièrement utile. En revanche, sa régularité ne dépend pas du bien-fondé de ces motifs.
3. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 20 juin 2015 adressée à M. et Mme A... comporte la désignation de l'impôt concerné, les bases d'imposition retenues, et leur fondement légal ainsi que les années d'imposition. Elle fait état de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la société F... sur la période du 1er avril 2013 au 31 décembre 2014, dont elle reprend un extrait pertinent, et détaille en particulier les raisons pour lesquelles elle a taxé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, sur le fondement du 2° du 1 de l'article 109 du code général des impôts et du c de l'article 111 du même code, des sommes correspondant à des retraits d'espèce effectués au profit de M. et Mme A..., ainsi que des retraits d'espèce effectués directement par M. A... sur le compte bancaire de la société, que le service a regardées comme des revenus distribués par la société à M. et Mme A..., ses associés. Ces derniers reprochent à l'administration de ne pas avoir indiqué avec suffisamment de précision pour chacune des catégories de sommes retenues, c'est-à-dire les " retraits d'espèces ", les " retraits de Mme A... " et les " dépenses non identifiées ", le détail des sommes concernées. Cependant, les " dépenses non identifiées " n'ont finalement pas été intégrées par le service dans les revenus réputés distribués aux intéressés, au motif que ces sommes ont été mises à disposition de tiers non identifiés. La colonne " retraits M. Mme A... " concerne des retraits d'espèces effectués par la société à leur profit, et non à celui uniquement de Mme A..., les montants étant par ailleurs énoncés par date pour chacune des deux années en litige. Le vérificateur a identifié dans la catégorie " retraits en espèces ", les sommes respectives de 47 100 euros au titre de l'année 2012 et de 93 990 euros au titre de l'année 2013 correspondant aux montants globaux de l'ensemble des retraits en espèces effectués par M. A..., disposant seul de la signature sur le compte bancaire de la société F..., et qu'il n'est pas parvenu à justifier au cours des opérations de vérification de cette dernière, se bornant à indiquer sans l'établir qu'il s'agissait d'acomptes versés à des salariés roumains lors de leur séjour en France. Même si ces sommes n'ont pas été détaillées, elles étaient suffisamment identifiables dès lors que les autres retraits d'espèces étaient indiqués dans la rubrique précédente et que les sommes provenant du compte bancaire de la société, versées à des tiers, l'ont été sous forme de chèques ou de virement. La seule circonstance que M. A... n'a pas eu communication des relevés bancaires correspondants n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure de rectification dans la mesure où il avait accès, en qualité de gérant de la société, au compte bancaire de la société. En outre, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les différents tableaux récapitulatifs figurant dans la proposition de rectification ne mentionnent pas des montants variables de nature à entraîner une quelconque confusion dans leur compréhension. Enfin, si M. et Mme A... critiquent également les retraits de 9 000 euros en 2012 et 8 000 euros en 2013, qui sont attribués selon eux à Mme A... laquelle ne dispose ni de la carte bancaire de la société ni de la délégation de signature, un tel motif relève du bien-fondé des rectifications et n'affecte en rien la régularité de la motivation de la proposition de rectification. Par suite, les intéressés, qui disposaient ainsi des éléments d'information nécessaires pour contester utilement les impositions mises à leur charge, ne sont pas fondés à soutenir que la motivation de cette proposition de rectification ne répond pas aux exigences des dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
4. En second lieu, si les époux A... soutiennent que la procédure de vérification conduite à l'égard de la société F... de droit roumain qui a été dissoute, est irrégulière dès lors, en particulier, que les autorités françaises auraient dû saisir les autorités roumaines en application des dispositions de l'article L. 45 du livre des procédures fiscales, les irrégularités de la procédure de rectification suivie à l'encontre de la société F..., à les supposer même établies, sont sans incidence sur l'imposition personnelle de M. et Mme A..., en raison du principe d'indépendance des procédures de rectification menées à l'encontre de la société, d'une part, et de ses associés, d'autre part.
5. Si M. et Mme A... entendent se prévaloir de la doctrine référencée BOI-CF-IOR-10-40 n° 190 afférente à la motivation de la proposition de rectification et celle référencée BOI-CF-PGR-20-20 relative à la procédure de vérification de comptabilité, ces dernières qui concernent la procédure d'imposition ne peuvent, en tout état de cause, être invoquées par les intéressés.
Sur l'application de la " cascade complète " :
6. Aux termes de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable : " (...) Les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés peuvent, dans la mesure où le bénéfice correspondant aux rectifications effectuées est considéré comme distribué, par application des articles 109 et suivants du code général des impôts, à des associés ou actionnaires dont le domicile ou le siège est situé en France, demander que l'impôt sur le revenu supplémentaire dû par les bénéficiaires en raison de cette distribution soit établi sur le montant du rehaussement soumis à l'impôt sur les sociétés diminué du montant de ce dernier impôt. / (...) Les demandes que les contribuables peuvent présenter au titre des troisième et quatrième alinéas doivent être faites au plus tard dans le délai de trente jours consécutif à la réception de la réponse aux observations prévue à l'article L. 57 ou, à défaut, d'un document spécifique les invitant à formuler lesdites demandes. / L'imputation prévue aux troisième et quatrième alinéas est soumise à la condition que les associés ou actionnaires reversent dans la caisse sociale les sommes nécessaires au paiement des taxes sur le chiffre d'affaires et des taxes assimilées, de l'impôt sur les sociétés et de la retenue à la source sur les revenus de capitaux mobiliers se rapportant aux sommes qui leur ont été distribuées ".
7. Il résulte de ces dispositions que le bénéfice du mécanisme d'imputation qu'elles prévoient est subordonné au reversement, avant la mise en recouvrement, dans les caisses sociales de la société F... des sommes nécessaires au paiement des impositions supplémentaires en matière d'impôt sur les sociétés, ceci avant l'établissement de l'imposition personnelle du ou des contribuables bénéficiaires. Il ne résulte par ailleurs d'aucun texte ni principe que l'administration devrait inviter le contribuable à reverser les sommes en cause ou lui indiquer le montant à reverser et suivant quelles modalités. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction, et n'est même pas soutenu, que M. et Mme A... auraient procédé au reversement requis auprès de la caisse ni qu'un versement aurait été fait au profit de la société, dont ils allèguent qu'elle a été dissoute, et déposé auprès du liquidateur ou éventuellement auprès de l'un des associés, le moyen tiré de ce que ces derniers ont été privés de la garantie de bénéficier de la " cascade complète " doit être écarté.
8. Par ailleurs, si M. et Mme A... se prévalent de la doctrine référencée 13 L-1326 du 1er juillet 2002, qui a été reprise au BOI-CF-PGR-30-40-10, cette dernière ne prévoit, en tout état de cause, aucune obligation à la charge du vérificateur d'informer le contribuable de justifier du reversement précité avant de procéder à la mise en recouvrement des impositions.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et Mme E... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est Outre-mer.
Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme Bernabeu, présidente assesseure,
- Mme Mastrantuono, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 5 mai 2022.
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N° 19MA05480
nc