Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 5 mars 2018 par laquelle la société Orange Sud a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de neuf mois.
Par un jugement n° 1801254 du 31 décembre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande et mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Orange et non compris dans les dépens.
Procédure devant la Cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 25 février et 18 décembre 2020, M. B..., représenté par Me Goldmann, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 31 décembre 2019 du tribunal administratif de Montpellier,
2°) d'annuler la décision du 5 mars 2018 portant exclusion temporaire de fonctions pour une durée de neuf mois ;
3°) de mettre à la charge de la société Orange une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée n'est pas suffisamment motivée, en méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ; contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, en l'absence de la communication de l'avis du conseil de discipline, la société Orange ne pouvait se borner à se référer à cet avis pour motiver sa décision ;
- l'absence de notification et de production de l'avis motivé du conseil de discipline entache d'illégalité la décision d'exclusion temporaire de fonctions ; au demeurant, il n'est pas établi que le conseil de discipline était régulièrement composé ;
- la décision attaquée ne mentionne pas le lieu du tribunal compétent ;
- la matérialité des faits n'est pas établie ; contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, il n'a pas reconnu les faits et notamment, les propos qu'il lui étaient imputés ;
- les faits reprochés ne constituent pas des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire ;
- la sanction retenue n'est pas proportionnée à la gravité de ces fautes ;
- la sanction présente un caractère discriminatoire en raison de son appartenance syndicale et de son état de santé ;
- c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné au paiement de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au regard de sa situation économique ; le tribunal a entendu sanctionner sa requête qui aurait été perçue comme abusive.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2020, la société Orange, représentée par la SCP d'avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de Cassation Delvolvé et Trichet, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B..., une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Un mémoire a été enregistré le 16 mars 2021, présenté pour la société Orange, et non communiqué en application des dispositions de l'article R. 611-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
- le code des relations entre le public et l'administration
- le décret n° 2004-980 du 17 septembre 2004 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. C... en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Dutard, substituant Me Hulin, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 5 mars 2018 par laquelle la société Orange a prononcé à son encontre la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de neuf mois.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la légalité externe :
2. En vertu de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983, la décision prononçant une sanction disciplinaire doit être motivée. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ". Ces dispositions imposent à l'autorité qui prononce une sanction disciplinaire de préciser elle-même, dans sa décision, les griefs qu'elle entend retenir à l'encontre de l'agent concerné, de telle sorte que ce dernier puisse, à la seule lecture de cette décision, connaître les motifs de la sanction qui le frappe.
3. La décision attaquée vise, d'une part, les textes dont il est fait application, à savoir les articles 19 de la loi du 13 juillet 1983 et 66 de la loi du 11 janvier 1984, et d'autre part, les considérations de fait qui fondent la décision en litige, soit les manquements reprochés à ce dernier, en l'occurrence, des comportements agressifs et menaçants réitérés incluant des insultes à l'égard d'un salarié. Si le requérant souligne que cette décision n'indique pas la date à laquelle se sont produits les faits qui lui sont reprochés, ni les circonstances précises dans lesquelles ils se sont déroulés, elle l'a mis en mesure de comprendre et de discuter la nature des faits qui lui étaient reprochés. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée en méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
4. La circonstance que la décision attaquée ne mentionne pas le tribunal administratif territorialement compétent pour connaître du recours dirigé contre elle est sans influence sur sa légalité.
5. Aux termes de l'article 8 du décret du 17 septembre 2004 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de France Télécom : " Le conseil de discipline, au vu des observations écrites produites devant lui et compte tenu, le cas échéant, des déclarations orales de l'intéressé et des témoins ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. ". Aux termes l'article 10 du même décret : " Au vu de l'avis du conseil de discipline ou si aucune des propositions soumises à ce conseil, y compris celle consistant à ne pas proposer de sanction, n'a obtenu l'accord de la majorité des membres présents, le président de France Télécom peut, soit décider d'infliger au fonctionnaire poursuivi l'une des sanctions des trois premiers groupes prévues à l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, soit proposer au ministre chargé des télécommunications d'infliger à ce fonctionnaire l'une des sanctions du quatrième groupe prévues au même article. ".
6. Il ne résulte pas des dispositions précitées que l'avis du conseil de discipline doit être communiqué à l'agent poursuivi. Ce moyen n'est pas fondé et doit être écarté.
7. Le moyen tiré de l'irrégularité de la composition du conseil de discipline n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier la portée et le bien-fondé.
En ce qui concerne la légalité interne :
8. Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. (...) Troisième groupe : - la rétrogradation ; - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans... ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une telle mesure et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité des fautes.
9. En l'espèce, pour infliger à M. B... la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de neuf mois, la directrice d'Orange Sud s'est fondée, selon les termes de la décision contestée, sur le motif tiré de " comportements agressifs et menaçants réitérés, incluant des insultes à l'encontre d'un salarié ".
10. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
11. D'une part, Il ressort des pièces du dossier que le 9 novembre 2017, alors qu'il était en congé, l'intéressé s'est rendu sur son lieu de travail, a insulté et menacé l'un de ses collègues dans la salle de détente, où ce dernier faisait une pause. Ces faits sont attestés par plusieurs témoignages de ses collègues ayant assisté à l'altercation. Ces témoignages, alors même qu'ils ne sont pas rédigés dans des termes identiques, sont concordants quant à l'emploi par le requérant d'expressions particulièrement grossières à l'égard d'un de ses collègues. Le moyen tiré de l'inexactitude des faits doit être, dès lors, écarté.
12. D'autre part, le comportement reproché à M. B... constitue une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire.
13. Ensuite, M. B... n'apporte aucun élément de nature à faire présumer l'existence d'une discrimination en raison de son appartenance syndicale et de son état de santé. Dès lors, ce moyen doit être écarté dans toutes ses branches.
14. En outre, la circonstance qu'il ressort du certificat médical du 7 juin 2017 réalisé par un médecin psychiatre, que M. B... a été diagnostiqué comme souffrant d'un " trouble de la personnalité de type borderline - impulsif " et, a obtenu la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé par décision du 21 septembre 2017 de la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées pour la période de septembre 2017 à août 2018 ne faisait pas obstacle à ce que l'administration lui inflige une sanction disciplinaire. En tout état de cause, des visites médicales ont été réalisées par l'intéressé, notamment en dates d'août et octobre 2017, qui l'ont déclaré apte à tenir son poste de travail.
15. Enfin, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été reçu en entretien le 8 juin 2017 par le directeur de l'unité d'intervention Languedoc Roussillon de la société Orange, au cours duquel il a été rappelé au respect du règlement intérieur, notamment du fait de ses agressions verbales envers des collègues. Il a fait l'objet d'un blâme par une décision du 4 août 2017 en raison d'un comportement agressif le 9 juin 2017 sur son lieu de travail. Dans les circonstances de l'espèce, la société Orange n'a pas pris une sanction disproportionnée en décidant d'infliger à M. B... une exclusion temporaire de fonctions de neuf mois.
16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 5 mars 2018.
Sur les frais liés au litige :
17. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dispose que : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
18. Si le requérant fait état de son exclusion du service, et donc de sa privation de traitement, pendant neuf mois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le tribunal, qui n'a pas entendu sanctionner un requérant dont il aurait estimé la procédure abusive, a méconnu les dispositions précitées en mettant à sa charge une somme au titre des frais exposés par la société Orange et non compris dans les dépens.
19 Les dispositions précitées font obstacle à ce que la société Orange, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. B... une somme au titre des frais d'instance.
20 Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. B... la somme que demande la société Orange au titre des frais exposés et non compris dans les dépens au titre de la procédure d'appel.
D É C I D E :
Article 1er : La requête d'appel de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la société Orange sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la société Orange.
Délibéré après l'audience du 19 avril 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Portail, président par intérim, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative
- Mme Carassic, première conseillère,
- M. Mouret, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 mai 2022.
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N° 20MA00940