Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Algérie innovation a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 36 040 euros émis à son encontre le 16 juin 2017 par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Par un jugement n°1709412 du 19 novembre 2019, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 et 17 février 2020, l'association Algérie innovation, représentée par Me Semeriva, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 novembre 2019 ;
2°) d'annuler le titre exécutoire d'un montant de 36 040 euros émis à son encontre le 16 juin 2017 par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur ;
3°) de mettre à la charge de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur la somme de 1 500 euros à lui verser en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le titre contesté a été pris en méconnaissance du principe des droits de la défense dès lors que l'association n'a pas été mise à même de présenter ses observations préalablement à l'émission de ce titre ;
- la créance sur laquelle repose ce titre est prescrite dès lors que la prescription de cinq ans s'applique, en l'absence de fraude, à compter du versement de la subvention ;
- le titre est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les dépenses d'ingénierie pour un montant de 45 050 euros ont été effectivement réalisées par l'association ; l'inscription de ces dépenses dans les produits du compte financier résulte seulement d'une erreur de plume.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 avril 2021, la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, représentée par Me Baron de l'AARPI Baron, A..., conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que la requête n'est pas fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience au cours de laquelle ont été entendus :
- le rapport de Mme Balaresque ;
- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 30 mars 2007, la région Provence Alpes Côte d'Azur (PACA) a accordé une subvention de 56 000 euros à l'association "Algérie innovation" pour financer le projet " Aides des services de l'environnement de la Wilaya d'Alger pour rechercher des solutions innovantes pour inverser le phénomène de dégradation du Parc naturel de Réghaïa à l'Est d'Alger ". Par un arrêté du 24 mai 2007, le président du conseil régional a précisé les modalités d'attribution de cette subvention. A la suite du contrôle effectué par la chambre régionale des comptes en 2013, le président du conseil régional a émis, le 13 novembre 2013, un premier titre de recettes d'un montant de 36 040 euros correspondant au trop-perçu compte-tenu des dépenses justifiées par l'association. Par un jugement n° 1404408 du 15 mars 2016, le tribunal administratif de Marseille a annulé ce titre et a enjoint à la région de réexaminer le dossier de subvention de l'association. Le président du conseil régional a émis le 16 juin 2017 un second titre de recettes d'un montant de 36 040 euros. L'association Algérie innovation relève appel du jugement du 19 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre exécutoire.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Selon l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, doivent être motivées les décisions qui imposent des sujétions, ou retirent ou abrogent une décision créatrice de droits. Selon le premier alinéa de l'article L. 122-1 du même code, les décisions concernées n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix.
3. Si les décisions accordant une subvention publique à une personne morale constituent des décisions individuelles créatrices de droit, ce n'est que dans la mesure où les conditions dont elles sont assorties, qu'elles soient fixées par des normes générales et impersonnelles, ou propres à la décision d'attribution, sont respectées par leur bénéficiaire. Quand ces conditions ne sont pas respectées, la réfaction de la subvention peut intervenir sans condition de délai. En vertu des dispositions combinées des articles L. 122-1 et L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, l'administration qui envisage de procéder au retrait d'une subvention pour ce motif doit mettre son bénéficiaire en mesure de présenter ses observations (CE, 4 oct. 2021, n° 438695).
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le président du conseil régional de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a adressé deux courriers, datés des 6 juillet 2016 et 14 mars 2017, à l'association Algérie innovation, l'informant d'un trop-perçu de subvention d'un montant de 36 040 euros au regard des pièces justificatives fournies et de son intention d'émettre en conséquence un titre de recette à son encontre afin de récupérer ce trop-perçu. Ces deux courriers préalables invitaient l'association à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. Il est constant que l'association Algérie innovation a reçu le courrier du 6 juillet 2016, auquel elle a d'ailleurs répondu par un courrier de son conseil, le 19 juillet 2016. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure pour non-respect des droits de la défense doit être écarté comme manquant en fait.
5. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la délibération du 30 mars 2007 du conseil régional attribuait à l'association "Algérie innovation" une subvention de 56 000 euros pour un montant subventionnable de 70 000 euros et que l'arrêté du 24 mai 2007 du président du conseil régional précisant les modalités d'attribution de cette subvention indiquait en son article II que " le montant du solde de la subvention à verser est calculé en fonction du montant des dépenses justifiées (...)/ Si le montant des dépenses subventionnables retenues dans la délibération pour le calcul de la subvention varie à la hausse pendant l'exercice, le montant de la subvention n'est pas réévalué. / Si celui-ci varie à la baisse, le montant de la subvention à verser est calculé au prorata des dépenses effectivement justifiées ".
6. Il ressort du compte-rendu financier de l'action spécifique " Aides des services de l'environnement de la Wilaya d'Alger pour rechercher des solutions innovantes pour inverser le phénomène de dégradation du Parc naturel de Réghaïa à l'Est d'Alger " établi par l'association requérante le 7 février 2009 que la somme des produits correspondant aux ressources directes affectées à l'action s'élève à 135 430 euros tandis que la somme des charges directes affectées à l'action s'élève à 90 380 euros, soit une différence de 45 050 euros au bénéfice de l'association. Si celle-ci soutient que l'inscription en produit de ce montant, correspondant aux dépenses d'ingénierie salariée, résulte d'une erreur matérielle, elle n'apporte aucun élément de nature à justifier l'effectivité de ces dépenses, en se bornant à indiquer qu'il s'agit des frais de personnel comprenant les salaires et les charges, " auxquels se sont ajoutés probablement des remboursements de frais ". Ce montant de 45 050 euros, que l'association n'établit pas avoir pris à sa charge, doit dès lors être déduit de celui des dépenses subventionnables, par conséquent ramené à la somme de 45 330 euros, montant inférieur au montant subventionnable annoncé de 70 000 euros. En application de l'article II de l'arrêté du 24 mai 2017 précité, le montant de la subvention à verser doit dès lors être calculé au prorata des dépenses effectivement justifiées. L'association requérante, qui ne produit aucune pièce justificative de ces dépenses, ne conteste pas utilement les calculs effectués par le président du conseil régional qui, après avoir considéré comme effectivement justifiés les seuls frais de télécommunication et de déplacement pour un montant total de 24 950 euros, a fixé, après application du taux de 80%, à la somme de 19 960 euros le montant de la subvention due. Le montant de la subvention versée par la région s'élevant à la somme de 56 000 euros, le président du conseil régional était dès lors fondé à solliciter le remboursement d'un trop-perçu de subvention, pour un montant de 36 040 euros. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation dont serait entaché le titre exécutoire attaqué doit être écarté.
7. En troisième et dernier lieu, l'article 2224 du code civil dispose que : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". La prescription quinquennale prévue par ces dispositions ne court pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et doivent résulter de déclarations que le débiteur est tenu de faire.
8. En outre, aux termes de l'article 2244 du code civil : " Le délai de prescription ou le délai de forclusion est également interrompu par une mesure conservatoire prise en application du code des procédures civiles d'exécution ou un acte d'exécution forcée. "
9. Il résulte de l'instruction et il n'est au demeurant pas contesté que la connaissance par la région du montant des dépenses effectivement justifiées est intervenue au plus tôt à la date de réception des documents financiers de l'association le 7 février 2009. Ainsi que l'a jugé le tribunal, l'émission du premier titre de recettes d'un montant de 36 040 euros le 13 novembre 2013 a interrompu le délai de prescription et a fait courir à compter de cette date un nouveau délai de cinq ans, lequel n'était donc pas expiré le 16 juin 2017, date d'émission du titre de recettes litigieux. Le moyen tiré de la prescription de la créance doit, dès lors, être écarté.
10. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'association " Algérie innovation " n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur les frais du litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande l'association " Algérie innovation " au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association requérante la somme demandée par la région en application de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1 : La requête de l'association " Algérie innovation " est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la région Provence-Alpes-Côte d'Azur en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Algérie innovation " et à la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.
Copie en sera adressée pour information au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 11 avril 2022, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président-assesseur,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 mai 2022.
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No 20MA00582