Vu les procédures suivantes :
Procédures contentieuses antérieures :
Sous le numéro 2100407, M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 11 septembre 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit d'office à l'expiration de ce délai, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative.
Sous le numéro 2100513, Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler l'arrêté du 19 octobre 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande d'admission au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office à l'expiration de ce délai, et, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative.
Par des jugements n° 2100407 et n° 2100513 du 18 mai 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande.
Procédures devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 26 juillet 2021 sous le numéro 21MA03026, M. D... A..., représenté par Me Carmier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 2100407 du 18 mai 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 11 septembre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il n'a pas été procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- le refus de titre de séjour litigieux est entaché d'erreur de fait dès lors qu'il n'a été condamné qu'une seule fois, et non à six reprises ainsi que l'a indiqué le préfet ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il a fixé en France le centre de sa vie privée et familiale depuis plus de huit ans aux côtés de sa femme et de leurs enfants et alors que sa présence en France ne représente pas une menace pour l'ordre public ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour litigieux ;
- elle méconnait les articles 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français contestés ;
- cette décision, en ce qu'elle fixe la Turquie comme pays de destination, l'expose à des traitements inhumains et dégradants au sens de l'article 3 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnait, par suite, l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 juin 2021.
Vu les autres pièces des dossiers ;
II. Par une requête enregistrée le 26 juillet 2021 sous le numéro 21MA03027, Mme C... B... épouse A..., représentée par Me Carmier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 mai 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 19 octobre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- il n'a pas été procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle a fixé en France le centre de sa vie privée et familiale depuis plus de sept ans aux côtés de son mari et de leurs enfants ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour litigieux ;
- elle méconnait les articles 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français contestés ;
- cette décision, en ce qu'elle fixe la Turquie comme pays de destination, l'expose à des traitements inhumains et dégradants au sens de l'article 3 convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et méconnait, par suite, l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 25 juin 2021.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur avant le 1er mai 2021 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Sanson.
Considérant ce qui suit :
1. Par les requêtes susvisées, qu'il y a lieu de joindre dès lors qu'elles ont fait l'objet d'une instruction commune, M. et Mme A..., de nationalité turque, relèvent appel des jugements du 18 mai 2021 du tribunal administratif de Marseille rejetant leur demande d'annulation des arrêtés des 11 septembre 2020 et 19 octobre 2020 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de les admettre au séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de ces mesures d'éloignement.
2. Il ressort des pièces du dossier, nombreuses et diversifiées, que M. et Mme A... résident habituellement sur le sol national depuis l'année 2012, avec leurs trois enfants mineurs, âgés de douze ans, neuf ans et deux ans à la date de la décision contestée, tous scolarisés en France. Le sérieux avec lequel l'aînée du couple s'investit avec dans ses études et la réussite qu'elle rencontre, qui ressortent en particulier des bulletins scolaires versés au dossier, lui donnent vocation à poursuivre en France son cursus scolaire. En outre, les requérants, qui exercent à temps partiel une activité salariée, justifient, en dépit du caractère récent de leur embauche, de gages sérieux d'insertion dans la société française. Ainsi, ils démontrent avoir établi en France le centre de ses intérêts privés en familiaux. Il s'ensuit qu'en refusant de les admettre au séjour, le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
3. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que M. et Mme A... sont fondés à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leur demande.
4. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 2, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer un titre de séjour à M. et Mme A..., dans le délai de deux mois à compter de cet arrêt, et de les munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour.
5. Il y a lieu de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me Carmier, conseil des requérants, au titre des frais qu'ils auraient exposés s'ils n'avaient été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, sous réserve que cet avocat renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat.
D É C I D E :
Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Marseille n° 2100407 et ° 2100513 du 18 mai 2021 et les arrêtés du préfet des Bouches-du-Rhône des 11 septembre 2020 et 19 octobre 2020 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. et Mme A... un titre de séjour, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et de les munir dans l'attente une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me Carmier la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., Mme C... B... épouse A..., à Me Carmier et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 14 avril 2022, où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- Mme Massé-Degois, présidente assesseure,
- M. Sanson, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 avril 2022.
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N° 21MA03026, 21MA03027