Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 18 mars 2019 par lequel la présidente du centre communal d'action sociale
d'Aix-en-Provence a refusé de qualifier en accident imputable au service son entretien avec sa supérieure hiérarchique tenu le 12 décembre 2018, et d'enjoindre à la présidente du centre de reconnaître cette imputabilité et d'en tirer toutes les conséquences de droit.
Par un jugement n° 1903037 du 17 février 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 16 avril 2021, Mme A..., représentée par
Me Baillargeon, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 17 février 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 mars 2019 par lequel la présidente du centre communal d'action sociale d'Aix-en-Provence a refusé de qualifier en accident imputable au service son entretien avec sa supérieure hiérarchique tenu le 12 décembre 2018 ;
3°) d'enjoindre au centre communal d'action sociale d'Aix-en-Provence de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 12 décembre 2018 et d'en tirer toutes les conséquences de droit ;
4°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale d'Aix-en-Provence une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des faits de l'espèce ;
- l'accident du 12 décembre 2018, consistant en un entretien d'évaluation très conflictuel qui a entraîné un arrêt de travail de trois mois, doit être imputé au service, ce qui est attesté par les certificats médicaux produits ;
- les mentions de son évaluation ne lui sont pas favorables ;
- elle n'a pas été absente de son travail pour des raisons injustifiées ;
- elle a subi des faits de harcèlement moral à l'origine de son état dépressif, notamment par des propos discriminatoires depuis l'année 2015 et les pressions de sa hiérarchie ;
- elle a subi une perte de responsabilités en perdant la charge du budget principal pour celle de l'unique budget des soins infirmiers à domicile ;
- bien qu'ayant réussi l'examen professionnel de rédacteur principal de deuxième classe, elle n'a pas été inscrite sur la liste d'accès à ce grade en 2018.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 octobre 2021, le centre communal d'action sociale d'Aix-en-Provence, représenté par Me Jean-Pierre, conclut au rejet de la requête, et à ce que soit mise à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Une ordonnance du 28 février 2022 a fixé la clôture de l'instruction au 28 mars 2022
à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2014-1526 du 16 décembre 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Ury,
- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,
- et les observations de Me Baillargeon, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., rédactrice territoriale au centre communal d'action sociale (CCAS) d'Aix-en-Provence depuis l'année 2015, a fait l'objet le 12 décembre 2018 d'un entretien d'évaluation. Elle a été placée en congé de maladie ordinaire du 22 décembre 2018 au
22 mars 2019. Le 24 décembre 2018 elle a présenté une demande tendant à ce que l'entretien du 12 décembre 2018 soit qualifié d'accident de service. Mais par arrêté du 18 mars 2019, pris après avis défavorable de la commission de réforme du 28 février 2019, la présidente du CCAS
d'Aix-en-Provence a rejeté sa demande. Mme A... relève appel du jugement du
17 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 18 mars 2019 et à ce qu'il soit enjoint à la présidente du CCAS
d'Aix-en-Provence de reconnaître l'imputabilité au service de l'entretien du 12 décembre 2018.
Sur la régularité du jugement :
2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer d'une part sur la régularité de la décision des premiers juges et d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, les moyens tirés de ce que le tribunal administratif aurait dénaturé les pièces du dossier et les faits de l'espèce, commis une erreur de qualification juridique de ces faits et inversé la charge de la preuve en matière de harcèlement moral sont inopérants et ne peuvent donc qu'être écartés.
Sur les conclusions d'annulation :
3. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite (...) ". L'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 dispose d'ailleurs que : " II.- Est présumé imputable au service tout accident survenu à un fonctionnaire, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service. (...). ".
4. Constitue un accident de service, pour l'application des dispositions précitées, un événement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci. Sauf à ce qu'il soit établi qu'il aurait donné lieu à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, lequel peut conduire le supérieur hiérarchique à adresser aux agents des recommandations, remarques, reproches ou à prendre à leur encontre des mesures disciplinaires, un entretien, notamment d'évaluation, entre un agent et son supérieur hiérarchique, ne saurait être regardé comme un événement soudain et violent susceptible d'être qualifié d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur l'agent.
5. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment pas des trois certificats médicaux émanant du médecin traitant de Mme A..., du médecin du travail et d'un psychiatre, qui évoquent l'angoisse émotionnelle de l'intéressée à la suite de l'entretien individuel mais qui se bornent à retranscrire au sujet de cette entrevue les déclarations de l'intéressée, ni du courriel du 17 décembre 2018 que celle-ci a adressé à sa supérieure hiérarchique pour contester le
bien-fondé des remarques qui ont été portées à sa connaissance lors de cet entretien s'agissant de ses cumuls d'absence, de sa capacité à prendre en charge en autonomie les opérations comptables de fin d'exercice, et de sa capacité à assurer de nouvelles missions du service, que cet entretien d'évaluation, qui constitue un événement prévisible et normal de la carrière professionnelle d'un agent public, aurait donné lieu de la part de sa supérieure hiérarchique à un comportement ou à des propos excédant l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. En outre, alors que le rapport circonstancié rédigé par la supérieure hiérarchique de Mme A...
le 21 décembre 2018 sur le déroulement de cet entretien, indique que celle-ci n'a pas accepté les observations sur sa manière de servir, et qu'elle a adopté un ton agressif, il ressort du compte rendu d'évaluation professionnelle au titre de l'année 2018, que sa manière de servir n'a pas été appréciée de manière défavorable, dans la mesure où, si des marges d'amélioration persistent sur certains points, ses connaissances techniques et son aptitude à être une force de proposition sont allées au-delà des attentes de son employeur. Le rapport du 22 janvier 2019 diligenté par la directrice des ressources humaines relève enfin, quant à lui, que si des tensions sont apparues dans le service entre Mme A... et sa supérieure hiérarchique directe, cette dernière n'a jamais dénigré le travail de la requérante, alors que l'intéressée a tenu des propos agressifs et menaçants vis-à-vis de sa hiérarchie.
6. D'autre part, si Mme A... prétend être victime d'un contexte de harcèlement moral depuis l'année 2015, et d'une situation de conflit avec sa supérieure hiérarchique ayant abouti à ses angoisses et son anxiété, ainsi que de faits de discrimination, il résulte des termes mêmes de sa déclaration d'accident de service, même rapprochée des mentions du certificat médical d'arrêt de travail reçu le 24 décembre 2018, de la lettre du 15 janvier 2019 demandant à son employeur l'ouverture d'une enquête et la mise en œuvre de mesures de protection, et de son courrier du
25 février 2019 à la commission de réforme, qu'elle ne s'est prévalue à cet effet que de l'entretien d'évaluation du 12 décembre 2018. Il ne ressort en outre ni des termes de l'avis défavorable de la commission de réforme du 28 février 2019, ni des motifs de l'arrêté en litige, que pour refuser de qualifier l'entretien du 12 décembre 2018 en accident de service, la présidente du CCAS d'Aix-en-Provence se serait fondée sur d'autres circonstances que cet entretien. Or celui-ci, par son caractère isolé et compte tenu de ce qui a été dit au point 5, ne saurait constituer un agissement de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983. Par suite, Mme A... ne peut utilement se prévaloir d'autres circonstances que l'entretien d'évaluation du 12 décembre 2018 pour demander l'annulation de l'arrêté en litige par lequel la présidente du CCAS d'Aix-en-Provence a refusé, à bon droit, de qualifier cet entretien d'accident de service, quels que soient les effets qu'il a pu produire sur la requérante.
7. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint à la présidente du CCAS
d'Aix-en-Provence de reconnaître l'imputabilité au service de son accident.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CCAS d'Aix-en-Provence, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu non plus de mettre à la charge de Mme A... une somme au titre de ces mêmes dispositions.
D E C I D E
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du centre communal d'action sociale d'Aix-en-Provence présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au centre communal d'action sociale d'Aix-en-Provence.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2022, où siégeaient :
- M. Revert, président,
- M. Ury, premier conseiller,
- Mme Renault, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 avril 2022.
N° 21MA014672