Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 10 avril 2017 de la commission départementale d'aménagement foncier de Vaucluse en tant qu'elle accueille favorablement la réclamation numéro 59 formée par M. B... à l'encontre de la décision du 3 août 2016 de la commission intercommunale d'aménagement foncier.
Par un jugement n° 1701738 du 11 juin 2019, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 juillet 2019 et le 7 janvier 2020, M. A..., représenté par Me Robbe, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 11 juin 2019 ;
2°) d'annuler la décision du 10 avril 2017 de la commission départementale d'aménagement foncier de Vaucluse ;
3°) d'enjoindre à l'autorité compétente de lui restituer la parcelle en cause ;
4°) de mettre à la charge du département de Vaucluse la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du 10 avril 2017 est insuffisamment motivée en fait dès lors que le nom du fermier n'y est pas précisé et en droit dès lors qu'elle ne mentionne pas les dispositions dont elle fait application ;
- les droits de la défense et le principe du contradictoire ont été méconnus dès lors que, préalablement à la réunion de la commission départementale, il n'a pas eu connaissance de l'ensemble des documents se rapportant à la réclamation de M. B..., qu'il n'a pas été convoqué devant la commission départementale et que l'administration s'est bornée à lui demander son avis sans autre explication ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait, dès lors que la commission départementale a estimé que le démembrement de l'îlot d'exploitation qui lui était attribué permettait le regroupement des parcelles exploitées par le fermier de M. B... ;
- la décision attaquée méconnait l'article L. 123-1 du code rural et de la pêche maritime dès lors qu'elle réduit la surface de son ilot d'exploitation ; en compensation la parcelle cadastrée section ZB numéro 118 qui lui a été attribuée n'est pas située dans la continuité de son ilot d'exploitation ; elle a pris en compte non l'intérêt de la propriété rurale mais l'intérêt des fermiers de M. B... ;
- la décision attaquée méconnait l'article L. 123-4 du code rural et de la pêche maritime dès lors qu'elle a un effet négatif sur son compte de propriété ;
- la parcelle cadastrée section G numéro 357 n'avait pas à être réattribuée à M. B... aux termes de l'article L. 123-3 du code rural et de la pêche maritime.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 décembre 2019, le département de Vaucluse, représenté par Me Bérenger, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge du requérant de la somme de 2 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
-le moyen tiré de l'erreur de fait n'est pas assorti des précisions suffisantes pour en apprécier le bienfondé ;
- le moyen tiré de ce que la décision litigieuse méconnaît les exigences de regroupement des terres et d'équivalence des apports et des attributions en valeur de productivité réelle est irrecevable ;
- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
La requête et les mémoires produits dans la présente instance ont été communiqués au préfet de Vaucluse ainsi qu'à M. et Mme B... qui n'ont pas présenté d'observations.
Par une ordonnance du 8 décembre 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 décembre suivant.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Goirand, représentant M. A... et de Me Tagnon substituant Me Debeaurain, représenant le département de Vaucluse.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... relève appel du jugement du 11 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 10 avril 2017 de la commission départementale d'aménagement foncier (CDAF) de Vaucluse en tant que celle-ci a accueilli favorablement la réclamation numéro 59 formée par M. B... à l'encontre de la décision du 3 août 2016 de la commission intercommunale d'aménagement foncier.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article R. 121-11 du code rural et de la pêche maritime : " Les intéressés présentent par écrit à la commission départementale d'aménagement foncier leurs observations et réclamations. Sur leur demande adressée par écrit au président de cette commission, ils sont entendus par celle-ci. / La commission départementale peut, en outre, convoquer devant elle ceux des intéressés qu'elle juge devoir être entendus (...) ". Aux termes de l'article R. 121-12 du même code : " La commission procède à l'instruction des réclamations et à l'examen des observations dans les formes qu'elle détermine. Elle statue par une seule décision sur toutes les réclamations formées contre une même opération dans le délai de six mois à compter de l'expiration du délai de réclamation fixé au second alinéa de l'article R. 121-6. Cette décision est régulière dès lors que plus de la moitié des membres de la commission ont participé à l'ensemble des séances d'instruction et sont présents lors de la délibération finale. / Les décisions de la commission départementale sont notifiées aux intéressés, au président du conseil départemental et au préfet. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que si la CDAF de Vaucluse a, par courrier du 2 décembre 2016, avisé M. A... du projet de remembrement issu de la réclamation n° 59 présentée par M. B... devant la commission départementale d'aménagement foncier, ainsi que de l'examen de cette réclamation lors de sa séance du 9 décembre suivant, ce courrier se bornait à lui transmettre un plan et à solliciter son approbation du projet ou, à défaut, les motifs de son refus, sans lui communiquer les motifs de la réclamation de M. B... ni, d'ailleurs, le convoquer à ladite séance. Dans ces conditions, M. A... est fondé à soutenir qu'il n'a pas bénéficié des informations suffisantes pour lui permettre de formuler utilement ses observations sur la réclamation de M. B... alors même qu'elle était susceptible de modifier ses attributions et, par suite, que la procédure suivie devant la CDAF de Vaucluse est entachée d'un vice de procédure qui, dans les circonstances de l'espèce, l'a privé d'une garantie.
4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que la décision contestée est illégale et, par voie de conséquence que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 121-10 du code rural et de la pêche maritime : " La commission départementale d'aménagement foncier a qualité pour modifier les opérations décidées par la commission communale ou intercommunale d'aménagement foncier. Ses décisions peuvent, à l'exclusion de tout recours administratif, faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir par les intéressés ou par le préfet ou le président du conseil départemental devant la juridiction administrative. / En cas d'annulation par cette juridiction d'une décision de la commission départementale, la nouvelle décision de la commission doit intervenir dans le délai d'un an à compter de la date à laquelle cette annulation est devenue définitive. ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu précédemment, et compte tenu de ce que les autres moyens soulevés par le requérant ne permettent pas de faire plus amplement droit à ses conclusions à fin d'injonction, le présent arrêt implique seulement que la commission départementale d'aménagement foncier réexamine la réclamation n° 59 présentée par M. B... en se conformant aux motifs du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département de Vaucluse une somme de 2 000 euros à verser à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A..., qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée à ce titre par le département de Vaucluse.
D E C I D E :
Article 1er :: Le jugement n° 1701738 du 11 juin 2019 du tribunal administratif de Nîmes et la décision du 10 avril 2017 de la commission départementale d'aménagement foncier de Vaucluse sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la commission départementale d'aménagement foncier de réexaminer la réclamation n° 59 présentée par M. B... selon les modalités rappelées au point 6 du présent arrêt.
Article 3 : Le département de Vaucluse versera une somme de 2 000 euros à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A..., au département de Vaucluse, au préfet de Vaucluse et à M. et Mme B....
Délibéré après l'audience du 31 mars 2022 où siégeaient :
- M. Alfonsi, président de chambre,
- M. Mahmouti, premier conseiller,
- M. Sanson, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 14 avril 2022.
2
N° 19MA03470