Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association " Pour une mobilité sereine et durable " (PUMSD), la fédération française des motards en colère, antenne du Var (FFMC 83), Mme D... C..., M. H... N..., M. M... L..., M. B... J..., M. A... G..., M. E... F... et M. K... I... ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'enjoindre à la métropole Toulon Provence Méditerranée de supprimer ou de mettre en conformité les ralentisseurs non conformes implantés sur la voirie métropolitaine.
Par un jugement n° 1803026 du 2 juillet 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire récapitulatif, enregistrés le 31 août 2020 et le 31 janvier 2022, l'association PUMSD et autres, représentés par Me Gaulmin, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 juillet 2020 du tribunal administratif de Toulon ;
2°) d'enjoindre à la métropole Toulon Provence Méditerranée de supprimer les ralentisseurs non conformes implantés sur la voirie métropolitaine, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à sa charge la somme de 3 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- de nombreux ralentisseurs implantés sur le territoire de la métropole ne sont pas conformes au décret n° 94-447 du 27 mai 1994 ;
- les ralentisseurs dits " plateaux traversants " sont des ralentisseurs de type trapézoïdal, soumis au décret du 27 mai 1994 ;
- à supposer qu'ils ne soient pas soumis au décret n° 94-447 du 27 mai 1994, les ralentisseurs ne sont pas conformes à l'arrêté du 24 novembre 1967 relatif à la signalisation des routes et autoroutes ;
- certains sont mal entretenus et présentent un danger pour les usagers ;
- l'intérêt général ne s'oppose pas à leur démolition.
Par un mémoire en défense récapitulatif, enregistré le 16 février 2022, la métropole Toulon Provence Méditerranée, représentée par la SCP Schmidt-Vergnon-Pélissier-Thierry-Eard-Aminthas et Tissot, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête présentée par l'association PUMSD et autres ;
2°) de mettre à leur charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande présentée par l'association PUMSD et autres devant le tribunal administratif était irrecevable, faute de contenir l'exposé des faits et moyens exigé par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- il n'est pas justifié de la qualité pour agir au nom des associations FFMC83 et PUMSD ;
- le moyen tiré du défaut d'entretien normal est irrecevable comme nouveau en appel ;
- les moyens soulevés par l'association PUMSD et autres ne sont pas fondés ;
- la démolition des ralentisseurs concernés porterait une atteinte excessive à l'intérêt général.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'erreur commise par le tribunal administratif sur son office de juge de plein contentieux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le décret n° 94-447 du 27 mai 1994 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mérenne,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me Gaulmin, représentant l'association PUMSD et autres, et de Me Pelissier, représentant la métropole Toulon Provence Méditerranée.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision née le 22 août 2018, le président de la métropole Toulon Provence Méditerranée a implicitement refusé de faire droit à la demande de l'association PUMSD et autres tendant à la suppression des ralentisseurs non conformes à la réglementation implantés sur la voirie métropolitaine.
2. L'association PUMSD et autres ont demandé au tribunal administratif de Toulon d'enjoindre à la métropole Toulon Provence Méditerranée de supprimer ou de mettre en conformité les ralentisseurs non conformes implantés sur la voirie métropolitaine. Ils font appel du jugement du 2 juillet 2020 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
3. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général (CE, 29 nov. 2019, n° 410689, au Recueil).
4. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif s'est estimé saisi d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre la décision implicite de refus du président de la métropole. Quelle que soit la formulation des conclusions dont il était saisi, il appartenait au tribunal de se prononcer en tant que juge de plein contentieux sur le litige relatif à la démolition d'ouvrages publics et à la réalisation de travaux publics. L'erreur ainsi commise par le tribunal administratif sur la nature des conclusions dont il était saisi, entache d'irrégularité le jugement.
5. Il convient donc d'annuler le jugement attaqué du fait de cette irrégularité et de statuer immédiatement sur le litige par la voie de l'évocation.
Sur la recevabilité de la demande initiale :
6. En premier lieu, la demande de l'association PUMSD et autres initialement enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulon, qui est notamment motivée par référence à la demande adressée le 22 juin 2018 à la métropole Toulon Provence Méditerranée, comporte l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge conformément à l'article R. 411-1 du code de justice administrative.
7. En deuxième lieu, l'action de la fédération française des motards en colère du Var a été autorisée par un procès verbal du 16 juin 2018 signé par les membres du bureau, qui a qualité pour agir en justice au nom de l'association en vertu de l'article 6-3 de ses statuts.
8. En troisième lieu, le président de l'association PUMSD dispose de plein droit du pouvoir de représenter cette association en justice en vertu de l'article 6-2 de ses statuts.
9. Il suit de là que les fins de non-recevoir opposées par la métropole Toulon Provence Méditerranée à la demande de première instance doivent être écartées.
Sur la recevabilité des moyens relatifs au défaut d'entretien normal des ouvrages :
10. Les requérants ont fait valoir en première instance que les ralentisseurs contestés n'étaient pas conformes aux règles fixées par le décret n° 94-447 du 27 mai 1994. Ce moyen se rattache au défaut d'entretien normal des ouvrages. Par suite, les moyens par lesquels ils contestent l'état des ouvrages ne relèvent pas d'une cause juridique nouvelle. Ils sont recevables.
Sur le fond :
En ce qui concerne les ralentisseurs de type trapézoïdal :
11. Le décret n° 94-447 du 27 mai 1994 fixe les caractéristiques et les conditions de réalisation des ralentisseurs de type dos d'âne ou de type trapézoïdal. Il ressort du décret pris dans son ensemble que ses auteurs n'ont pas entendu désigner comme étant de " type trapézoïdal " l'ensemble des ralentisseurs dont le profil présente la forme géométrique d'un trapèze, mais uniquement ceux caractérisés comme tels dans la typologie technique propre à ces aménagements routiers. Il suit de là que les ralentisseurs caractérisés comme des " plateaux traversants " selon la typologie technique usuelle ne peuvent être, par définition, des ralentisseurs de " type trapézoïdal " au sens de l'article 1er du décret du 27 mai 1994, quand bien même leur profil présenterait la forme géométrique d'un trapèze dont les deux bases seraient allongées. L'association PUMSD et autres ne sont en conséquence pas fondés à soutenir que les ralentisseurs de type " plateau traversant " seraient soumis au décret du 27 mai 1994.
En ce qui concerne les autres points de non-conformité :
12. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties ".
13. L'association PUMSD et autres font valoir que certains ralentisseurs présents sur les voies appartenant à la métropole Toulon Provence Méditerranée ne sont pas conformes au décret du 27 mai 1994 relatif aux caractéristiques et aux conditions de réalisation des ralentisseurs de type dos d'âne ou de type trapézoïdal ou présentent un danger pour les usagers. Toutefois, l'état du dossier ne permet pas à la cour d'apprécier le bien-fondé de leur argumentation pour chacun des ouvrages concernés. Dès lors, il y a lieu, avant de statuer sur la requête de l'association PUMSD et autres, d'ordonner une expertise.
14. D'une part, la métropole Toulon Provence Méditerranée fait valoir qu'elle a recensé 49 ralentisseurs de type dos d'âne et 113 ralentisseurs de type trapézoïdal sur son territoire et a entrepris la mise en conformité de cinquante d'entre eux. Hormis la contestation sur les ralentisseurs de type " plateau traversant " écartée au point 11, les requérants n'apportent pas d'éléments de nature à remettre en cause les conclusions de l'audit départemental et la progression des travaux. D'autre part, les requérants indiquent ne plus contester les ralentisseurs de type coussin berlinois. Il convient donc de restreindre la mission de l'expert aux ralentisseurs restant en litige.
D É C I D E :
Article 1er : Il sera procédé à une expertise par un expert désigné par la présidente de la cour administrative d'appel.
L'expert aura pour mission :
1°) de référencer les ralentisseurs contestés par l'association PUMSD et autres, à l'exception de ceux mentionnés au point 14, en indiquant leur localisation précise ;
2°) de préciser le type du ralentisseur concerné, en particulier en cas de divergence entre les parties pour l'ouvrage concerné ;
3°) pour les ralentisseurs considérés comme étant de type dos d'âne ou de type trapézoïdal, d'apporter l'ensemble des éléments techniques permettant d'apprécier leur conformité au décret n° 94-447 du 27 mai 1994 et aux normes techniques en vigueur ;
4°) pour les autres ralentisseurs, d'apporter l'ensemble des éléments techniques permettant d'apprécier si leurs caractéristiques les conduisent à constituer un danger pour les usagers, en s'appuyant le cas échéant sur les recommandations techniques relevant des règles de l'art ;
5°) d'indiquer si la métropole envisage des travaux et si ceux-ci sont appropriés.
L'expert se rendra si nécessaire sur les lieux en présence des parties. Il se fera communiquer l'ensemble des documents utiles à sa mission, en particulier par les services de la métropole.
Article 2 : L'expert accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il prêtera serment par écrit devant le greffier en chef de la cour.
Article 3 : L'expert déposera son rapport au greffe de la cour en deux exemplaires dans le délai fixé par la présidente de la cour. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties intéressées. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la cour de la date de réception de leur rapport par les parties.
Article 4 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 5 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Pour une mobilité sereine et durable ", représentant unique des requérants, et à la métropole Toulon Provence Méditerranée.
Délibéré après l'audience du 28 mars 2022, où siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- M. Marcovici, président assesseur,
- M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2022.
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No 20MA03262