Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 24 février 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a approuvé le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation (PPRI) sur la commune de Marseille par débordement de l'Huveaune et de ses affluents, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux et d'enjoindre à l'Etat de procéder à la modification du plan de prévention en litige par le classement de ses parcelles cadastrées section C n° 85 et 86 en zone réglementaire bleue, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1706132 du 20 février 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 24 juillet 2020 et le 18 mars 2022, sous le n° 20MA02411, Mme B..., représentée par Me Richelme, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 20 février 2020 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 février 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a approuvé le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation (PPRI) sur la commune de Marseille par débordement de l'Huveaune et de ses affluents ;
3°) d'annuler la décision en date du 5 juillet 2017 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté son recours gracieux du 4 mai 2017 à l'encontre du PPRI en litige ;
4°) d'enjoindre à l'Etat de procéder à la modification du plan de prévention contesté par le classement de ses parcelles cadastrées section C n° 85 et 86 en zone réglementaire bleue, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le préfet a fait application d'une méthodologie d'élaboration du plan de prévention partielle inadaptée, comportant des incohérences et omissions de nature à biaiser la délimitation des zones inondables ;
- le classement des parcelles C n° 85 et 86 est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 février 2022, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Prieto,
- les conclusions de M. Chanon, rapporteur public,
- et les observations de Me Richelme, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 26 janvier 2015, le préfet des Bouches-du-Rhône a prescrit l'élaboration d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation par le débordement de l'Huveaune et de ses affluents, concernant le territoire des communes d'Aubagne, de Gémenos et de La Penne-sur-Huveaune, ainsi qu'une partie du territoire de la commune de Marseille. L'élaboration de ce plan a donné lieu à une phase de consultation des personnes et organismes associés, puis à une enquête publique du 7 novembre au 9 décembre 2016, au terme de laquelle la commission d'enquête a rendu, dans son rapport du 9 janvier 2017, un avis favorable accompagné de recommandations.
2. Le préfet des Bouches-du-Rhône a, par un arrêté du 24 février 2017 publié le 4 mars suivant, approuvé le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation sur la commune de Marseille par débordement de l'Huveaune et de ses affluents. La parcelle cadastrée C n° 86, appartenant à Mme A... B... et située dans le quartier de C... (9ème arrondissement) à Marseille, ainsi que la parcelle limitrophe C n° 85 dont Mme B... est usufruitière, ont été classées partiellement en zone rouge et en zone violette.
3. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande visant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 24 février 2017, ensemble la décision du 5 juillet 2017 portant rejet implicite de son recours gracieux, confirmée expressément par une décision de rejet du 12 juillet 2017, ainsi qu'il soit enjoint au préfet de procéder au classement de ses parcelles en zone réglementaire bleue.
Sur le bien-fondé du jugement :
4. Aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I. L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. / II. - Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; / 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; / 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; / 4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que les plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations ont pour objet de définir des zones exposées à des risques naturels à l'intérieur desquelles s'appliquent les interdictions, prescriptions et mesures de prévention, protection et sauvegarde qu'ils définissent. Il appartient aux autorités compétentes, lorsqu'elles élaborent un plan de prévention des risques naturels d'inondation d'apprécier les aléas et dangers d'inondation auxquels sont exposées les zones qu'elles délimitent, en tenant compte de la nature et de l'intensité des risques pour les personnes et les biens.
6. L'élaboration du plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation par débordement de l'Huveaune s'est notamment fondée sur une étude approfondie du comportement hydraulique de l'Huveaune pour différents niveaux de crue, réalisée en 2014 par le bureau d'études Egis Eau, mandaté par l'Etat. Il ressort des pièces du dossier que cette étude repose sur un modèle hydraulique fin grâce à une donnée topographique très précise acquise par levée LIDAR (un point tous les mètres).
7. Le plan de prévention des risques en litige a été défini, selon son rapport de présentation, à partir d'une modélisation hydraulique consistant à simuler, pour un ou plusieurs débits donnés, des écoulements en crues dans les lits mineur et majeur, et à estimer ainsi la délimitation de la zone inondée correspondante. Les modèles utilisés comprenaient le lit mineur des cours d'eau modélisés en " 1D " (unidimensionnel) (Huveaune, Merlançon, Fauge, Maïre, Merlançon d'Aubagne, Gouffonne, Jarret) et le lit majeur en 2D (bidimensionnel) dans la totalité de la zone inondable hydrogéomorphologique, soit une emprise variant selon les secteurs de 100 m à 2.5 km de large. La modélisation en 2D repose sur un maillage représentant la nature et la configuration du lit majeur sur les différents secteurs et prend ainsi en compte les particularités des écoulements (obstacles, remblais, digues, ouvrages, discontinuités topographiques).
8. L'élaboration du plan de prévention des risques en litige s'est également fondé sur les débits de la crue de référence du bassin versant de l'Huveaune correspondant, en l'absence d'autre crue connue plus forte, à la crue d'occurrence centennale. Le document contesté a par ailleurs défini les conditions de constructibilité au regard des risques appréciés en fonction notamment des critères de continuité de vie, de renouvellement urbain, des formes urbaines, de la typologie des terrains, des friches urbaines et industrielles et des espaces de revalorisation ou de restructuration urbaine. La caractérisation des enjeux incluse dans le rapport de présentation du plan a été réalisée par une agence d'urbanisme de l'agglomération marseillaise en 2014 à partir des données géomatiques du territoire, pour établir une cartographie de la partie inondable du bassin versant de l'Huveaune en distinguant trois grands types de contextes urbains.
9. Les zones de risque comprennent, en aléa fort, la zone bleu foncé soumise au principe de constructibilité, qui correspond aux centres urbains soumis à un aléa fort, et la zone rouge, soumise au principe d'inconstructibilité pour les nouveaux projets sauf exceptions liées à la nature des enjeux de chacune des zones, qui correspond aux autres zones urbanisées (AZU) ou aux zones peu ou pas urbanisées (ZPPU) soumises à un aléa fort. Le principe d'inconstructibilité vise dans cette hypothèse à éviter de créer de la vulnérabilité et également à préserver la capacité des champs d'expansion de crue. A l'aléa modéré correspondent trois types de zones : la zone bleu foncé soumise au principe de constructibilité correspondant aux centres urbains (CU), la zone bleu clair constructible sous prescriptions et correspondant aux autres zones urbanisées (AZU), et la zone rouge inconstructible par principe et concernant les espaces peu ou pas urbanisés (ZPPU), pour laquelle l'aléa, bien que moindre, demeure prépondérant face au type d'enjeux concernés. Enfin, la zone violette, pour laquelle le règlement définit des recommandations de construction, correspond à une zone inondable par une crue exceptionnelle et peu contrainte en termes de constructibilité.
10. En premier lieu Mme B... critique la méthodologie d'élaboration du plan en ce qu'il serait partiel, inadapté, incohérent et lacunaire. Elle fait notamment valoir que ni les affluents de l'Huveaune autres que le Jarret et la Gouffonne, ainsi que le cours d'eau des Aygalades, ni le phénomène de ruissellement, n'ont été intégrés dans le plan de prévention.
11. Il ressort toutefois des pièces du dossier que si le plan en litige traite le risque d'inondation par les crues de l'Huveaune sur les seuls secteurs concernés du territoire de la commune de Marseille et pour le seul bassin versant de l'Huveaune, il s'agit d'une étude intégrale qui inclut ses affluents dans le cadre d'une approche par bassin versant. La circonstance que la méthodologie retenue par le préfet aurait été critiquée par la commune de Marseille, le département des Bouches-du-Rhône et la commission d'enquête publique elle-même est sans incidence sur la validité de la méthode d'appréciation des risques d'inondation retenue. Au demeurant, la commission d'enquête, qui a rendu un avis favorable avec recommandations, mais sans réserve, a, de son côté, relevé le sérieux des études hydrauliques, confirmées par une contre-expertise indépendante. Enfin, dès lors que le plan de prévention en litige a pour objet de prévenir les risques d'inondation par le débordement de l'Huveaune, la circonstance que le plan contesté n'aurait pas entendu traiter du risque d'inondation par ruissellement des eaux pluviales et n'aurait envisagé que le seul risque d'inondation par débordement est sans influence sur sa légalité.
12. En deuxième lieu, si Mme B... critique les conditions de la modélisation des zones concernées, en constatant que La Gouffone n'a fait l'objet d'une modélisation 2D qu'en aval du litige, il ressort toutefois des pièces du dossier que les services de l'Etat ont fait réaliser une modélisation unidimensionnelle permettant de déterminer les débits induits se propageant sur la partie amont du bassin versant et générant des débordements sur les parcelles riveraines. Dans ces conditions, et par ses seules allégations, Mme B... ne remet pas en cause la pertinence de la méthode de recours à la modélisation 1D sur les parcelles qui la concernent.
13. En troisième lieu, Mme B... soutient qu'en classant les parcelles n° 85 et 86 partiellement en zone rouge à raison d'un aléa fort ou modéré au droit du lit du cours d'eau qui les traverse et en zone violette à raison d'un aléa résiduel s'éloignant de ce lit, le préfet des Bouches-du-Rhône a entaché le plan contesté d'une erreur manifeste d'appréciation. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'une photo aérienne et des cartes produites à l'instruction, que ces parcelles, très partiellement construites, situées dans une zone où les constructions en lisière du massif des calanques sont rares, se trouvent en zone peu ou pas urbanisée (ZPPU) si l'on excepte la présence de quelques constructions à usage d'habitation. Comme l'ont relevé les premiers juges, Mme B..., ne peut utilement se prévaloir à l'encontre du plan de prévention des risques d'inondation d'une discordance entre les prescriptions attachées au zonage dudit plan et celles attachées au zonage du plan local d'urbanisme, dès lors qu'il ressort des dispositions de l'article L. 562-4 du code de l'environnement que le plan de prévention vaut servitude d'utilité publique, laquelle doit être annexée au plan local d'urbanisme et est, de ce fait, opposable à toute demande relative à l'occupation ou l'utilisation du sol fondée sur le code de l'urbanisme.
14. En outre, il ressort clairement de l'instruction que les parcelles en litige sont partiellement concernées par un aléa modéré dont le croisement avec la situation en zone peu ou pas urbanisée (ZPPU) conduit à un classement en zone rouge du zonage réglementaire du plan, qui serait au demeurant le même à raison d'un aléa fort. Le rapport de présentation du plan de prévention des risques mentionne en outre, dans son descriptif de l'affluent, que la Gouffonne, dans son tronçon situé à l'amont du quartier du Redon, s'apparente à un " torrent où les débordements restent spatialement très limités ", que la plaine alluviale est nettement délimitée, " à fond plat au lieu-dit C... " et que de nombreux enjeux sont localisés sur le plancher alluvial pour les constructions à usage d'habitation présentes.
15. Mme B... soutient que le cours de La Gouffone a été obstrué par des propriétaires riverains et que les services de l'Etat n'auraient pas procédé au rétablissement de l'écoulement normal du cours d'eau dont le lit demeure visible au droit des parcelles n° 85 et 86 et, en outre, qu'aucune inondation n'aurait été à déplorer avant l'obstruction partielle du ruisseau. Toutefois l'autorité en charge de l'élaboration d'un PPRI doit prendre en compte la configuration des lieux telle qu'elle se présente effectivement et concrètement, quand bien même elle résulterait d'une opération irrégulière. Par suite le moyen ne pourra qu'être écarté.
16. En dernier lieu, Mme B... soutient qu'aucun relevé topographique de sa propriété, clôturée, n'a été réalisé par les services de l'Etat, de sorte que la conformité du PPRI avec son terrain n'a pu être vérifiée. Il ressort toutefois de l'instruction que le lit de la Gouffonne a fait l'objet de relevés topographiques précis tant en termes de profils en travers que d'ouvrages hydrauliques, effectués sur site par des géomètres, ayant permis de construire le modèle hydraulique unidimensionnel et qu'un levé topographique a été effectué à proximité des parcelles en cause, ainsi que l'indique la carte d'aléa du plan montrant notamment un point de mesure situé sur la route passant devant les parcelles n° 85 et 86.
17. Si Mme B... soutient enfin que la canalisation passant sous la route Léon Lachamp, implantée à l'extrémité du talweg du vallon du Cerisier, est suffisamment dimensionnée pour permettre le passage d'une crue exceptionnelle, les eaux en provenance du vallon ayant vocation à s'écouler non pas sur mais sous la route proche des parcelles n° 85 et 86, elle ne remet pas en cause, par cette simple allégation, les résultats de l'étude hydrologique et hydraulique réalisée en 2014 pour la modélisation de l'aléa inondation du bassin versant de l'Huveaune, au lieu-dit C... s'agissant du lit de la Gouffonne, ayant conduit au classement contesté des parcelles concernées.
18. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le classement desdites parcelles opéré par le plan de prévention des risques d'inondation serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande visant à l'annulation de l'arrêté du 24 février 2017 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a approuvé le plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation sur la commune de Marseille par débordement de l'Huveaune et de ses affluents, ainsi que la décision de rejet de son recours gracieux. Ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2022, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- M. Prieto, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 8 avril 2022.
N° 20MA02411 2
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