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07/04/2022 | FRANCE | N°21MA05012

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 07 avril 2022, 21MA05012


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 juin 2021 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé un pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de quatre mois.

Par un jugement n° 2103196 du 3 août 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le

24 décembre 2021, Mme C..., représentée par Me Mazas, demande à la Cour :

1°) d'annuler le juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 3 juin 2021 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé un pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de quatre mois.

Par un jugement n° 2103196 du 3 août 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 décembre 2021, Mme C..., représentée par Me Mazas, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 3 août 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 juin 2021 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligée à quitter le territoire dans un délai de trente jours, a fixé un pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de quatre mois ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Elle soutient que :

- le juge a méconnu son pouvoir d'instruction ;

- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- la décision fixant le pays de destination méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 février 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par une décision du 26 novembre 2021, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Marseille lui a accordé l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Quenette a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., née le 16 novembre 1987 et de nationalité algérienne, déclare être entrée sur le territoire français le 9 mars 2020, accompagnée de ses deux filles nées le 29 novembre 2011 et le 18 mars 2016. Elle a présenté une demande d'asile le 4 septembre 2020. Par une décision du 10 novembre 2020, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande. Par une ordonnance du 24 février 2021, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a confirmé ce rejet. Par un arrêté du 3 juin 2021, le préfet de l'Hérault lui a fait obligation de quitter le territoire, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours, a fixé un pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de quatre mois. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 3 juin 2021.

Sur la régularité du jugement :

2. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. Le cas échéant, il revient au juge, avant de se prononcer sur une requête assortie d'allégations sérieuses non démenties par les éléments produits par l'administration en défense, de mettre en œuvre ses pouvoirs généraux d'instruction des requêtes et de prendre toute mesure propre à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction, en particulier en exigeant de l'administration compétente qu'elle lui fasse connaître, alors même qu'elle ne serait soumise par aucun texte à une obligation de motivation, les raisons de fait et de droit qui l'ont conduite à prendre la décision attaquée.

3. Mme C... a soulevé dans sa requête devant le tribunal administratif les moyens tirés de ce que le préfet n'avait pas statué sur le titre de séjour en qualité de parent d'enfant d'étranger malade entachant sa décision du vice de procédure ainsi que d'un défaut d'examen réel et sérieux, et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Pour écarter ces moyens, le tribunal a estimé que le préfet de l'Hérault n'avait pas été saisi d'une demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant d'étranger malade et ne pouvait avoir connaissance de la situation de santé de l'aînée de Mme C.... Il a ajouté qu'à supposer que l'état de santé de l'aînée de ses enfants nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner pour elle des conséquences d'une extrême gravité, aucun élément ne permettait de démontrer qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement dans son pays d'origine d'un traitement approprié. Par suite, les premiers juges ont pu répondre à ces moyens au vu des éléments versés au dossier par les parties sans avoir à procéder à une mesure d'instruction quelconque, notamment à inviter l'administration à lui faire connaître les raisons de fait et de droit qui l'ont conduite à prendre la décision attaquée. Par suite, le jugement attaqué n'a pas été rendu après une procédure irrégulière.

Sur de bienfondé du jugement :

4. En premier lieu, la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige, qui précise les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde, serait insuffisamment motivé, quand bien même il ne comporte pas de motif spécifique portant sur l'application de la convention internationale des droits de l'enfant.

5. En deuxième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

6. D'une part, Mme C... soutient que la décision d'éloignement porterait atteinte à l'intérêt de sa fille aînée en raison de son état de santé. Il ressort en effet des pièces du dossier que cette dernière souffre d'une maladie congénitale de la sclère bleue, d'une atteinte rénale et d'une suspicion de maladie inflammatoire associée à des douleurs osseuses chroniques. Une analyse ophtalmologique a révélé plusieurs diagnostics possibles mais non confirmés à savoir une ostéogénèse imparfaite, une mélanose conjonctivale primitive acquise ou un naevus d'Ota. Une exploration génétique ainsi qu'un bilan immunitaire et inflammatoire est en cours et une prise en charge spécialisée par un ophtalmologue, un immunologue, un rhumatologue et un généticien est nécessaire. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle prise en charge ne serait pas possible en Algérie, par la seule circonstance que ces examens ont été déclenchés en France. D'autre part, Mme C... souligne que ses filles peuvent poursuivre en France leur scolarité. Toutefois, la circonstance, invoquée par Mme C... à l'appui de sa demande d'asile, que ces dernières ne pourraient pas suivre en Algérie une scolarité normale pour des motifs religieux n'a pas été jugée crédible par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ni par la Cour nationale du droit d'asile. Elle n'apporte aucun élément nouveau à l'appui de ses allégations. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à arguer que l'obligation de quitter le territoire opposée par le préfet méconnaitrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

8. Il résulte de ce qui a été dit au point 6 qu'il n'est établi ni que les filles de A... C... n'auraient pas accès à l'éducation en Algérie ni que la fille aînée de la requérante n'y aurait accès aux soins requis par son état de santé. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination méconnaitrait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".

10. Mme C... est arrivée en France avec ses filles en mars 2020, sans y justifier de liens familiaux ou privés particuliers et n'a pas troublé l'ordre public ni fait l'objet de mesure d'éloignement. Par suite, en limitant à quatre mois l'interdiction de retour sur le territoire, le préfet de l'Hérault ne peut être regardé comme ayant entaché sa décision d'interdiction de retour d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire opposée par la requérante pour contester la décision portant interdiction de retour sur le territoire ne peut qu'être écartée.

12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté de demande d'annulation de l'arrêté du 3 juin 2021 du préfet de l'Hérault. Il y a lieu par suite de rejeter ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C..., au ministre de l'intérieur et à Me Mazas.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 24 mars 2022 où siégeaient :

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Quenette, premier conseiller,

- Mme Baizet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 avril 2022.

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N° 21MA05012

hw


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21MA05012
Date de la décision : 07/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. D'IZARN DE VILLEFORT
Rapporteur ?: M. Marc-Antoine QUENETTE
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : CABINET MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-04-07;21ma05012 ?
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