Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 18 mai 2021 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de sa destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire pour une durée d'un an.
Par une ordonnance n° 2104099 du 29 septembre 2021, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 29 octobre 2021, Mme A..., représentée par Me Abassit, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 29 septembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 18 mai 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur la régularité de l'ordonnance :
- le magistrat désigné a omis de statuer sur l'irrégularité de la notification de l'arrêté ;
- il n'a pas suffisamment motivé sa décision au regard de son impossibilité de saisir la juridiction compétente dans le délai de quarante-huit heures notamment en l'absence de réponse au moyen tiré de ce que l'article L. 613-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
- les nom et prénom de l'interprète lui ayant notifié l'arrêté ne sont pas indiqués, dès lors la notification est irrégulière et les délais de recours ne sont pas opposables ;
- elle n'a pas été mise à même de comprendre les voies et délais de recours et n'a pas pu saisir un conseil dans les délais qui lui étaient impartis ;
- le signataire de la décision est incompétent ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
- la décision n'est pas motivée ;
- elle ne tient pas compte des circonstances de l'espèce.
Le préfet des Alpes-Maritimes, auquel la requête a été communiquée, n'a pas présenté de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Chazan a été entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2022.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., de nationalité albanaise, relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 18 mai 2021 l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de sa destination et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ".
3. Pour rejeter la demande de Mme A..., le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nice a estimé qu'elle était tardive dès lors que la notification de la décision attaquée, qui est intervenue par voie administrative, comportait la mention des voies et délais de recours et que la requête avait été introduite au-delà du délai de 48 heures prévu à l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, Mme A... avait invoqué devant le premier juge l'irrégularité de la notification de cette décision faute de mention du nom de l'interprète et au motif qu'elle n'a pas été mise en mesure d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix contrairement à ce que prévoient les dispositions de l'article L. 613-3 du même code. Elle estimait enfin que, dans ces circonstances les dispositions de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales avaient été méconnues. L'ordonnance attaquée ne se prononce sur aucun de ces points qui sont susceptibles d'avoir une incidence sur l'opposabilité des délais de recours. Dès lors, elle n'est pas suffisamment motivée et doit être annulée.
4. Il y a lieu d'évoquer et, par là, de statuer en qualité de juge de première instance sur la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Nice.
Sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Nice :
5. D'une part, aux termes de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas assortie d'un délai de départ volontaire, le président du tribunal administratif peut être saisi dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de la mesure. (...) ". Le II de l'article R. 776-2 du code de justice administrative rappelle le délai de recours de 48 heures prévu par les dispositions précitées de l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Enfin, aux termes de l'article R. 776-5 du même code : " (...) II. - Les délais de quarante-huit heures mentionnés aux articles R. 776-2 et R. 776-4 (...) ne sont susceptibles d'aucune prorogation. ".
6. Il résulte de ces dispositions que, pour être recevables, les requêtes dirigées contre une mesure d'obligation de quitter le territoire sans délai doivent être présentées au greffe du tribunal, pour y être enregistrées, dans un délai de 48 heures suivant la notification de l'arrêté comportant ces décisions. Ce délai de quarante-huit heures, qui n'est pas un délai franc et n'obéit pas aux règles définies à l'article 642 du nouveau code de procédure civile, se décompte d'heure à heure et ne saurait recevoir aucune prorogation.
7. D'autre part, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ".
8. Enfin, aux termes des articles L. 613-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile désormais applicables, reprenant les dispositions de l'article L. 512-2 de ce même code : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est informé, par cette notification écrite, des conditions, prévues aux articles L. 722-3 et L. 722-7, dans lesquelles cette décision peut être exécutée d'office. Lorsque le délai de départ volontaire n'a pas été accordé, l'étranger est mis en mesure, dans les meilleurs délais, d'avertir un conseil, son consulat ou une personne de son choix. ". Au terme de l'article L. 613-4 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une décision portant obligation de quitter le territoire français est également informé qu'il peut recevoir communication des principaux éléments, traduits dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu'il la comprend, des décisions qui lui sont notifiées en application des chapitres I et II. ".
9. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux a été notifié à Mme A... le 18 mai 2021 à 18 heures 52 par voie administrative. Il ressort également des pièces du dossier que cette notification comportait l'indication des voies et délais de recours ouverts contre cette décision. Enfin, la requête de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté litigieux, n'a été enregistrée au greffe du tribunal administratif que le 21 juillet 2021, soit nécessairement après l'expiration du délai de quarante-huit heures prévu par l'article L. 614-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. Pour soutenir que sa requête était néanmoins recevable, Mme A... fait valoir que la notification de l'arrêté est irrégulière dans la mesure où elle ne comportait pas le nom de l'interprète qui en a assuré la traduction. Toutefois, aucune disposition applicable ni aucun principe n'exige que le nom de l'interprète soit mentionné avec la notification d'une décision d'éloignement. En outre, il n'est pas sérieusement contesté que Mme A... a reçu communication des principaux éléments de l'arrêté dans une langue qu'elle comprend, par le truchement d'un interprète.
11. Par ailleurs, Mme A... soutient qu'elle n'a pas reçu les informations prévues à l'article L. 613-3 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cependant, la garantie prévue par ces dispositions n'a vocation à s'appliquer que si l'étranger auquel est notifiée une obligation de quitter le territoire sans délai de départ volontaire, est également mis en rétention, dès lors qu'en dépit de la brièveté du délai laissé à l'étranger faisant l'objet d'une telle obligation pour la contester, la circonstance qu'il n'est pas placé en rétention le met en mesure d'avertir rapidement un conseil, son consulat ou une personne de son choix. Dans ces conditions, la circonstance que Mme A..., qui n'était pas placée en rétention, n'a pas été expressément informée de la possibilité d'avertir un conseil, son consulat ou la personne de son choix a été, en l'espèce, sans incidence sur l'opposabilité des délais de recours.
12. Il résulte de tout ce qui précède que les circonstances invoquées par Mme A... ne sont pas de nature à établir que le délai de recours de 48 heures ne lui était pas opposable. Sa requête présentée devant le tribunal administratif de Nice ayant été présentée au-delà de ce délai, ainsi qu'il a été dit, elle est tardive et par suite irrecevable sans que cette circonstance méconnaisse les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou le droit à un recours effectif. La requête de Mme A... ne peut donc qu'être rejetée, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens dont elle est assortie, y compris ses conclusions à fin d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A..., est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Chazan, président,
- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,
- M. Quenette, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2022.
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N° 21MA04263
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