Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 21 mars 2016 par laquelle le maire de la commune de Gabian a rejeté sa demande indemnitaire et de condamner la commune de Gabian à lui verser une somme de 177 255,09 euros en réparation des préjudices résultant pour elle de l'illégalité des refus de permis de construire qui lui ont été opposés.
Par un jugement n° 1601640 du 5 juin 2019, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision attaquée et condamné la commune de Gabian à verser à Mme B... une somme de 20 000 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 2 août 2019, le 22 mai 2020, le 6 août 2020, le 12 novembre 2020 et le 28 février 2022, ce dernier mémoire n'étant pas communiqué, la commune de Gabian, représentée par la SCP CGCB et associés agissant par Me Gilliocq, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 juin 2019 ;
2°) de rejeter la requête de première instance de Mme B... ;
3°) de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal s'est fondé sur des faits inexacts en ce qui concerne l'impossibilité de revendre des bouteilles, les ventes à la coopérative et la production annuelle de 750 hectolitres ;
- le tribunal n'a pas motivé et justifié la somme octroyée au titre du préjudice ;
- le préjudice d'exploitation, purement éventuel, n'est pas indemnisable d'autant qu'il n'est pas établi et est sans relation avec la faute de la commune ;
- le préjudice sur les dépenses diverses n'est pas suffisamment documenté ; les frais d'architecte et d'études d'exploitation e sont pas indemnisables dès lors notamment que le projet a été réalisé ; les frais d'avocats relèvent des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par des mémoires en défense enregistrés le 13 avril 2020, le 22 avril 2020, le 22 juillet 2020 et le 14 février 2022, Mme B..., représentée par la SCP Levy - Balzarini - Sagnes - Serre, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la commune de Gabian ;
2°) par la voie de l'appel incident :
- de réformer le jugement attaqué en tant qu'il a limité à 20 000 euros le montant de l'indemnité qu'il a condamné la commune de Gabian à lui verser ;
- de porter cette somme à 177 255,09 euros, à titre subsidiaire à 84 114,22 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Gabian la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- les fautes commises par la commune de Gabian sont à l'origine des préjudices dont elle demande réparation ;
- la construction d'une cave dès 2012 aurait permis de l'utiliser à partir des vendanges effectuées en 2013, le déploiement de sa nouvelle activité de vinification ayant ainsi été retardé et l'absence de locaux plus grand la contraignant à envoyer son vin en coopérative ;
- eu égard aux éléments du rapport d'expertise comptable produit, c'est à tort que le tribunal administratif a limité à 20 000 euros l'indemnisation accordée au titre de la perte d'exploitation ;
- la construction et l'aménagement d'une cave à la suite du permis de construire délivré le 13 novembre 2015 ne pouvaient intervenir dans des délais permettant d'y traiter les vendanges de l'année 2016 ;
- le tribunal ne pouvait refuser de prendre en compte les factures dans l'évaluation du préjudice au motif qu'elles étaient antérieures aux permis en litige ;
- en tout état de cause, une nouvelle étude a évalué le préjudice subi à 84 114,22 euros.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Quenette,
- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,
- et les observations de Me Djabali de la SCP CGCB et associés, représentant la commune de Gabian et de Me de Aranjo de la SCP Levy - Balzarini - Sagnes - Serre, représentant Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Le 19 septembre 2012, Mme B... a déposé une demande de permis de construire en vue d'édifier une cave de vinification, d'élevage et de stockage de vin. Le maire de Gabian a refusé d'accorder ce permis de construire par arrêté du 26 novembre 2012 qui a été annulé, sur demande de l'intéressée, par un jugement du tribunal administratif de Montpellier du 3 avril 2014, devenu définitif. En exécution de ce jugement, le maire de Gabian a statué à nouveau sur la demande mais a refusé de délivrer ledit permis par un arrêté du 30 juin 2014 qui a été également annulé par un jugement du 15 octobre 2015 devenu définitif. Par arrêté du 13 novembre 2015, le maire de Gabian a finalement autorisé le projet de Mme B.... Par courrier du 26 janvier 2016, cette dernière a introduit une demande préalable afin que la commune lui verse une somme de 177 255,09 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'illégalité des arrêtés des 26 novembre 2012 et 30 juin 2014. Par décision du 21 mars 2016, le maire de Gabian a rejeté cette demande. La commune de Gabian relève appel du jugement n° 1601640 du 5 juin 2019, par lequel le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette décision et l'a condamné à lui verser la somme de 20 000 euros. Par la voie de l'appel incident, Mme B... demande à la Cour de porter cette somme à 177 255,09 euros ou à défaut à 84 114,22 euros.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il n'est pas contesté qu'en refusant à deux reprises de délivrer un permis de construire à Mme B... par des décisions dont l'illégalité au fond est établie par deux jugements du Tribunal en date des 3 avril 2015 et 15 octobre 2015, le maire de Gabian a commis des fautes de nature à engager la responsabilité de la commune pour réparer les dommages qui en résultent directement et qui présentent un caractère certain.
En ce qui concerne le préjudice d'exploitation :
3. Mme B... soutient que les refus de permis de construire qui lui ont été opposés par le maire de Gabian sont à l'origine d'un manque à gagner dès lors qu'elle n'a pu exploiter sa nouvelle cave particulière de 2013 à 2017 à défaut de disposer d'un local suffisant pour vinifier, stocker et commercialiser son vin, l'obligeant ainsi à commercialiser sa production de raisin à un prix moindre auprès de la coopérative locale. Elle en déduit un manque à gagner qu'elle estime entre 70 671 euros et 158 784 euros, au regard de deux évaluations réalisées par un expert-comptable, consistant à comparer les résultats d'exploitation prévisionnels selon que le bâtiment en litige est mis en service en 2013 ou en 2017. Toutefois, il ne résulte nullement de l'instruction que le projet en litige était nécessaire au développement de la vinification, au stockage et à la commercialisation du vin en bouteille ou en cubitainers, alors même qu'il est constant que Mme B... l'effectuait déjà en 2013, dans des proportions certes moindres, sur un autre site. Elle ne justifie d'aucune impossibilité à trouver un site alternatif pour la vinification, la mise en bouteille et le stockage de son vin. Ainsi, il n'existe pas de lien suffisamment direct entre le manque à gagner allégué et l'illégalité fautive. Par suite, Mme B... ne peut obtenir réparation de ce préjudice. Pour le même motif, la commune de Gabian est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif l'a condamnée à verser à Mme B... une somme de 20 000 euros au titre de la perte de chance sérieuse de vendre son vin au détail avec une marge plus rémunératrice.
En ce qui concerne les frais de travaux, d'analyses, d'architecte et d'expertise comptable :
4. Si la requérante soutient que les frais d'architecte, de géomètre, de buse pour accès foreuse, de forage, d'achat de pompe, de location de groupe électrogène, d'analyse de l'eau et d'expertise comptable, en ce qu'ils concernent la faisabilité du projet qu'elle a engagés pour les besoins de sa demande de permis de construire initiale, ont dû être refaits ou réactualisés en raison des refus successifs du maire de Gabian, elle n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations alors que le permis de construire relatif au projet en litige a finalement été accordé. Par suite, ils ne peuvent être regardés comme ayant été engagés en pure perte du fait de l'illégalité des refus de permis opposés et ainsi ouvrir droit à réparation. S'agissant des frais d'expertise comptable pour évaluer le préjudice, ils ne peuvent être indemnisés à défaut d'avoir été utiles à la Cour ainsi que cela ressort du point 3.
En ce qui concerne les frais d'huissier :
5. Si la requérante demande également réparation du préjudice résultant de frais d'huissier, elle ne justifie pas que la facture d'huissier pour frais d'internet du 31 janvier 2014 est en lien avec l'illégalité des refus de permis de construire litigieux.
En ce qui concerne les frais d'avocat :
6. La requérante ne produit aucune facture ou note d'honoraires relative à de tels frais. En tout état de cause, ces frais ne sauraient être indemnisés dès lors qu'ils portent sur des instances engagées devant la juridiction administrative et que leur remboursement relève ainsi de l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la commune de Gabian est fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué et les autres moyens invoqués, que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier l'a condamnée à verser à Mme B... une somme de 20 000 euros. Le recours incident présenté par Mme B... doit être rejeté.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Gabian, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la commune de Gabian.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 juin 2019 est annulé.
Article 2 : La demande de Mme B... devant le tribunal administratif de Montpellier et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.
Article 3 : Mme B... versera à la commune de Gabian une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Gabian et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 24 mars 2022, où siégeaient :
- M. d'Izarn-de-Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,
- M. Quenette, premier conseiller,
- Mme Baizet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2022.
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N° 19MA03640
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