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05/04/2022 | FRANCE | N°20MA00076

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 05 avril 2022, 20MA00076


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 20 juin 2017 par laquelle le directeur général adjoint des services chargé des ressources humaines de la commune de ... a reconnu l'imputabilité au service de la crise d'épilepsie survenue le 2 avril 2014 et fixé au 2 avril 2016 la date de consolidation de son état de santé, subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale, et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 19 mars 2018 par lequel le maire de la

commune de ... l'a placée en congé maladie pour accident du travail du 3 a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler la décision du 20 juin 2017 par laquelle le directeur général adjoint des services chargé des ressources humaines de la commune de ... a reconnu l'imputabilité au service de la crise d'épilepsie survenue le 2 avril 2014 et fixé au 2 avril 2016 la date de consolidation de son état de santé, subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale, et, d'autre part, d'annuler l'arrêté du 19 mars 2018 par lequel le maire de la commune de ... l'a placée en congé maladie pour accident du travail du 3 avril 2014 au 2 avril 2016, en congé de maladie ordinaire du 3 avril 2016 au 2 avril 2017, puis en disponibilité d'office à compter du 3 avril 2017 jusqu'à nouvelle décision à intervenir et, subsidiairement, d'ordonner une expertise médicale.

Par un jugement nos 1705915, 1803958 du 4 novembre 2019, le tribunal administratif de ... a rejeté l'ensemble des demandes de Mme C....

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 3 janvier 2020 et le 14 janvier 2022,

Mme C..., représentée par Me Rabbé, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 20 juin 2017 par laquelle le directeur général adjoint des services chargé des ressources humaines de la commune de ... a reconnu l'imputabilité au service de la crise d'épilepsie survenue le 2 avril 2014 et fixé au 2 avril 2016 la date de consolidation de son état de santé et l'arrêté du 19 mars 2018 par lequel le maire de la commune de ... l'a placée en congé maladie pour accident de service du 3 avril 2014 au 2 avril 2016, en congé de maladie ordinaire du 3 avril 2016 au 2 avril 2017, puis en disponibilité d'office à compter du 3 avril 2017 jusqu'à nouvelle décision à intervenir ;

3°) d'enjoindre à la ville de ... de la placer en congé de maladie pour accident de service du 3 avril 2014 au 1er juin 2020, date de sa mise à la retraite pour invalidité, et de reconstituer ses droits en conséquence, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la ville de ... une somme de 4 350 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que les premiers juges ont omis de statuer sur le moyen, pourtant d'ordre public, tiré de l'incompétence du signataire de la décision du

20 juin 2017 ;

- les premiers juges ont méconnu leur office en jugeant inopérants les moyens soulevés à l'encontre de la décision du 19 mars 2018 ;

- la compétence du signataire de la décision du 20 juin 2017 n'est pas établie ;

- il n'est établi ni que la décision du 20 juin 2017 a été prise après que la commission de réforme a rendu son avis dès lors qu'elle n'a pas eu notification d'une copie de cet avis, ni que la commission de réforme a été régulièrement composée ;

- il n'apparaît pas que le médecin chargé de la prévention au sein de son service a été informé de sa réunion et de son objet, ce qui l'a privée d'une garantie ;

- les deux décisions attaquées sont entachées d'erreur d'appréciation en tant qu'elles fixent la date de consolidation de son état de santé au 2 avril 2016.

Par lettre du 14 décembre 2021, la commune de ... a été mise en demeure, sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative de produire ses observations sur la requête de Mme C... dans un délai d'un mois.

En application du 3ème alinéa de l'article L. 612-3 du code de justice administrative, un avis d'audience portant clôture immédiate de l'instruction a été émis le 2 mars 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... relève appel du jugement du 4 novembre 2019 par lequel le tribunal administratif de ... a rejeté ses requêtes tendant à l'annulation, d'une part, de la décision prise le 20 juin 2017 par le directeur général adjoint des services chargé des ressources humaines de la commune de ... reconnaissant l'imputabilité au service de la crise d'épilepsie dont elle a été victime le 2 avril 2014 et fixant la date de consolidation de son état au 2 avril 2016 et, d'autre part, de l'arrêté du maire de cette commune en date du 19 mars 2018 la plaçant en congé de maladie au titre de l'accident reconnu imputable au service, du 3 avril 2014 au 2 avril 2016, puis en congé de maladie ordinaire du 3 avril 2016 au 2 avril 2017, enfin en disponibilité d'office à compter du 3 avril 2017.

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 20 juin 2017 :

2. Aux termes de l'article 18 du décret du 14 mars 1986 : " Le médecin chargé de la prévention attaché au service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis au comité médical ou à la commission de réforme est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s'il le demande, communication du dossier de l'intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion ; il remet obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus aux articles 26, 32, 34 et 43 ci-dessous " et aux termes de l'article 15 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " Le secrétariat de la commission informe le médecin du service de médecine professionnelle et préventive, pour la fonction publique territoriale, (...), compétent à l'égard du service auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis à la commission. (...) Ces médecins peuvent obtenir, s'ils le demandent, communication du dossier de l'intéressé. Ils peuvent présenter des observations écrites ou assister à titre consultatif à la réunion de la commission. Ils remettent obligatoirement un rapport écrit dans les cas prévus au premier alinéa des articles 21 et 23 ci-dessous. ".

3. D'une part, il résulte de ces dispositions que le médecin de prévention n'est pas tenu de remettre un rapport à la commission de réforme lorsqu'elle doit seulement statuer sur la date de consolidation de l'état de santé de l'agent, et non sur l'imputabilité au service d'un accident ou d'une maladie. D'autre part, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

4. Il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la crise d'épilepsie dont a été victime Mme C... a été reconnue, sans que la commission de réforme se prononce préalablement, par décision du 6 mars 2017 prise par la commune de ... après annulation, par jugement du tribunal administratif de ... du 25 janvier 2017, d'une première décision, en date du 16 juillet 2014, par laquelle la commune de ... avait refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'à la suite de la décision du 6 mars 2017, la commission de réforme a été réunie aux seules fins de déterminer la date de consolidation de l'état de santé de Mme C..., qu'elle a proposé, par avis du 20 juin 2020, de fixer au 2 avril 2016. Par décision du 20 juin 2017, la commune de ... a confirmé la décision du 6 mars 2017 en tant qu'elle a reconnu l'imputabilité au service de l'accident du 2 avril 2014 et fixé au 2 avril 2016 la date de consolidation de l'état de santé de l'intéressée. Mme C... soutient que cette décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le médecin de prévention n'avait pas été informé de la tenue de la commission de réforme, en méconnaissance des dispositions citées au point 2 de l'arrêt.

5. Si, ainsi qu'il a été dit au point 3, le médecin de prévention n'était pas tenu de remettre un rapport écrit, il n'est pas contesté qu'il n'a pas été informé de la tenue de la réunion de la commission de réforme devant statuer sur le cas de Mme C... et n'a donc pas, de la sorte, été mis à même de présenter le cas échéant des observations écrites ou d'assister, comme il en a la possibilité, à titre consultatif à la réunion. Dès lors, la consultation de la commission de réforme a été irrégulièrement menée et une telle irrégularité a été, en l'espèce, de nature à priver effectivement Mme C... d'une garantie. Dans ces conditions, la décision attaquée a été prise au terme d'une procédure irrégulière.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni sur les autres moyens de la requête dirigés contre la décision contestée, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de ... a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 juin 2017, en tant qu'elle fixe la date de consolidation de son état de santé au 2 avril 2016.

Sur les conclusions dirigées contre la décision du 19 mars 2018 :

7. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit :/ ... 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident, même après la date de radiation des cadres pour mise à la retraite. Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales (...) " ; que l'article 72 de la même loi dispose que :

" La disponibilité est prononcée, soit à la demande de l'intéressé, soit d'office à l'expiration des congés prévus aux 2° (...) de l'article 57 ... ".

8. En raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale.

9. L'arrêté du maire de ... du 19 mars 2018, en tant qu'il limite à la période du 3 avril 2014 au 2 avril 2016 le placement de l'intéressée en congé pour accident de service, et la place en congé maladie ordinaire du 3 avril 2016 au 2 avril 2017, puis en disponibilité pour maladie à compter du 3 avril 2017, est consécutif à la décision du 20 juin 2017 en tant qu'elle fixe la date de consolidation de l'état de santé de Mme C... au 2 avril 2016. L'annulation de la décision du 20 juin 2017, au point 6 du présent arrêt implique ainsi nécessairement l'annulation, dans ces limites, de l'arrêté du maire de ... du 19 mars 2018.

10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ni sur les autres moyens soulevés à l'encontre de cet arrêté, que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de ... a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de ... du 19 mars 2018, en tant qu'il limite à la période du 3 avril 2014 au 2 avril 2016 son placement en congé pour accident de service, et la place en congé maladie ordinaire du 3 avril 2016 au 2 avril 2017, puis en disponibilité pour maladie à compter du 3 avril 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

11. Compte tenu des motifs retenus pour annuler la décision du maire de ... du 20 juin 2017 en tant qu'elle fixe la date de consolidation de son état de santé consécutif à son accident de service au 2 avril 2014, ainsi que l'arrêté du maire de ... du 19 mars 2018, il convient seulement, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre à la commune de ... de procéder au réexamen de la situation de Mme C..., afin de déterminer la date de consolidation de son état de santé, après avoir réuni une nouvelle commission de réforme et en avoir préalablement informé le médecin de prévention, ainsi que ses droits à congés maladie pour accident de service entre le 3 avril 2016 et le 1er juin 2020, date à laquelle elle a été admise à faire valoir ses droits à une pension de retraite pour invalidité, dans un délai qu'il convient de fixer à trois mois à compter de la date de la notification de l'arrêt.

Sur les frais liés au litige :

12. En application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros sera mise à la charge de la commune de ....

D É C I D E :

Article 1er : La décision du maire de ... du 20 juin 2017, en tant qu'elle fixe la date de consolidation de l'état de Mme C... au 2 avril 2016, et l'arrêté du maire de ... du 19 mars 2018, en tant qu'il limite à la période du 3 avril 2014 au 2 avril 2016 son placement en congé pour accident de service, la place en congé maladie ordinaire du 3 avril 2016 au 2 avril 2017, puis en disponibilité pour maladie à compter du 3 avril 2017, sont annulés.

Article 2 : Le jugement nos 17005915 et 1803958 du 4 novembre 2019 du tribunal administratif de ... est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de ... de procéder au réexamen de la situation de Mme C... afin de déterminer la date de consolidation de son état de santé ainsi que ses droits à congés maladie pour accident de service entre le 3 avril 2016 et le 1er juin 2020, dans les conditions précisées au point 11.

Article 4 : L'Etat versera à Mme C... une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et à la commune de ....

Délibéré après l'audience du 22 mars 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition du greffe, le 5 avril 2022.

2

N° 20MA00076


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA00076
Date de la décision : 05/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Positions - Congés - Congés de maladie - Accidents de service.

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : RABBÉ

Origine de la décision
Date de l'import : 30/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-04-05;20ma00076 ?
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