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28/03/2022 | FRANCE | N°21MA04198

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 28 mars 2022, 21MA04198


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, par deux actes introductifs d'instance, d'annuler les arrêtés des 28 mai et 9 juin 2021 par lesquels la préfète du Gard a retiré sa carte de résident, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

Par un jugement nos 2102108, 2102109 du 5 octobre 2021, le tribunal adminis

tratif de Nîmes a annulé les arrêtés des 28 mai et 9 juin 2021 de la préfète du Gard.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, par deux actes introductifs d'instance, d'annuler les arrêtés des 28 mai et 9 juin 2021 par lesquels la préfète du Gard a retiré sa carte de résident, a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

Par un jugement nos 2102108, 2102109 du 5 octobre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les arrêtés des 28 mai et 9 juin 2021 de la préfète du Gard.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 octobre 2021 et le 26 janvier 2022, la préfète du Gard demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 octobre 2021 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de rejeter les demandes présentées par Mme B... en première instance.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la durée du séjour en France de l'intéressée sous une fausse identité ne peut être prise en compte au titre de la vie privée et familiale ;

- les autres moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 18 janvier et le 15 février 2022, Mme B..., représentée par Me Chabbert Masson, demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par la préfète du Gard ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la préfète du Gard ne sont pas fondés ;

- le caractère contradictoire de la procédure de retrait du titre de séjour n'a pas été respecté ;

- elle pouvait demander une modification de son identité ;

- l'arrêté contesté méconnaît l'article L. 423-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît également le premier paragraphe de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il est entaché d'erreur manifeste au regard de sa situation personnelle ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle méconnaît le 3° et le 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La présidente de la cour a désigné M. Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Mérenne a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. La préfète du Gard fait appel du jugement du 5 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a annulé ses arrêtés des 28 mai et 9 juin 2021 retirant la carte de résident de Mme B..., refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.

2. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales prévoit que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

3. Lorsque l'autorité compétente envisage de prendre une mesure de retrait d'un titre de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français, qui prive un étranger du droit au séjour en France, il lui incombe notamment de s'assurer, en prenant en compte l'ensemble des circonstances relatives à la vie privée et familiale de l'intéressé, que cette mesure n'est pas de nature à porter à celle-ci une atteinte disproportionnée. S'il appartient à l'autorité administrative de tenir compte de manœuvres frauduleuses avérées qui, en raison notamment de leur nature, de leur durée et des circonstances dans lesquelles la fraude a été commise, sont susceptibles d'influer sur son appréciation, elle ne saurait se dispenser de prendre en compte les circonstances propres à la vie privée et familiale de l'intéressée postérieures à ces manœuvres au motif qu'elles se rapporteraient à une période entachée par la fraude (CE, 17 oct. 2014, nos 358767, 358788, aux tables).

4. Mme B..., ressortissante arménienne née en 1980, est entrée en France en 2004 avec son compagnon, né en 1978, et leur fille, née en 2003. Sous couvert d'une fausse identité azérie, elle a bénéficié, du 16 juillet 2009 au 1er juin 2014, de titres de séjour valables un an au titre de sa vie privée et familiale, puis d'une carte de résident. Leur première enfant a effectué l'intégralité de sa scolarité en France. Leur deuxième enfant, née en 2006, est de nationalité française. Ils sont parents d'une troisième enfant, née en 2018. Mme B... est directrice adjointe dans une chaîne de magasins. Son compagnon est gérant d'une épicerie. Ainsi qu'il a été dit au point 3, la préfète du Gard ne pouvait se dispenser de prendre en compte la vie privée et familiale constituée en France sous couvert d'une fausse identité. Compte tenu de l'ancrage de la vie privée et familiale de Mme B... en France, le refus de renouveler son titre de séjour en raison de cette seule circonstance, dont il n'est d'ailleurs pas établi qu'elle ait eu une influence sur la délivrance de titres de séjour antérieurs, porte à celle-ci une atteinte disproportionnée. Le tribunal administratif a donc retenu à juste titre le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Gard n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé ses arrêtés des 28 mai et 9 juin 2021.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative le versement de la somme de 1 000 euros à Mme B... au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la préfète du Gard est rejetée.

Article 2 : L'État versera la somme de 1 000 euros à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information à la préfète du Gard.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Mérenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2022.

2

No 21MA04198


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA04198
Date de la décision : 28/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : CHABBERT MASSON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-28;21ma04198 ?
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