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28/03/2022 | FRANCE | N°21MA02475

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 28 mars 2022, 21MA02475


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 février 2021 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de quatre mois.

Par un jugement n°2100783 du 31 mars 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

P

ar une requête, enregistrée le 25 juin 2021, M. A... B..., représenté par Me Belaïche, demande à la C...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 16 février 2021 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de quatre mois.

Par un jugement n°2100783 du 31 mars 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 25 juin 2021, M. A... B..., représenté par Me Belaïche, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 31 mars 2021 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 février 2021 par lequel le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pour une durée de quatre mois ;

3°) d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer une attestation provisoire de demandeur d'asile, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Belaïche au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen personnalisé de sa situation ; il n'a pas été tenu compte de sa nouvelle domiciliation ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de débat contradictoire ; son droit à être entendu préalablement à l'édiction de cette décision, principe fondamental du droit de l'Union, a été méconnu ;

- elle méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire ne lui a pas été définitivement refusé ; il a saisi le 9 mars 2021 la cour nationale du droit d'asile d'un recours contre la décision de rejet de sa demande d'asile par l'office français de protection des réfugiés et apatrides ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- l'interdiction de retour sur le territoire français est entachée des mêmes illégalités externes que l'obligation de quitter le territoire français contestée ;

- elle méconnaît les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que les critères prévus par cet article permettant l'édiction d'une telle interdiction ne sont pas remplis ;

- la décision fixant le pays de renvoi prise sur le fondement d'une obligation de quitter le territoire illégale est dépourvue de base légale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé.

Par une décision du 28 mai 2021, M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. Laurent Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Balaresque a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant soudanais né le 7 février 1997, a présenté une demande d'asile qui a été rejetée le 7 décembre 2020 par l'Office français des réfugiés et apatrides. Par un arrêté du 16 février 2021, le préfet de l'Hérault l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé son pays de destination et lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pour une durée de quatre mois. M. B... relève appel du jugement du 31 mars 2021 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. L'arrêté attaqué vise les textes dont il fait application et énonce les considérations de fait qui en constituent le fondement. Il précise notamment que la demande d'asile présentée par l'intéressé a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 7 décembre 2020, qui lui a été notifiée le 15 décembre 2020 et contre laquelle il n'a pas introduit de recours auprès de la cour nationale du droit d'asile. Il relève également que M. B... n'établit ni ses liens familiaux en France ni l'absence d'attaches dans son pays d'origine. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ne peuvent qu'être écartés.

3. Aux termes du I de l'article L. 511-1 dans sa rédaction applicable au litige : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) ".

4. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans ses arrêts C-166/13 et C-249/13 des 5 novembre et 11 décembre 2014, le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Toutefois, dans le cas prévu au 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusée à l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande de reconnaissance de sa qualité de réfugié. Ainsi, le préfet n'était pas tenu de demander au requérant, dont la demande d'asile a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides, de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français.

5. Il résulte des dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). En l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. En cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de l'OFPRA a été régulièrement notifiée à l'intéressé.

6. Pour prendre l'obligation de quitter le territoire français en litige, le préfet de l'Hérault s'est fondé sur la circonstance que la demande d'asile de l'intéressé avait été rejetée par une décision de l'OFPRA le 7 décembre 2020 et qu'aucun recours n'avait été formé contre cette décision devant la CNDA. Il ressort du relevé TelemOfpra produit par le préfet que la décision de l'OFPRA rejetant la demande d'asile de M. B... lui a été notifiée le 15 décembre 2020, soit plus de deux mois avant l'arrêté contesté. Si M. B... conteste la régularité de cette notification en faisant valoir qu'il avait changé de lieu d'hébergement à compter du 11 août 2020, ce dont atteste le directeur territorial de l'office français de l'immigration et de l'intégration, il ressort toutefois de ce relevé TelemOfpra et il n'est au demeurant pas contesté par le requérant qu'il n'a signalé ce changement d'adresse à l'OFPRA que le 1er mars 2021, soit postérieurement à l'arrêté contesté. En outre, il ressort également de l'avis de réception de cet arrêté, signé par l'intéressé le 22 février 2021 et produit par le préfet en appel, que M. B... continuait à cette date à recevoir son courrier à l'adresse communiquée à l'OFPRA. Dans ces conditions, la décision de l'OFPRA ayant été régulièrement notifiée à M. B..., ce dernier, qui n'avait pas formé de recours devant la CNDA antérieurement à l'arrêté contesté, ne disposait plus du droit de se maintenir sur le territoire français. Il pouvait, dès lors, faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application des dispositions précitées. Par suite, le moyen tiré de leur méconnaissance doit être écarté.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault, qui, ainsi qu'il a été dit au point 2, a examiné la situation personnelle du requérant, se serait cru tenu de prendre une mesure d'éloignement le concernant, à la suite du rejet de sa demande d'asile par l'OFPRA. Le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée l'obligation de quitter le territoire français litigieuse doit, dès lors, être écarté.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination

8. Il résulte de ce qui précède que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas entachée des illégalités que le requérant lui impute. M. B... n'est donc pas fondé à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination.

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 2 et 4, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation, du défaut d'examen particulier de la situation de l'intéressé et de la méconnaissance de son droit à être entendu dont serait entachée l'interdiction de retour sur le territoire français doivent être écartés.

10. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français./ L'étranger à l'encontre duquel a été prise une interdiction de retour est informé qu'il fait l'objet d'un signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen, conformément à l'article 24 du règlement (CE) n° 1987/2006 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du système d'information Schengen de deuxième génération (SIS II). Les modalités de suppression du signalement de l'étranger en cas d'annulation ou d'abrogation de l'interdiction de retour sont fixées par voie réglementaire./ La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français ".

11. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que, pour prononcer l'interdiction de retour contestée et en fixer la durée à quatre mois, le préfet de l'Hérault a bien pris en compte les quatre critères énumérés par les dispositions précitées, en relevant tant la présence récente en France de l'intéressé et son absence de liens familiaux sur le territoire que le fait qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et ne représente pas une menace pour l'ordre public.

12. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 février 2021.

13. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que ses conclusions présentées en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent être accueillies.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Belaïche et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 14 mars 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Mérenne, premier conseiller,

- Mme Balaresque, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2022.

2

No 21MA02475


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA02475
Date de la décision : 28/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: Mme Claire BALARESQUE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : BELAICHE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-28;21ma02475 ?
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