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28/03/2022 | FRANCE | N°20MA01189

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 28 mars 2022, 20MA01189


Vu la procédure suivante :

Sur l'arrêt :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupama Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Marseille ou, à défaut, la société Panzera, à verser à la société Groupama Méditerranée, subrogée dans les droits de l'EURL Ricard Décoration Florale, la somme de 534 390,94 euros et de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 170

6815 du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Marsei...

Vu la procédure suivante :

Sur l'arrêt :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Groupama Méditerranée a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la commune de Marseille ou, à défaut, la société Panzera, à verser à la société Groupama Méditerranée, subrogée dans les droits de l'EURL Ricard Décoration Florale, la somme de 534 390,94 euros et de mettre à la charge de la commune de Marseille la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1706815 du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Marseille à verser à la société Groupama Méditerranée une indemnité de 534 390,40 euros au titre de sa prise en charge de l'incendie subi par l'EURL Ricard Décoration Florale le 14 juillet 2012 et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 mars 2020, 15 septembre 2020 et 11 mars 2021, la commune de Marseille, représentée par la SELARL Abeille et associés, demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 janvier 2020 ;

2°) de faire droit à sa demande d'appel en garantie de la société Panzera à hauteur de 50 % de la condamnation qui a été mise à sa charge ;

3°) de mettre à la charge de la société Groupama la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'appel est recevable ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- il a méconnu l'autorité de la chose jugée ;

- la société Panzera a méconnu ses obligations contractuelles ;

- la responsabilité de la ville ne saurait être engagée sur le fondement de la responsabilité sans faute.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 mai 2020, 7 août 2020, 5 janvier 2021, la société Groupama Méditerranée, représentée par la SCP Tertian-Bagnoli-Langlois-Martinez, conclut à titre principal à ce qu'elle soit mise hors de cause, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Marseille ou de tout succombant une somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est entièrement dirigée contre la commune de Marseille ;

- la commune est bien responsable sur le fondement de la faute qu'elle a commise ;

- son préjudice est bien établi ;

- les conclusions de la société Panzera aux fins de voir reconnaître prescrite l'action de la société Panzera est nouvelle en appel et donc irrecevable, en tout état de cause, l'action n'est pas prescrite.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 juillet 2020, 26 novembre 2020, 23 février 2021, la SAS Panzera, représentée par la SCP Angelis-Semidei-Vuillquez-Habart-Melki-Bardon-de Angelis, conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à l'annulation du jugement en tant qu'il a condamné la commune de Marseille et de rejeter les conclusions de la société Groupama Méditerranée, et à ce qu'il soit mis à la charge de la partie succombante la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement n'est pas irrégulier ;

- elle n'a pas méconnu les stipulations du contrat qu'elle a conclu avec la commune de Marseille ;

- aucune autorité de la chose jugée ne peut lui être opposée ;

- son appel incident contre l'article 1er du jugement est recevable dès lors qu'il ne présente pas un litige distinct ;

- l'action de la société Groupama Méditerranée est prescrite ;

- la société Groupama ne justifie pas de son préjudice.

La requête a été communiquée à l'EURL Ricard Décoration Florale qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Marcovici,

- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,

- et les observations de Me Pontier, représentant la commune de Marseille, de Me Domergue, représentant la SAS Panzera et de Me Martinez, substituant Me Terzian, représentant la société Groupama Méditerranée.

Considérant ce qui suit :

1. Par une réclamation préalable du 24 juillet 2017, la société Groupama Méditerranée a demandé à la commune de Marseille de l'indemniser des conséquences dommageables de l'incendie subi le 14 juillet 2012 par son assurée, l'EURL Ricard Décoration Florale. Par un jugement du 9 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a condamné la commune de Marseille à verser à la société Groupama Méditerranée une indemnité de 534 390,40 euros au titre de sa prise en charge de l'incendie subi par l'EURL Ricard Décoration Florale le 14 juillet 2012 et a rejeté le surplus des conclusions des parties. La commune de Marseille relève appel de ce jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande d'appel en garantie dirigée contre la société Panzera.

Sur la responsabilité :

2. La responsabilité d'une commune ne peut être engagée en cas d'accident survenu à la suite d'un feu d'artifice tiré sur la commande de celle-ci que si la victime établit l'existence d'une faute de la commune soit dans le choix de l'artificier, soit dans l'organisation ou le fonctionnement du service public, soit enfin dans l'accomplissement des mesures de police prises pour assurer la sécurité des personnes et des biens.

3. Le 14 juillet 2012, une partie de la jardinerie exploitée par l'EURL Ricard Décoration Florale a été détruite par un incendie dû à des retombées de débris enflammés provenant du feu d'artifice organisé par la commune de Marseille et tiré depuis le parc Borely par la société Panzera. L'examen des débris des engins pyrotechniques ramassés dans l'enceinte de la jardinerie réalisé à la demande des requérants par un laboratoire d'analyse établit qu'ils proviennent du feu d'artifice. En outre, il résulte de l'instruction qu'ont été constatées de nombreuses retombées, au cours du spectacle, de déchets d'artifice dont certains étaient incandescents et de la concomitance entre la fin du spectacle pyrotechnique et le début de l'incendie. L'existence d'un lien de causalité direct et certain entre le feu d'artifice et les dommages subis par l'EURL Ricard Décoration Florale est établie.

4. Il résulte de l'instruction qu'un périmètre de sécurité d'un rayon de 150 mètres a été circonscrit autour du pas de tir. Toutefois, compte tenu de la vitesse du vent, d'environ 60 km/h selon le bulletin météorologique produit par les requérants et de la localisation du pas de tir en milieu urbain, la décision d'autoriser le tir, alors que le périmètre de sécurité ne pouvait plus être élargi, présente un caractère fautif alors, au demeurant que le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur avait, par courrier du 15 juin 2012, appelé les maires du département des Bouches-du-Rhône à la plus grande vigilance quant au maintien d'un spectacle pyrotechnique en cas de condition météorologique défavorable. Cette faute, qui est à l'origine de l'entier dommage subi par l'EURL Ricard Décoration Florale, engage la responsabilité de la commune de Marseille. C'est donc à juste titre que le tribunal administratif de Marseille a retenu que la société Groupama, subrogée aux droit de cette dernière société était fondée à rechercher la responsabilité de la commune de Marseille.

5. Au total, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Marseille se serait mépris sur le principe de la responsabilité encourue par la commune de Marseille ne peut qu'être écarté.

Sur le montant des préjudices subis :

6. Il y a lieu, sur ce point, d'adopter les motifs des premiers juges, figurant aux paragraphes 4, 5, 6 et 7, et qui ne sont pas sérieusement contestés par la société Panzera.

Sur l'appel en garantie :

7. Aux termes de l'article 18.2 du cahier des clauses particulières du marché relatif au lieu d'exécution des tirs : " Le lieu du tir est défini à l'article 5.1 du présent cahier des clauses particulières. Les périmètres de sécurité de la zone de tir seront définis par l'artificier et validés par le maître d'ouvrage et les services de sécurité. / Ces périmètres devront être présentés par l'artificier sous forme de plan à l'échelle dans son offre ".

8. La société Panzera soutient que la créance de la société Groupama Méditerranée était prescrite sur le fondement des dispositions de l'article 2224 du code civil selon lequel " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Toutefois, d'une part, le jugement du tribunal administratif de Marseille n'a condamné la société Panzera à verser aucune somme à la société Groupama Méditerranée. L'appel provoqué de la société Panzera dirigé contre la société Groupama Méditerranée n'a donc pas d'objet. D'autre part, si la société Panzera entend contester la condamnation de la commune par le jugement du tribunal, il résulte de ce qui précède que cette condamnation est fondée, et que la demande de la société Groupama Méditerranée dirigée contre la commune n'était pas prescrite, dès lors que cette société a notifié une réclamation préalable à la commune le 24 juillet 2017, que la société Panzara soutient que le délai a commencé à courir le 12 septembre 2012, et que la société Groupama Méditerranée a introduit son instance le 29 septembre 2017, soit dans le délai de 5 ans mentionné.

9. Eu égard aux conditions climatiques susceptibles d'être rencontrées localement et à la localisation du pas de tir, la société Panzera a défini un périmètre de sécurité de la zone de tir d'une dimension insuffisante. Ainsi, elle a méconnu les obligations mises à sa charge par le marché conclu avec la commune de Marseille. Il suit de là que cette dernière est fondée à être garantie par la société Panzera de la moitié de la condamnation prononcée à son encontre.

Sur l'appel provoqué :

10. Par la voie de l'appel provoqué, la société Panzera demande l'annulation de l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Marseille du 9 janvier 2020. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société Panzera, qui au demeurant présentent à juger un litige distinct de celui soulevé par la commune de Marseille, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais du litige :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit à aucune des conclusions des parties fondées sur les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La société Panzera garantira la commune de Marseille à hauteur de 50 % des sommes mises à la charge de cette dernière.

Article 2 : Le jugement du 9 janvier 2020 du tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Groupama Méditerranée, à la commune de Marseille, à la SAS Panzera et à l'EURL Ricard Décoration Florale.

Délibéré après l'audience du 28 février 2022, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président-assesseur,

- M. Merenne, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2022.

2

N° 20MA01189


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA01189
Date de la décision : 28/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-05-03-02 Responsabilité de la puissance publique. - Recours ouverts aux débiteurs de l'indemnité, aux assureurs de la victime et aux caisses de sécurité sociale. - Subrogation. - Subrogation de l'assureur.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Laurent MARCOVICI
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS TERTIAN - BAGNOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-28;20ma01189 ?
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