Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 19 mai 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales a modifié les modalités de son assignation à résidence.
Par un jugement n° 2102729 du 7 juin 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 19 mai 2021 en tant qu'il oblige les enfants de A... B... à se présenter trois fois par semaine avec leurs parents à la police de l'air et des frontières de Perpignan et rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 10 juin 2021, sous le n° 21MA02265, Mme B... représentée par Me Deplanque, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 juin 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il l'oblige à se présenter trois fois par semaine à la police de l'air et des frontières de Perpignan ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 mai 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Pyrénées-Orientales de l'autoriser avec sa famille à poursuivre leur intégration administrative sur le territoire français dans le cadre de leur demande de carte de séjour temporaire et de leur demande de réexamen auprès de l'OFPRA.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué est fondé sur un vice de procédure résultant d'une interprétation erronée de ses déclarations recueillies par un interprète selon lesquelles elle avait encore de la famille en Albanie ;
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la famille disposant d'un logement stable, et leur impose de faire une heure de route trois fois par semaine ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il méconnaît en outre l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'il empêche ses enfants âgés de 7 ans et 11 ans de participer sur la commune de Prades à leurs activités scolaires et religieuses et qu'il l'empêche elle-même de conduire ses enfants à leurs activités.
II. Par une requête enregistrée le 10 juin 2021, sous le n° 21MA02267, Mme B..., représentée par Me Deplanque, demande à la Cour d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier du 7 juin 2021.
Elle soutient que :
- l'exécution du jugement attaqué risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens énoncés dans sa requête sont sérieux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les demandes d'aide juridictionnelle de Mme B... ont été rejetées pour caducité par décision du 3 septembre 2021.
La partie requérante a été régulièrement avertie du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ciréfice a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les deux requêtes n° 21MA02265 et 21MA02267, qui sont présentées par la même requérante, sont relatives à la même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.
2. Mme C... épouse B..., née le 20 mai 1988 et de nationalité albanaise, a déclaré être entrée en France le 17 février 2017. Par une décision du 22 mai 2017, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 13 octobre 2017. Par un arrêté du 11 janvier 2018, le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être reconduite. L'intéressée s'est maintenue de manière irrégulière sur le territoire. Par un arrêté du 10 mars 2021, le préfet des Pyrénées-Orientales lui a fait obligation de quitter le territoire, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé un pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et l'a assignée à résidence dans le département des Pyrénées-Orientales. Par une ordonnance n° 2101227 du 13 mars 2021, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Montpellier a rejeté son recours à l'encontre de cet arrêté comme manifestement irrecevable. Cette ordonnance a été confirmée par ordonnance du 17 septembre 2021 du président de la 7ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille. Par un arrêté du 22 mars 2021 le préfet des Pyrénées-Orientales a prononcé son assignation à résidence dans le département des Pyrénées-Orientales pour une période de 45 jours. Par un arrêté du 5 mai 2021, le préfet des Pyrénées-Orientales a renouvelé l'assignation à résidence. Enfin, par un arrêté du 19 mai 2021, le préfet des Pyrénées-Orientales a modifié les modalités de l'assignation à résidence. Mme B... relève appel du jugement du 7 juin 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 19 mai 2021 en tant qu'il oblige ses enfants à se présenter trois fois par semaine avec leurs parents à la police de l'air et des frontières de Perpignan et rejeté le surplus des conclusions, en tant qu'il l'oblige à se présenter trois fois par semaine à la police de l'air et des frontières de Perpignan, à ce qu'il soit enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de l'autoriser avec sa famille à poursuivre leur intégration administrative sur le territoire français dans le cadre de leur demande de carte de séjour temporaire et de leur demande de réexamen auprès de l'OFPRA et demande, par ailleurs, à la Cour de surseoir à l'exécution de ce jugement.
Sur la requête n° 21MA02265 :
3. Aux termes de l'article L. 731-1 du code de justice administrative : " I. - L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ; (...) ". Aux termes de l'article L. 732-3 du même code : " L'assignation à résidence prévue à l'article L. 731-1 ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours.
Elle est renouvelable une fois dans la même limite de durée. ".
4. Lors de son audition du 10 mars 2021, Mme B... a été entendue avec son époux par les services de la police aux frontières de Perpignan et était assistée par un interprète en langue albanaise. Elle soutient que ce dernier, de nationalité kosovare, aurait déformé ses propos, aurait indiqué, de manière erronée, qu'elle disposait toujours de liens familiaux en Albanie, alors que les seuls cousins qui demeurent en Albanie veulent sa mort et que le préfet aurait pris en considération ces propos déformés pour fonder la décision attaquée sans tenir compte du danger que sa famille encourt en Albanie pour raisons de vendetta familiale. Il ressort toutefois de la décision contestée que le préfet a seulement indiqué que Mme B... " ne démontre pas ne plus avoir de liens personnels et familiaux en Albanie où elle a vécu la majeure partie de sa vie ". Il ressort en outre du procès-verbal de l'audition du 10 mars 2021 produit par le préfet en première instance que l'interprète requis était compétent en langue albanaise. Si la requérante soutient par ailleurs que, lors de son audition du 19 mai 2021, le même interprète était chargé de la traduction alors qu'elle avait porté plainte à son encontre, il ne ressort, ainsi qu'il vient d'être dit, pas des pièces du dossier que cette personne n'aurait pas été qualifiée. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure tenant au défaut d'interprète doit être écarté alors, en tout état de cause, que la circonstance que Mme B... ne disposerait plus de membres de sa famille dans son pays d'origine, ou de seuls cousins impliqués dans une vendetta familiale, n'a pas d'incidence sur la légalité de la décision en litige portant modification des conditions de l'assignation à résidence.
5. Si Mme B... soutient que son retour en Albanie l'exposerait à des risques de vengeance familiale, ces circonstances sont sans incidence sur la légalité de la décision portant modification des conditions d'assignation à résidence, qui n'emporte pas par elle-même éloignement ni désignation du pays de renvoi. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait, en raison d'un défaut d'interprétariat, à tort considéré qu'elle et son mari disposaient de membres de leur famille en Albanie ne peut qu'être écarté.
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
7. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressée étant définitivement déboutée du droit d'asile et se maintenant illégalement sur le territoire depuis le 12 février 2018, le préfet des Pyrénées-Orientales a, par deux premiers arrêtés du 10 mars 2021 devenus définitifs, fixé la durée d'assignation à résidence de Mme B... à 45 jours dans le département des Pyrénées-Orientales. S'étant soustraite à l'obligation de se présenter le 17 mars suivant devant la police de l'air et des frontières de Perpignan où elle avait l'obligation de se présenter tous les mercredis à 14 heures, accompagnée de ses deux enfants, le préfet a pris un arrêté du 22 mars 2021, devenu définitif, les assignant à résidence pour une nouvelle période de 45 jours avec désignation d'une nouvelle résidence pour tous les membres de la famille au Flashotel à Perpignan. Par un nouvel arrêté du 5 mai 2021, devenu définitif, le préfet a assigné Mme B... à résidence pour une période de 45 jours en lui imposant de se présenter tous les mercredis à la police de l'air et des frontières de Perpignan, à 16 heures. Si par l'arrêté du 19 mai 2021 dans ses dispositions en vigueur suite à l'annulation partielle rétroactive prononcée par le jugement attaqué, le préfet des Pyrénées-Orientales lui a imposé de se présenter aux services de la police aux frontières de Perpignan tous les lundis et les vendredis à 7 heures 45 et tous les mercredis à 14 heures, les circonstances invoquées, telles le maintien de sa domiciliation à Prades chez Mme R. en violation d'ailleurs de la mesure d'assignation à résidence, sa participation aux activités d'une association, et la scolarisation de ses deux enfants dans cette même commune ne sont pas de nature à faire regarder l'arrêté contesté comme portant une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... à mener une vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de la requérante.
8. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
9. Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.
10. Si le préfet des Pyrénées-Orientales a fait valoir en défense en première instance que la modification des obligations de présentation de Mme B... résulte du refus de la requérante, résidant à Prades, de rejoindre sa nouvelle résidence à Perpignan, le tribunal a estimé, par le jugement attaqué dont l'administration n'a pas relevé appel, que cette seule circonstance ne pouvait, compte tenu de la scolarisation en cours de ses enfants à la date de la décision contestée, justifier l'obligation qui est faite à ses enfants de se présenter trois fois par semaine avec leurs parents à la police de l'air et des frontières de Perpignan, dont les lundis et vendredis à 7 heures 45. En revanche, Mme B... n'établit pas qu'elle ne pourrait pas faire accompagner ses enfants à l'école par un tiers. Il s'ensuit qu'elle n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté méconnaîtrait les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a seulement annulé l'arrêté du 19 mai 2021 en tant qu'il oblige les enfants de A... B... à se présenter trois fois par semaine avec leurs parents à la police de l'air et des frontières de Perpignan et rejeté le surplus des conclusions.
Sur la requête n° 21MA02267 tendant au sursis à exécution du jugement contesté :
12. La Cour statuant au fond dans la présente affaire, il n'y a plus lieu pour elle de se prononcer sur la demande de sursis à exécution du jugement attaqué, enregistrée sous le n° 21MA02267.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
13. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B... n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction de Mme B....
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21MA02267 de Mme B....
Article 2 : La requête n° 21MA02265 de Mme B... est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... épouse B....
Délibéré après l'audience du 11 mars 2022, où siégeaient :
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente assesseure,
- M. Prieto, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 mars 2022.
2
N° 21MA02265, 21MA02267
fa