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24/03/2022 | FRANCE | N°20MA04162

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 24 mars 2022, 20MA04162


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer une carte de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2006609 du 6 octobre 2020, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête enregistrée sous le numéro 20MA04162 le

9 novembre 2020, Mme A..., représentée par Me Gilbert, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugemen...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer une carte de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2006609 du 6 octobre 2020, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête enregistrée sous le numéro 20MA04162 le 9 novembre 2020, Mme A..., représentée par Me Gilbert, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille du 6 octobre 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer une carte de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme 1 500 euros en application des dispositions combinées des article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- Le préfet a commis une erreur de droit et n'a pas procédé à un examen sérieux de sa demande sur le fondement des articles L. 313-11 11° et L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étranges et du droit d'asile ;

- Le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étranges et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 février 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens d'appel sont infondés.

Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 janvier 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

II- Par une requête enregistrée sous le numéro 20MA04163 le 9 novembre 2020, Mme A..., représentée par Me Gilbert, demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille du 6 octobre 2020 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros en application des dispositions combinées des article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle fait valoir que :

- l'exécution des décisions en litige risque d'entrainer pour elle des conséquences difficilement réparables ;

- elle invoque des moyens sérieux d'annulation.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 février 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens d'appel sont infondés.

Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 janvier 2021 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Baizet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... relève appel du jugement du 6 octobre 2020 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 août 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer une carte de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

2. Les affaires enregistrées sous les n° 20MA04162 et 20MA04163 sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 11° du code de l'entré et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. Chaque année, un rapport présente au Parlement l'activité réalisée au titre du présent 11° par le service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ainsi que les données générales en matière de santé publique recueillies dans ce cadre. ". Aux termes de l'article L. 211-1 du même code dans sa version en vigueur : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...) ". Selon l'article R. 313-1 du même code alors en vigueur : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'une première carte de séjour doit présenter à l'appui de sa demande, outre les pièces mentionnées à l'article R. 311-2-2, les pièces suivantes : 1° Les documents, mentionnés à l'article R. 211-1, justifiant qu'il est entré régulièrement en France (...) ". Selon l'article R. 313-2 du même code alors en vigueur : " Ne sont pas soumis aux dispositions du 1° de l'article R. 313-1 les étrangers mentionnés à l'article L. 313-4-1, aux 2°, 2° bis, 6° à 11° de l'article L. 313-11, et aux articles L. 313-11-1, L. 313-14, L. 313-14-1, L. 313-15, L. 313-25, L. 313-26 et L. 316-1. ". Selon l'article R. 311-2-2 du même code alors en vigueur : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité et, le cas échéant, de ceux de son conjoint, de ses enfants et de ses ascendants. Lorsque la demande de titre de séjour est introduite en application de l'article L. 311-6, le demandeur peut être autorisé à déposer son dossier sans présentation des documents mentionnés au premier alinéa. La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. ". Enfin selon l'article L. 311-6 du même code alors en vigueur : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, l'invite à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 511-4, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. ".

4. D'une part, eu égard au droit que l'étranger a de voir sa situation examinée au regard des dispositions relatives au séjour des étrangers en France, il incombe à l'autorité administrative, après lui avoir fixé un rendez-vous pour déposer une demande de titre de séjour, de le recevoir en préfecture et, si son dossier est complet, de procéder à l'enregistrement de sa demande dans un délai raisonnable. D'autre part, il résulte de l'ensemble de ces dispositions que la présentation d'un passeport en cours de validité ne saurait être imposée à un étranger qui sollicite, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'octroi d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " en qualité d'étranger malade, comme une condition pour la délivrance de cette carte.

5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., de nationalité nigériane, est entrée en France le 5 janvier 2018. Elle a déposé, le 6 février 2018, une demande d'asile. L'office français de protection des réfugiés et apatrides a, par une décision du 7 novembre 2019, rejeté sa demande d'asile, ce rejet ayant été confirmé par la cour nationale du droit d'asile le 29 mai 2020. Mme A... a déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade en janvier 2020 qui n'a pas été instruite. Elle s'est rendue en préfecture, munie d'une convocation pour déposer son dossier d'étranger malade, le 24 juillet 2020, et s'est opposée à un refus d'enregistrement au motif qu'elle ne produisait pas un " passeport ou une attestation consulaire ". Or, d'une part, comme il a été dit au point 4, la production d'un passeport ne peut être imposée pour un étranger qui sollicite un titre de séjour sur le fondement du 11e de l'article L. 313-11 précité. D'autre part, il n'est pas établi, ni même d'ailleurs allégué par le préfet, que les documents produits par Mme A... lors du dépôt de sa demande ne suffisaient pas à établir son identité et que son dossier ne pouvait ainsi être regardé comme complet. Dans ces conditions, le préfet ne pouvait édicter l'arrêté en litige sans se prononcer sur la demande de titre de séjour de Mme A... en qualité d'étranger malade. Celle-ci est donc fondée à soutenir que le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas procédé à un examen complet et sérieux de sa situation.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen soulevé, que Mme A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en litige, la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête, et à demander l'annulation du jugement en litige et de l'arrêté du 10 août 2020.

Sur les conclusions aux fins de sursis à exécution :

7. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n°2006609 du 6 octobre 2020, les conclusions de la requête n° 20MA04163 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. L'exécution du présent arrêt implique seulement, eu égard à la portée du moyen d'annulation, le réexamen de la situation de Mme A.... Ainsi, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de l'intéressée dans un délai fixé à deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de L'Etat, partie perdante à la présente instance, la somme de 1 500 euros à verser à Me Gilbert, sous réserve de sa renonciation à percevoir l'indemnité correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 20MA04163 de Mme A....

Article 2 : Le jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille du 6 octobre 2020 est annulé.

Article 3 : L'arrêté du 10 août 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer à Mme A... une carte de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours est annulé.

Article 4 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de Mme A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : L'État versera à Me Gilbert une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que celle-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Gilbert et au ministre de l'intérieur.

Copies-en seront adressées au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 10 mars 2022 où siégeaient :

- M. Chazan, président,

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur,

- Mme Baizet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mars 2022.

2

N° 20MA04162, 20MA04163

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20MA04162
Date de la décision : 24/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CHAZAN
Rapporteur ?: Mme Elisabeth BAIZET
Rapporteur public ?: Mme GOUGOT
Avocat(s) : GILBERT;GILBERT;GILBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 29/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-24;20ma04162 ?
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