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22/03/2022 | FRANCE | N°20MA03827

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 22 mars 2022, 20MA03827


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'institution de retraite complémentaire Humanis retraite AGIRC-ARRCO, venant aux droits de l'institution de retraite complémentaire ABELIO, a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le département du Var à lui payer la somme de 1 050 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'une emprise irrégulière sur le terrain AP 89 dont elle est propriétaire.

Par un jugement n° 1803350 du 13 août 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ai

nsi que les conclusions présentées par le département du Var sur le fondement de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'institution de retraite complémentaire Humanis retraite AGIRC-ARRCO, venant aux droits de l'institution de retraite complémentaire ABELIO, a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner le département du Var à lui payer la somme de 1 050 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'une emprise irrégulière sur le terrain AP 89 dont elle est propriétaire.

Par un jugement n° 1803350 du 13 août 2020, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ainsi que les conclusions présentées par le département du Var sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 octobre 2020, l'institution de retraite complémentaire Malakoff Humanis AGIRC-ARRCO, venant aux droits de l'institution de retraite complémentaire Humanis Retraite AGIRC-ARRCO, représentée par Me Raynaldy, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 août 2020 en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) d'ordonner de mettre fin à l'emprise irrégulière dûment constatée par le tribunal, le cas échéant en lui restituant les parcelles AP n° 89 et AN n° 2, dans un délai de deux mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard ;

3°) de condamner le département du Var à lui verser la somme de 1 050 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette emprise irrégulière, conformément aux conclusions du rapport d'expertise ;

4°) de mettre à la charge du département du Var la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'emprise irrégulière sur sa propriété porte sur la réalisation de 35 emplacements de stationnement créés dans le cadre de l'exécution d'un permis de construire délivré en 1983, sans acquisition ni compensation par la commune, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal ;

- la commune, qui a pris définitivement possession de ce terrain depuis les années 1990, est responsable des conséquences dommageables de cette emprise irrégulière ;

- l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune devant le tribunal ne peut être accueillie, une situation d'emprise irrégulière qui perdure ne créant aucun droit acquis et le préjudice lié n'étant pas connu de la requérante au moment de son action contentieuse ;

- si le juge administratif ne peut ordonner le transfert de propriété, il peut ordonner qu'il soit mis fin à cette emprise ;

- son préjudice correspond à une prise de possession définitive de sa propriété par la commune, et à un trouble de jouissance, évalué par l'expert à raison de 15 000 euros par place de stationnement réalisée, et à actualiser ;

- compte tenu de la position exprimée par la commune, sa demande indemnitaire est maintenue à l'encontre du département qui a d'ailleurs appelé la commune en garantie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 février 2021, le département du Var, représenté par Me Pontier, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de son auteur la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable pour défaut de motivation ;

- c'est à bon droit que le tribunal a mis hors de cause le département dans un contentieux qui oppose la requérante à la commune du Lavandou ;

- subsidiairement, la commune devrait le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre, compte tenu des conventions passées avec la commune qui a mis à sa disposition des parcelles dont elle se prétendait à tort propriétaire, aucun empiètement ne pouvant être imputé au département avant 2006 et à tout le moins, avant 1999 ;

- il conviendrait de joindre les instances engagées par l'institution de retraite complémentaire contre la commune et contre le département ;

- à titre très subsidiaire, compte tenu de l'étendue de l'empiètement issu de l'implantation de la piste cyclable, la requérante n'établit pas que son préjudice qui en résulterait correspondrait à la privation de places de stationnement, et ne justifie pas de la pertinence de son chiffrage.

Par ordonnance du 9 juin 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 28 juin 2021,

à 12 heures.

Par une lettre du 1er mars 2022, la Cour a informé les parties, sur le fondement de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, qu'elle était susceptible de fonder son arrêt sur le moyen, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de l'appelante tendant à ce qu'il soit enjoint au département du Var de mettre fin à l'emprise irrégulière, le cas échéant en lui restituant les parcelles concernées, faute pour ces conclusions d'avoir été précédées d'une demande présentée en ce sens à la commune, et d'avoir été formées devant le tribunal dans le délai de recours contentieux, lequel a couru au plus tard à compter de l'enregistrement de la demande.

Par des observations enregistrées le 3 mars 2022, l'institution de retraite complémentaire Malakoff Humanis AGIRC-ARRCO précise ne plus être propriétaire de lots d'habitation ou d'hébergement au sein de la copropriété Plein sud, et que sa demande d'injonction ne vise qu'à tirer les conséquences d'une emprise dont la réalité et l'irrégularité ne sont pas contestées.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Pontier représentant le département du Var.

Considérant ce qui suit :

1. L'institution de retraite complémentaire Malakoff Humanis retraite AGIRC-ARRCO possède sur la commune du Lavandou, quartier de Cavalière Plage, boulevard des Acacias, deux parcelles cadastrées section AN n° 2 et AP n° 89, de 1 435 m2, sur lesquelles a été constaté par géomètre-expert le 25 mai 2012, notamment, l'aménagement de places de stationnement. Si, sur rapport d'expertise judiciaire du 11 mars 2014, l'institution de retraite complémentaire a assigné devant le juge judiciaire la commune du Lavandou, qu'elle considère comme responsable de ces aménagements réalisés sans titre, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, par arrêt du 26 mai 2016, confirmé par arrêt de la Cour de cassation du 18 janvier 2018, a jugé que seule la juridiction administrative est compétente pour connaître de ces demandes. Par lettre du 29 juin 2018, l'institution de retraite complémentaire a saisi le département du Var d'une demande d'indemnisation du préjudice lié à l'emprise irrégulière sur ses parcelles, laquelle a été rejetée par décision du 4 septembre 2018. Par jugement du

13 août 2020, dont l'institution de retraite complémentaire forme appel, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du département du Var à lui verser la somme de 1 050 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait de cette emprise irrégulière.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Pour rejeter la demande indemnitaire de l'institution de retraite complémentaire, le tribunal administratif de Toulon s'est fondé sur les stipulations des conventions signées les

10 septembre 1999 et 4 octobre 2001, par lesquelles la commune du Lavandou a mis à la disposition du département du Var les parcelles, propriétés de l'institution de retraite complémentaire, pour la réalisation d'un parcours cyclable, achevé en 2006, et desquelles les premiers juges ont déduit l'absence de responsabilité du département dans l'apparition de l'emprise irrégulière dont l'institution recherche l'indemnisation des conséquences dommageables.

3. Si, par sa requête d'appel, l'institution de retraite complémentaire sollicite la condamnation du département du Var à lui verser une somme au titre des préjudices qu'elle dit avoir subis du fait de cette emprise irrégulière, elle se borne, pour toute contestation du jugement, à qualifier la motivation du jugement attaqué de " surprenante ", en développant une argumentation entièrement fondée sur l'emprise irrégulière dont la commune du Lavandou serait l'auteur et en recherchant exclusivement l'engagement la responsabilité de celle-ci à ce titre.

Ce faisant, l'institution de retraite complémentaire, qui n'établit ni même n'allègue l'existence d'un fait dommageable ou d'un agissement fautif de la part du département du Var, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande indemnitaire.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Il ne résulte pas de l'instruction que l'institution de retraite complémentaire aurait saisi le département du Var, avant d'introduire son recours indemnitaire devant le tribunal administratif ou au cours de la première instance, d'une demande tendant à ce qu'il soit mis fin à l'emprise irrégulière, et à ce que lui soient restituées les parcelles ainsi concernées. Ainsi, et en tout état de cause, ses conclusions tendant aux mêmes fins, qui ne sont pas dirigées contre une décision administrative, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, et qui ne peuvent être regardées comme une demande accessoire à ses conclusions indemnitaires, sont irrecevables et doivent pour ce motif être rejetées.

5. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'institution de retraite complémentaire Malakoff Humanis AGIRC-ARRCO doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'indemnisation de ses frais d'instance.

6. Il suit de là qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur les conclusions du département du Var, formulées à titre subsidiaire, tendant à être garanti par la commune du Lavandou de toute condamnation prononcée à son encontre.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par le département du Var au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'institution de retraite complémentaire Malakoff Humanis AGIRC-ARRCO est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département du Var présentées sur le fondement de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'institution de retraite complémentaire Malakoff Humanis AGIRC-ARRCO et au département du Var.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2022, où siégeaient :

- M. Badie, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Ury, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mars 2022.

N° 20MA038272


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20MA03827
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Droits civils et individuels - Droit de propriété - Actes des autorités administratives concernant les biens privés - Voie de fait et emprise irrégulière.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : LEICK RAYNALDY et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-22;20ma03827 ?
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