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22/03/2022 | FRANCE | N°19MA05379

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 22 mars 2022, 19MA05379


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F..., Mme C... F..., Mme B... F... et leur assureur, la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Hyères-les-Palmiers à verser à la somme de

182 696,20 euros à M. A... et Mme C... F... et la somme 8 195,38 euros à

Mme B... F..., au titre du préjudice matériel qu'ils estiment avoir subi à raison de l'effondrement d'un canal situé sous leur propriété sise chemin de la Ritorte sur le territoire de

cette commune en novembre 2014, à verser à la MAIF, en sa qualité d'assureur subrogé ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F..., Mme C... F..., Mme B... F... et leur assureur, la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Hyères-les-Palmiers à verser à la somme de

182 696,20 euros à M. A... et Mme C... F... et la somme 8 195,38 euros à

Mme B... F..., au titre du préjudice matériel qu'ils estiment avoir subi à raison de l'effondrement d'un canal situé sous leur propriété sise chemin de la Ritorte sur le territoire de cette commune en novembre 2014, à verser à la MAIF, en sa qualité d'assureur subrogé dans les droits des consorts F... la somme totale de 20 973,24 euros au titre des pertes de loyers remboursés à ses assurés, et de condamner la commune aux dépens et notamment à la somme de 11 145,09 au titre des frais d'expertise.

Par un jugement n° 1701976 du 24 octobre 2019, le tribunal administratif de Toulon a condamné la commune de Hyères-les-Palmiers à verser une somme de 46 550 euros aux époux A... et Yvonne F..., une somme de 3 000 euros à Mme B... F... et une somme de 20 973,24 euros à la MAIF d'une part, et mis à la charge définitive de la commune de

Hyères-les-Palmiers les frais et honoraires d'expertise taxés et liquidés à la somme de

11 145,09 euros par ordonnance du président du Tribunal.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2019, et un mémoire, enregistré le

11 janvier 2022, la commune de Hyères-les-Palmiers, représentée par Me Gaulmin, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de rejeter les demandes subsidiaires formées par les consorts F... ;

3°) subsidiairement, de réduire la condamnation prononcée à son encontre à de plus justes proportions ;

4°) de mettre à la charge des consorts F... et de la MAIF une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'ouvrage à l'origine du dommage n'est pas un ouvrage public dès lors qu'il est inadapté aux exigences du service public ;

- à supposer qu'il s'agisse d'un ouvrage public, les requérants n'ont pas la qualité de tiers par rapport à l'ouvrage, mais d'usagers ;

- aucun défaut d'entretien normal de l'ouvrage, dont la commune ignorait l'existence, n'est établi ;

- l'urbanisation du secteur en amont de l'ouvrage n'a eu aucune incidence sur le ruissellement des eaux pluviales aboutissant aux propriétés endommagées ;

- les dommages trouvent leur origine dans une faute des consorts F... qui ont construit leur villa en violation des plans de leur permis de construire et n'ont effectué aucune mesure préventive sur l'ouvrage souterrain à leur villa ;

- les sommes réclamées sont injustifiées et en tout état de cause excessives ;

- les conclusions incidentes à fin d'injonction sont irrecevables car nouvelles en appel et non précédées d'une demande préalable.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 6 février 2020 et le 13 octobre 2021, les consorts F..., représentés par Me Bauducco, demandent à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la commune de Hyères-les-Palmiers ;

2°) par la voie de l'appel incident, à titre principal, d'enjoindre à la commune de Hyères-les-Palmiers de réaliser les travaux de reprise de la canalisation des eaux pluviales passant sous leur propriété, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; subsidiairement, de leur verser la somme de 87 215,90 euros au titre des travaux de réfection de l'ouvrage ;

3°) de porter à 86 820,85 euros la somme que la commune doit être condamnée à verser aux époux F... au titre de leur préjudice matériel, à 20 973,24 euros la somme que la commune doit verser au groupe MAIF et à 68 249,36 euros la somme que la commune doit verser à Mme B... F... au titre de son préjudice matériel et à 20 000 euros la somme que la commune doit verser à la famille F... au titre de leur préjudice moral ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Hyères-les-Palmiers une somme de

1 500 à verser à chacun des requérants, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux entiers dépens.

Ils soutiennent que :

- ils ont subi un dommage résultant de l'effondrement d'un canal situé sous leur propriété ;

- l'ouvrage en cause est un ouvrage public ;

- ils ont la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage ;

- ils doivent être indemnisés au titre de la responsabilité sans faute de la commune, engagée du fait de l'effondrement de l'ouvrage public ;

- leurs préjudices dépassent les sommes allouées par les premiers juges ;

- la prescription quadriennale ne saurait leur être opposée ;

- leurs préjudices matériels sont établis ;

- la MAIF s'est acquitté des sommes de 9 240 euros et de 11 733,24 euros respectivement au titre des pertes de loyer de M. et Mme A... F... et de

Mme B... F....

- les moyens soulevés par la commune de Hyères-les-Palmiers ne sont pas fondés, et le tribunal administratif de Toulon a fait une insuffisante évaluation de leurs préjudices.

Les consorts F... ont produits des pièces, enregistrées le 2 mars 2022.

Par un mémoire, enregistré le 1er mars 2022, la métropole Toulon-Provence-Méditerranée, représentée par Me Phelip, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 24 octobre 2019 ;

2°) de rejeter les demandes incidentes formées par les consorts F... ;

3°) de mettre à la charge des consorts F... et de la MAIF une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande d'injonction est irrecevable car nouvelle en appel ;

- l'ouvrage à l'origine du dommage n'est pas un ouvrage public ;

- les dommages trouvent leur origine dans une faute des consorts F... qui ont construit leur villa en violation des plans de leur permis de construire et n'ont effectué aucune mesure préventive sur l'ouvrage souterrain à leur villa ;

- les sommes réclamées sont injustifiées et en tout état de cause excessives.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n°2017-1758 du 26 décembre 2017 portant création de la métropole dénommée " Toulon-Provence-Méditerranée " ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions de l'ordre administratif et notamment son article 5 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Renault,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de Me Gaulmin, représentant la commune de Hyères-les-Palmiers, de Me Reyne, substituant Me Phelip, représentant la métropole Toulon-Provence-Méditerranée et de Me Lhotellier, substituant Me Bauducco, représentant les consorts F....

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Hyères-les-Palmiers relève appel du jugement du 24 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Toulon l'a déclarée responsable des dommages

survenus sur la propriété des consorts F..., à la suite de l'effondrement, en novembre 2014, d'un canal situé sous leur propriété, l'a condamnée à verser aux époux A... et Yvonne F... une somme de 46 550 euros, à leur fille, Mme B... F..., une somme de 3 000 euros et à leur assureur, la MAIF, une somme de 20 973,24 euros d'une part, et mis à sa charge définitive les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le président du Tribunal. Par la voie de l'appel incident, les consorts F... demandent de condamner la commune de Hyères-les-Palmiers à réaliser les travaux de reprise de l'ouvrage hydraulique souterrain de collecte et d'évacuation des eaux pluviales au droit de leur propriété, subsidiairement, de leur verser la somme de

87 215,90 euros au titre des travaux de réfection de l'ouvrage, de porter à 86 820,85 euros la somme que la commune doit être condamnée à verser aux époux F... au titre de leur préjudice matériel, à 68 249,36 euros la somme que la commune doit verser à

Mme B... F... au titre de son préjudice matériel et à 20 000 euros la somme que la commune doit verser à la famille F... au titre du préjudice moral qu'ont subi ses membres.

2. La métropole Toulon-Provence-Méditerranée créée le 1er janvier 2018 s'est substituée de plein droit à la commune de Toulon en application des dispositions du a) du 5° du I de l'article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales. La réparation des préjudices doit ainsi être regardée comme étant à la charge de la métropole Toulon-Provence-Méditerranée, de même que doivent être regardées comme dirigées contre elle les conclusions incidentes à fin de réalisation des travaux pour mettre fin aux dommages.

Sur la responsabilité de la commune de Hyères-les-Palmiers :

3. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages, qui doivent revêtir un caractère anormal et spécial pour ouvrir droit à réparation, résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Il appartient toutefois au tiers, victime d'un dommage de travaux publics, de rapporter la preuve du dommage dont il se plaint et du lien de causalité entre les travaux publics et ce dommage.

4. Il résulte de l'instruction et en particulier du rapport d'expertise, en date du

18 décembre 2014, réalisé au contradictoire de la commune de Hyères-les-Palmiers, par le bureau d'études Elex, à la demande de la MAIF, assureur de Mme B... F..., et du rapport de l'expert, M. D..., désigné par le président du tribunal administratif de Toulon, que les dommages apparus sur la propriété des époux F..., consistant en l'apparition d'une cavité de l'ordre de 40 m3 sous le plancher du rez-de-chaussée au droit de l'angle Nord de la maison, se prolongeant en effondrement du terrain extérieur en façade ouest, d'un volume équivalent, ainsi que de la présence de fissures traversantes horizontales et obliques d'une largeur de 1 à 5 mm, sont la conséquence de la dégradation puis de l'effondrement, à la suite d'un épisode pluvieux particulièrement violent, de l'ouvrage hydraulique traversant le tréfonds de leur propriété ainsi que celle de leurs voisins, les consorts E.... Pour contester sa responsabilité, la commune de Hyères-les-Palmiers soutient, d'une part, que le canal litigieux ne constitue pas un ouvrage public dont elle a la garde et, d'autre part, que les consorts F... ne sauraient être considérés comme des tiers à l'ouvrage mais sont des usagers de l'ouvrage, à l'entretien normal duquel la commune ne peut être regardée comme ayant défailli dès lors qu'elle était dans l'ignorance de son existence. Elle soutient enfin qu'en tout état de cause, elle doit être déchargée de toute responsabilité dès lors que l'effondrement de l'ouvrage résulte de fautes commises par M. F... lors de la construction de son habitation et des travaux qu'il y a réalisés, ainsi qu'en omettant d'entreprendre les mesures nécessaires lors de l'apparition des premiers désordres.

5. En premier lieu, les biens immeubles résultant d'un aménagement, qui sont directement affectés à un service public, y compris s'ils appartiennent à une personne privée, présentent le caractère d'ouvrage public. Il ressort du rapport d'expertise (p.28) que les propriétés des consorts F... et de leurs voisins sont situées en pied du bassin versant drainé par le cours d'eau La Ritorte les traversant, aujourd'hui enterré sur la totalité de son linéaire, à la suite d'aménagements réalisés à différentes époques : au cours des années 1960 pour le tronçon allant de l'entrée d'un lotissement situé en amont de la propriété F... jusqu'à l'extrémité de la propriété E..., au début des années 1990 pour le tronçon situé le long du cimetière en amont du lotissement, auquel se raccordent de nombreux ouvrages hydrauliques latéraux, dont l'expert note (p.30) que " l'implantation et l'affectation montrent qu'il s'agit d'un réseau public ", et enfin au début des années 2000 pour le tronçon situé entre la maison funéraire et le lotissement en amont des propriétés concernées par l'effondrement de l'ouvrage. Selon l'expert, " le cours d'eau traversant les propriétés F... et E... constitue l'exutoire du bassin versant de la Ritorte, tel qu'il apparaît sur la carte topographique IGN " (p. 32). Il indique que la partie de l'ouvrage hydraulique la plus ancienne, plus vulnérable du fait de son mode de construction, a été soumise à une augmentation du débit des eaux d'écoulement du fait de l'urbanisation de la partie amont du bassin versant et de l'accroissement des surfaces imperméabilisées qui en a résulté, phénomène que la partie de l'ouvrage construite dans les années 1990 est en mesure de supporter, y compris à l'occasion d'un événement de type centennal, mais non la partie la plus ancienne de l'ouvrage (p.32). Il ajoute que " le schéma directeur pluvial établi par la commune de Hyères confirme sa connaissance du fonctionnement hydraulique général du bassin versant [de la Ritorte] " et qu'elle avait connaissance de l'existence d'ouvrages hydrauliques anciens directement en aval lors de la réalisation d'aménagements publics et urbains en amont du bassin versant de la Ritorte au début des

années 1990, tout en méconnaissant leur état (pp. 34 et 35). Aussi, ces constatations expertales n'étant pas sérieusement contredites, dès lors que l'ouvrage en partie effondré se situe dans le prolongement des aménagements réalisés dans le lit du cours d'eau, qui présentent le caractère d'ouvrages publics affectés à la collecte des eaux pluviales, il doit être regardé comme étant directement affecté à un service public de réseau de collecte d'eaux pluviales, et présentant le caractère d'un ouvrage public, sans que la commune puisse y opposer la circonstance qu'elle n'est pas propriétaire de l'ouvrage litigieux, qu'elle n'en connaissait pas avec précision les caractéristiques, ou encore que l'ouvrage en question n'était pas adapté au service de collecte des eaux pluviales.

6. En deuxième lieu, la victime du dommage résultant du fonctionnement défectueux du réseau de collecte d'eaux pluviales du fait de son débordement ou de son état d'usure, indépendamment de l'usage qui en a été fait par cette dernière en sa qualité d'usagère raccordée au réseau communal, doit être regardée comme tiers par rapport à cet ouvrage. La commune de Hyères-les-Palmiers n'est dès lors pas fondée à soutenir que les consorts F... auraient dû être considérés comme usagers du réseau communal et que sa responsabilité ne pouvait être engagée qu'au titre d'un défaut d'entretien.

7. En troisième lieu, la commune de Hyères-les-Palmiers soutient qu'elle doit être exonérée de toute responsabilité dès lors que les désordres apparus sur la propriété de

M. et Mme F... résultent de leurs propres fautes. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction que les fissures, discrètes, apparues à partir de l'année 2000 sur les murs de la villa des consorts F..., laissaient présager la réalisation d'un effondrement du canal souterrain passant sous leur propriété et que ce phénomène aurait dû les conduire à réaliser des mesures de confortement, avant que ne survienne le fort épisode pluvieux ayant conduit à l'effondrement de l'ouvrage. D'autre part, s'il ressort du rapport d'expertise de M. D... que la couverture du canal traversant la propriété de M. et Mme F..., encore aérien en 1959, est concomitante à la réalisation des travaux de construction de la villa de ces derniers, réalisés à compter de 1963 sur un terrain acquis le 30 janvier 1962, il ne résulte pas de l'instruction que cette construction aurait été réalisée en violation du permis de construire obtenu par les intéressés, alors que les travaux exécutés en application des permis de construire du 10 octobre 1961 et du 19 octobre 1966 ont donné lieu à des certificats de conformité en date, respectivement, du 30 septembre 1963 et du 25 mai 1967.

8. Il résulte des points 3 à 7 que les consorts F... justifient de l'existence d'un préjudice anormal et spécial en lien direct et certain avec la présence et le fonctionnement du réseau d'évacuation des eaux pluviales, de nature à engager la responsabilité sans faute de la commune appelante, qui n'est atténuée par aucune cause exonératoire. La commune de Hyères-les-Palmiers, et, à sa suite, la métropole Toulon-Provence-Méditerranée ne sont, dès lors, pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la responsabilité sans faute de la commune était engagée du fait du fonctionnement défectueux d'un ouvrage public dont elle avait la garde.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices matériels :

S'agissant des travaux de réfection de l'ouvrage hydraulique souterrain :

9. La demande des consorts F..., présentée en appel à titre subsidiaire, tendant à la condamnation de la commune de Hyères-les-Palmiers à leur verser la somme de 87 215,90 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre de travaux de réfection de l'ouvrage hydraulique souterrain au droit de leur propriété doit être rejetée par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 11 du jugement attaqué.

S'agissant des travaux de réfection de la propriété de M. et Mme F... :

10. D'une part, en se bornant à soutenir que les devis de travaux de réfection du bien immobilier de M. et Mme F... et des travaux de reprise sont excessifs, et qu'il n'est pas nécessaire de majorer le coût de tels travaux d'une somme de 10% correspondant au coût de la maîtrise d'œuvre, la commune, pas davantage que la métropole Toulon-Provence-Méditerranée, ne conteste utilement le montant du préjudice qu'elle a été condamnée, par les premiers juges, à verser à M. et Mme F... au titre des travaux à réaliser sur leur habitation. D'autre part, en se bornant à produire de nouveaux devis, établis par la société Temsol le 23 février 2022, dont le montant total, s'élevant à la somme de 89 360 euros, excède le total des devis établis par la même société pour les mêmes travaux, d'un montant total de 36 740,85 euros et dont l'adéquation avec les travaux à réaliser avait été reconnue par l'expert, sans justifier le coût excédentaire, les intéressés établissent seulement que leur préjudice doit être élevé à la somme de 36 740,85 euros.

S'agissant de la perte des loyers perçus par M. et Mme F... :

11. Il ressort des termes du jugement attaqué que les premiers juges ont condamné la commune à verser à M. et Mme F... une somme de 1 750 euros et à leur assureur, la MAIF, une somme de 9 240 euros au titre de ce préjudice, évalué à un montant total de 10 990 euros. D'une part, la commune de Hyères-les-Palmiers soutient que la somme qu'elle a été condamnée à verser à M. et Mme F... et à la MAIF à ce titre est excessive, faute, pour ces derniers, d'établir une perte de chance de louer leur bien et, d'autre part, M. et Mme F... demandent à ce que la somme à laquelle la commune doit être condamnée à les indemniser au titre de ce préjudice soit portée de la somme de 1 750 euros à celle de 47 280 euros, correspondant à

72 mois de perte d'un loyer de 785 euros, et ce après la déduction de la somme de 9 240 euros que les premiers juges ont condamné la commune à verser à la MAIF.

12. Il résulte de l'instruction que M. et Mme F... louaient un appartement dans leur habitation, au terme d'un bail conclu pour une durée de trois ans à compter du 1er mars 2012, pour un montant de 770 euros mensuel hors charges, et que les locataires de l'appartement ont été contraints de le quitter à la fin du mois de novembre 2014 du fait des désordres survenus dans la propriété, et ont cessé, à cette date, de payer ce loyer. Si le bail expirait le 28 février 2015, il résulte de l'instruction que les époux F... ont subi une perte de chance de 50 % de louer leur bien immobilier en raison des risques inhérents d'effondrement, qu'à la date de la dernière évaluation de leur préjudice, le 13 octobre 2018, les lieux restaient inhabitables, faute de réalisation des travaux de réfection de l'ouvrage hydraulique souterrain, et que l'accès à la propriété des intéressés a été interdit par arrêté du maire de Hyères-les-Palmiers du

28 décembre 2016. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de leur préjudice en portant la somme que la commune doit leur verser en réparation de ce préjudice à 23 870 euros, et ce après la déduction de la somme que les premiers juges ont, à bon droit, condamné la commune à verser à la MAIF.

S'agissant des travaux d'urgence :

13. Le préjudice consécutif aux travaux d'urgence que M. et Mme F... ont dû faire réaliser suite à l'effondrement de l'ouvrage hydraulique souterrain, bâchage de la cavité provoquée par l'effondrement de l'ouvrage, effectué en janvier 2015 et travaux de confortement d'urgence des fondations de la maison, réalisés en décembre 2014, dont la nécessité n'est pas contestée, est suffisamment établi par les factures produites par les consorts F..., sans qu'il soit nécessaire de produire des devis comparatifs. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont condamné la commune à indemniser, à hauteur de 2 800 euros TTC, ce chef de préjudice.

S'agissant du préjudice de Mme B... F... :

14. D'une part, il résulte de l'instruction que Mme B... F... occupait, à titre gratuit, un logement dans la maison appartenant à ses parents, et qu'elle a dû, suite aux désordres apparus dans cette propriété, quitter son domicile et louer un appartement dans la commune d'Hyères-les-Palmiers. Mme B... F... a reçu de la part de son assureur la MAIF, une somme de 11 733, 24 euros au titre des loyers versés pour la reloger de janvier 2015 au

31 janvier 2016, dont l'assureur a demandé le remboursement, en vertu d'une quittance de subrogation du 28 mars 2017, et elle a versé à son bailleur une somme de 16 800 euros entre février 2016 et juin 2018. Il existe un lien direct entre la nécessité, pour Mme B... F..., de payer, entre janvier 2015 et juin 2018, un loyer pour l'appartement qu'elle a dû louer et les désordres qui ont rendu la propriété de ses parents inhabitable. Il y a lieu, en conséquence, de porter à 16 800 euros la somme qui doit être versée à Mme B... F... en réparation du préjudice relatif à ses frais de relogement entre janvier 2015 et juin 2018, et ce après la déduction de la somme de 11 733, 24 euros que les premiers juges, ont, à juste titre, condamné la commune de Hyères-les-Palmiers à verser à la MAIF.

15. D'autre part, à compter du 1er juin 2018, Mme B... F... a quitté l'appartement de location dans lequel elle était relogée pour aménager dans un bien immobilier lui appartenant, situé dans la commune de Pierrefeu, qui était en location jusqu'à cette date. Il ne résulte pas de l'instruction que ce sont les désordres ayant affecté la propriété de ses parents qui l'ont conduite à occuper le bien immobilier dont elle est propriétaire et renoncer de ce fait à percevoir des loyers de la location de ce bien, alors qu'il n'est pas établi que cette propriété aurait dû être nécessairement louée postérieurement au 1er juin 2018, ni que sa décision de prolonger son activité professionnelle au-delà de l'âge légal de départ à la retraite serait la conséquence de ces désordres. Dans ces conditions, ces derniers préjudices, qui ne présentent qu'un caractère hypothétique, ne peuvent donner lieu à indemnisation.

En ce qui concerne les préjudices immatériels :

16. D'une part, en se bornant à soutenir que les consorts F... n'établissent ni la réalité de leur préjudice moral ni que leur préjudice de jouissance n'aurait pas été entièrement réparé par l'allocation d'une indemnisation de leurs préjudices matériels, la commune de Hyères-les-Palmiers n'établit pas que ces derniers, qui sont dans l'impossibilité d'avoir accès, d'occuper et de louer le bien affecté par les désordres, n'ont pas connu un bouleversement de leurs conditions de vie justifiant qu'il leur soit alloué, à ce titre, une indemnisation au titre de leur préjudice moral. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'à la date à laquelle la Cour statue, aucune amélioration de la situation n'est intervenue, en l'absence de travaux de réfection de l'ouvrage au fonctionnement défectueux, ce qui a conduit à aggraver le préjudice moral des intéressés. Il y a lieu, dans ces conditions, de porter à la somme de 4 000 euros, la somme que la commune est condamnée à verser à ce titre à chacun des requérants, M. A... F..., à

Mme C... F... et à Mme B... F....

17. Il résulte des points 9 à 16 que la somme que la commune de Hyères-les-Palmiers doit être condamnée à verser aux époux A... et Yvonne F..., au titre de leurs préjudices matériels et immatériels, doit être portée à la somme totale de 71 410,85 euros, la somme qu'elle doit être condamnée à verser à Mme B... F..., en réparation de l'ensemble de ses préjudices, à 20 800 euros et, enfin, que la commune de Hyères-les-Palmiers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamnée à verser la somme de 20 973,24 euros à la MAIF au titre des sommes versées par cette dernière à ses assurés.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

18. Si, dans le dernier état de leurs écritures, les consorts F... demandent à ce qu'il soit enjoint à la commune de Hyères-les-Palmiers de procéder au travaux de réfection de l'ouvrage hydraulique au droit de leur propriété, ils n'assortissent cette demande d'aucune précision quant au fondement au titre duquel elle est formulée, ce qui ne permet pas au juge d'en apprécier la portée. Dans ces conditions, cette demande ne peut qu'être rejetée, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir soulevées par la commune de Hyères-les-Palmiers et la métropole Toulon-Provence-Méditerranée.

Sur les conclusions relatives aux frais d'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des consorts F... et de la MAIF, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par la commune de Hyères-les-Palmiers et la métropole Toulon-Provence-Méditerranée. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge solidaire de la commune et de la métropole la somme globale de 2 000 euros, sur le fondement des mêmes dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Hyères-les-Palmiers est rejetée.

Article 2 : La métropole Toulon-Provence-Méditerranée, qui s'est substituée à la commune de Hyères-les-Palmiers, est condamnée à verser à M. A... et Mme C... F... une somme portée à 71 410,85 euros au titre de leurs préjudices matériels et immatériels, et à

Mme B... F... une somme portée à 20 800 euros, en réparation de l'ensemble de ses préjudices.

Article 3 : Le jugement n° 1701976 du 24 octobre 2019 du tribunal administratif de Toulon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : La commune de Hyères-les-Palmiers et la métropole Toulon-Provence-Méditerranée verseront solidairement à M. A... F..., Mme C... F..., Mme B... F... et la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF) une somme globale de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des consorts F... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F..., Mme C... F...,

Mme B... F..., à la Mutuelle assurance des instituteurs de France (MAIF), à la commune de Hyères-les-Palmiers et à la métropole Toulon-Provence-Mediterranée.

Copie en sera adressée à M. D..., expert.

Délibéré après l'audience publique du 8 mars 2022, où siégeaient :

' M. Badie, président,

' M. Revert, président assesseur,

' Mme Renault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 mars 2022.

2

N° 19MA05379


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA05379
Date de la décision : 22/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-03 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.


Composition du Tribunal
Président : M. BADIE
Rapporteur ?: Mme Thérèse RENAULT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : SELARL BAUDUCCO-ROTA-LHOTELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-03-22;19ma05379 ?
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